MONTRÉAL - Quand vous mettez les pieds au Centre Bell pour assister à un match du Canadien, vous souhaitez une victoire de vos favoris.

 

Vous espérez que Carey Price vole des buts à l’adversaire; que Shea Weber marque en avantage numérique à l’aide de l’un de ses puissants tirs frappés sur réception; que le premier trio piloté par Phillip Danault et complété par Tomas Tatar et Brendan Gallagher impose son rythme tout en brisant celui du meilleur trio adverse; que Max Domi et Jonathan Drouin connaissent un bon match et vous en mettent plein la vue comme ils le font avec brio quand ils sont dans de bonnes dispositions.

 

Vous anticipez un bon spectacle.

 

Que le Canadien gagne ou perde, que Price vole des buts ou en donne un de trop, que Weber brise un bâton au lieu de catapulter la rondelle derrière le gardien de l’autre club ou que l’équipe soit à plat au lieu d’être au-dessus de la mêlée, vous pouvez toujours compter sur Paul Gallant et le reste de son équipe.

 

Paul Gallant?

 

Vous ne le connaissez pas, mais il a un impact direct sur votre soirée chaque fois que vous entrez au Centre Bell. Car c’est lui et les membres de son équipe qui s’occupent de la gestion de la soirée. Tout ce qui défile sur l’écran géant, la musique crachée par les haut-parleurs, des grands succès aux ritournelles habituelles jouées par Diane Bibaud derrière ses claviers juchés sur la galerie de presse, les animations dans les gradins et sur la patinoire entre les périodes : Tout ça est orchestré par Gallant qui est directeur de la production des matchs et par ses coéquipiers qui « patinent » autant dans leur travail que le font les joueurs sur la patinoire.

 

Des fois plus, même.

 

En ce moment, Paul Gallant et les membres de son équipe de production sont en arrêt de travail. Ils sont confinés à la maison par la COVID-19.

 

Attaque massive contre la pandémie

 

Bien qu’il soit déçu d’être privé de travail, de hockey et de spectacles, Paul Gallant se réjouit d’une chose : il peut prendre les bouchées doubles à la maison afin de permettre à son épouse de prendre les bouchées triples dans la lutte contre la pandémie.

 

Surtout que son épouse, Audrey Kayes s’occupe des gens les plus menacés par le virus mortel : les personnes âgées.

« Audrey fait les suivis médicaux auprès des aînés qui ne sont pas en centre hospitalier ou CHSLD. La majorité de ses patients ont 70 ans et plus. Ils sont dans la catégorie la plus à risque. Elle les visite à leur domicile afin de s’assurer qu’ils se remettent bien des traitements qu’ils ont subis, qu’ils maintiennent bien la prise de leurs médicaments, qu’ils sont bien nourris et bien sûr qu’ils respectent les mesures de sécurité et de prévention face à la COVID-19 », explique fièrement le directeur de la production des matchs du Tricolore.

 

Comme les préposés aux bénéficiaires et toutes ses collègues infirmiers et infirmières, Audrey Kayes travaillait dans l’ombre il y a un mois à peine. Bon! On savait tous que leurs services étaient essentiels. Qu’ils et elles trimaient dur dans les coins pour le bien-être de leurs patients. Mais on était loin de parler d’eux comme des « anges gardiens » de nos malades et de notre société.

 

« Je me rends compte bien plus aujourd’hui à quel point le travail d’Audrey est important. Je savais ce qu’elle faisait. Mais je ne réalisais pas à quel point c’était important d’aller faire les suivis auprès des personnes âgées qui sont souvent seules dans les appartements, condos et maisons où ils vivent un peu partout en Montérégie-Ouest qui est le territoire qu’elle doit couvrir. »

 

De 50 à 100 patients à visiter

 

Déjà importants, les besoins sont devenus criants depuis que la COVID-19 s’est pointée le nez dans la région avant de s’y installer et de commencer à faire les ravages qu’on la sait maintenant en mesure de faire.

 

« Je regarde Audrey partir travailler avec des yeux différents maintenant. Le fait qu’elle ne soit pas en milieu hospitalier, mais toujours seule avec des gens qui ont besoin d’elle m’inquiète un peu plus. Je sais qu’elle prend les précautions nécessaires. Je sais qu’elle a l’équipement qu’il lui faut et qu’elle a un solide bagage d’expérience acquise au fil de toutes les années au cours desquelles elle a travaillé dans de grands hôpitaux comme le Royal Victoria et l’Hôpital Général. Mais quand même. Ce n’est pas évident d’aller de maison en maison comme elle le fai t», raconte Paul Gallant en admettant être parfois un brin inquiet de la situation dans laquelle son épouse et mère de leurs deux enfants âgés de 13 et 16 ans plonge quotidiennement.

 

« Elle ne me conte pas tout. Mais je sais que le nombre de patients qu’elle doit maintenant superviser et visiter a doublé au cours des dernières semaines. Il est passé d’une cinquantaine à une centaine. J’ai un beau job. C’est toujours enivrant de voir les partisans célébrer dans les gradins après un but ou une victoire du Canadien. Ou simplement dans le cours normal d’un match. Mais je ne sauve pas des vies tous les jours moi. C’est énorme ce qu’Audrey et tout le personnel médical accomplissent. Ce l’a toujours été, mais on s’en rend davantage compte aujourd’hui. Et il n’y a pas que les personnes âgées à soigner et à protéger. Il y a les membres de leurs familles à informer et à rassurer. Quand je regarde les nouvelles, c’est à tout ça que je pense maintenant », convient celui qui gère l’écran géant qui surplombe la patinoire du Centre Bell depuis deux ans.

 

Tout ça remet la « Kiss Cam » en perspective.

 

« Pas besoin de la Kiss Cam pour lui démontrer à quel point elle m’impressionne », conclut Paul Gallant avec une fierté évidente dans la voix.