D'un autre angle
D'un autre angle

J'avoue avoir été impressionné par la réaction des Penguins de Pittsburgh après leur rapide et incompréhensible élimination en quatre matchs contre une équipe qu'ils avaient pourtant devancée par la marge confortable de dix points au classement. Huit victoires de plus que les Bruins dans une saison écourtée de quelques mois, ce n'était quand même pas rien.

La majorité des experts avaient anticipé une finale de la coupe Stanley entre les Penguins et les Blackhawks de Chicago. Avec deux des meilleurs attaquants de la planète dans leur formation, avec un finaliste au trophée Norris et un gardien qui avait déjà aidé son équipe à mériter une coupe et avec, de surcroît, une addition de dernière minute assurée de trouver sa niche au Panthéon du hockey en Jarome Iginla, il s'en était trouvé plusieurs pour leur prédire la Coupe avant le tout premier match des séries.

Leur déroute inattendue a semé la désolation dans la ville. On a exigé le renvoi de l'entraîneur Dan Bylsma. On était convaincu que Marc-André Fleury avait disputé son dernier match dans cet uniforme. Certains prédisaient même que Kristopher Letang poursuivrait sa carrière ailleurs.

Or, l'organisation des Penguins a démontré assez clairement pourquoi elle forme une puissance dans la Ligue nationale. On ne bâtit pas une formation championne en posant des gestes irréfléchis sous le coup de la frustration. On planifie à long terme, parfois même à très court terme quand la situation le suggère, mais on ne bousille pas tout quand ça ne fonctionne pas comme prévu.

Bien sûr, Bylsma avait la responsabilité de faire produire une bande de joueurs très talentueux. Sur ce plan, il a échoué. Néanmoins, on ne cède pas à la pression publique et à celle des médias en limogeant un entraîneur qui a été abandonné par son gardien. L'affaissement de Fleury a forcé les Penguins à se battre pour  une quatrième coupe Stanley avec un gardien numéro deux. Après tout, Tomas Vokoun avait joint les Penguins dans la peau d'une police d'assurance, pas dans celle d'un gagnant potentiel au trophée Conn Smythe.

Shero a tenu compte de deux autres facteurs. D'abord, Bylsma s'est assez bien tiré d'affaire depuis qu'il est là. Puis, s'il l'avait remercié, il aurait pu se retrouver assez rapidement chez les Rangers. Or, à l'intérieur de sa division, on ne voulait pas avoir à se mesurer à un entraîneur connaissant fort bien les forces et les faiblesses des Penguins. D'où la prolongation de contrat de deux ans qu'on lui a accordée.

Du même coup, on a envoyé le message aux joueurs qu'on ne baissait pas les bras en accordant un très long contrat à Evgeni Malkin, une entente qui l'assure de terminer sa carrière à Pittsburgh, et en assurant le retour de Fleury, un athlète populaire auprès de ses coéquipiers. Pour reprendre une expression popularisée par Michel Therrien : « Pas de niaisage à Pittsburgh ».

Néanmoins, la décision concernant Fleury comporte un certain risque. Ce n'est pas la première fois qu'il éprouve de la difficulté à garder le fort sous pression. Ce qui s'est passé dans les séries ne sera pas facile à oublier pour lui. Il sera montré du doigt comme un gardien qui flanche dans les grands moments. Ça fait quand même trois printemps de suite que son équipe pique du nez. Il n'y a pas si longtemps, on parlait de lui comme un des gardiens de confiance en vue des prochains Jeux olympiques. On peut oublier cela. Pour défendre les honneurs du pays, il ne faut pas créer des doutes aussi sérieux autour de soi.

On va aussi se dire les vraies choses. Fleury ne restera pas avec les Penguins uniquement parce qu'il est un gars aimé. Échanger un gardien qui s'écroule dans les moments importants et qui empochera 5,7 millions $ au cours de chacune des deux prochaines saisons aurait été une mission impossible.

Quant à Letang, oubliez toutes les rumeurs à son sujet. C'est un défenseur de grande valeur que les Penguins ne laisseront jamais partir. Dans une ère où les défenseurs de son statut sont une monnaie rare, on ne se départit pas d'un arrière capable de gagner le trophée Norris. Demandez-vous un instant ce que les Sénateurs d'Ottawa auraient pu accomplir s'ils n'avaient pas laissé partir Zdeno Chara pour une question d'argent.

Les récentes décisions du personnel hockey des Penguins ont reçu l'approbation de Mario Lemieux, soyez-en sûrs. Pourquoi Lemieux et ses partenaires actionnaires auraient-ils couru le risque d'affaiblir une machine qui se retrouvera encore au plus fort de la course l'an prochain?

Par ailleurs, compte tenu des gestes déterminants qu'il vient de poser, Shero tend à démontrer pourquoi il est considéré comme le meilleur directeur général du circuit et ce, même si les deux autres finalistes à ce titre étaient tout aussi méritants. Au Québec, on croit évidemment que Marc Bergevin aurait dû l'emporter. C'est de bonne guerre.

Marc BergevinBergevin, qui semble un peu bâti dans le même moule que Shero, dans le sens où il ne donne pas l'impression de céder à la panique quand tout le monde se charge de lui faire des recommandations, sera reconnu à sa juste valeur un jour. Laissons-lui le temps d'arriver.

Le Canadien a fait un bond prodigieux au classement cette saison. Faudra voir d'abord s'il s'agit d'un coup d'épée dans l'eau.

Le temps de passer aux choses sérieuses

Bergevin est calme et semble vouloir prendre son temps dans la reconstruction du Canadien. Cependant, pour continuer à aller de l'avant, il aura besoin de poser des gestes d'importance dès le 5 juillet prochain. C'est à ce moment qu'on saura s'il est dans la même ligue que les meilleurs décideurs du circuit.

Récemment, il a accordé un contrat de deux ans à un défenseur, Davis Drewiske, qui n'était pas assez fiable pour aider l'équipe durant la série contre Ottawa. Avec les jeunes qui poussent à la ligne bleue, une entente de deux ans est difficile à comprendre. Un an, peut-être, mais deux?

Cependant, avec la chute du plafond salarial et avec la possibilité d'embaucher un ou deux joueurs autonomes coûteux, j'imagine qu'il faut d'abord s'assurer de compter dans la formation quelques joueurs touchant un salaire sous la barre du million.

Les propos de Melanson

J'étais à l'extérieur du pays quand Roland Melanson a émis un constat sévère sur la dégradation qu'il a notée dans le jeu de Carey Price. C'était franc et direct, comme l'ont souvent été les commentaires de l'ex-entraîneur des gardiens du Canadien dans le passé.

Ça m'étonne qu'il soit allé aussi loin dans ses remarques, cependant. Il y avait probablement une bonne part de vérité dans ce qu'il a dit, mais pour un homme qui ambitionne visiblement de reprendre sa place au sein de l'organisation, toute vérité n'était pas bonne à dire.

Autre point. En affirmant que Price est tout croche devant son filet, il a frappé sur un collègue déjà par terre. Ce ne sont pas des commentaires qui vont aider Pierre Groulx à se dénicher un emploi.

Quant à Bergevin, comment pourrait-il envoyer Melanson dans les pattes de Price dans les circonstances? Comment pourrait-il imposer à son gardien un coach qui vient de le juger aussi sévèrement?

Mais peut-être aussi que cette situation n'a pas la moindre importance pour Bergevin, qu'on soupçonne d'avoir déjà trouvé son homme.