LONDON, Ontario – La troisième fois pourrait être la bonne pour Nikolas Brouillard, qui a fait tourner bien des têtes en fin de semaine au camp des recrues des Maple Leafs de Toronto.

Sous le radar au début d’un tournoi qui regroupait les espoirs de quatre organisations à London, le défenseur des Remparts de Québec est rapidement sorti du lot, attirant éventuellement la curiosité de la masse médiatique torontoise qui n’en avait au départ que pour les populaires choix de première ronde Mitch Marner, Michael Nylander et Frédérick Gauthier.

Brouillard a commencé à faire jaser samedi soir après une impressionnante performance contre les recrues du Canadien. Et pas seulement pour les deux buts qu’il a marqués, ce qui n’a rien de trop inhabituel pour un gars qui en a inscrit 43 au cours de ses trois dernières saisons au niveau junior. C’est quand le chétif quart-arrière a eu les couilles d’engager le combat avec Brett Lernout, un monstre de 6 pieds 4 pouces à qui il concède une quarantaine de livres, qu’on s’est dit qu’il était véritablement en voyage d’affaires.

« Il m’a vraiment impressionné », partageait, au lendemain de cette performance, l’entraîneur du club-école des Maple Leafs, Sheldon Keefe.

« C’est un jeune homme très confiant en possession de rondelle, il joue avec beaucoup d’assurance. Ses deux buts étaient de toute beauté, mais il a aussi montré beaucoup de cran en refusant de reculer devant un gars beaucoup plus gros que lui. Il y a beaucoup de positif à retenir. Il a ouvert des yeux au sein de notre organisation et je suis sûr que nous ne sommes pas les seuls à l’avoir remarqué. »

C’est la troisième fois que Brouillard, 20 ans, obtient une chance de se faire voir dans un camp professionnel. Il y a deux ans, après qu’il eut été ignoré à sa première année d’admissibilité au repêchage de la Ligue nationale, les Sharks de San Jose lui ont soumis une invitation.

« Ça avait vraiment bien été, se souvient-il de cette première saucette dans le monde des pros. On était seulement six défenseurs et l’un d’eux s’était blessé, alors j’avais eu beaucoup de temps de glace. Leurs dépisteurs m’avaient dit qu’ils m’avaient vraiment aimé et qu’ils avaient passé proche de m’offrir un contrat. C’est plate que ça ne soit pas arrivé, mais ça avait bien été. »

L’été suivant, alors qu’il venait de conclure une troisième saison avec les Voltigeurs de Drummondville, Brouillard a reçu l’appel des Jets de Winnipeg.

« Ça aussi, ça avait été une belle expérience. C’est sûr que les dirigeants des équipes ont un peu peur de ma grosseur, je comprends ça. Mais je pense que j’ai toujours bien su gérer ça et j’espère que des éclaireurs le verront », affirme celui qui est répertorié, sur le site internet de la LHJMQ, à 5 pieds 10 pouces et 160 livres.

« Il est petit, concède Keefe, mais il compense avec son intelligence et son esprit compétitif. Ce sont deux atouts qu’il est nécessaire de posséder dans le hockey d’aujourd’hui si vous êtes un joueur de petit gabarit et c’est son cas. »

Brouillard a connu des saisons de 57 et 61 points avec les Voltigeurs avant de déménager à Québec dans le processus de construction de l’équipe qui allait être l’hôtesse du tournoi de la coupe Memorial. Il a été le meilleur pointeur parmi les défenseurs du circuit Courteau l’an dernier avec une récolte de 57 points en 61 parties. Mais le natif de Mont-St-Hilaire croit s’être doté d’une belle polyvalence au cours de son cheminement.

« À 16 ou 17 ans, ça avait été plus difficile défensivement, je me concentrais seulement sur mon attaque. Mais depuis deux ans, et surtout l’année passée, ma défensive s’est beaucoup améliorée. Ça a paru aussi dans les séries. J’ai fini le meilleur au niveau des plus et des moins parmi tous les défenseurs de la Ligue. »

Brouillard a déjà gagné partiellement son pari. Lundi, quand les Maple Leafs ont fait tomber les premières têtes du camp, celle du défenseur québécois avait été épargnée. À partir de jeudi, il sera donc impliqué dans une compétition encore plus relevée. Son but est d’en sortir avec un contrat en poche. La ville de Québec a été bonne pour lui, mais il ne tient pas à y retourner.

« Il me reste quand même une année dans le junior et il y a beaucoup de gars qui signent après leur saison de 20 ans. Mais c’est sûr que j’aimerais que ça soit maintenant. Je pense que dans le junior, j’ai prouvé beaucoup de choses. Je ne dis pas que je n’ai plus rien à montrer, mais j’aimerais jouer dans la Ligue américaine cette année. C’est ça mon but. »

Tout est beau pour Joly

Brouillard fait partie d’un trio de Québécois sans expérience professionnelle à avoir mérité une place au camp du grand club. Frédérick Gauthier, sans surprise, en fait aussi partie. L’imposant joueur de centre a été le choix de première ronde des Leafs en 2013. L’autre est Michaël Joly, un coéquipier de Gauthier pendant trois ans avec l’Océanic de Rimouski.

Joly est dans une situation similaire à celle de Brouillard. Ignoré au repêchage de la LNH, il pourrait toujours se rabattre sur une dernière année d’admissibilité chez les juniors. Son audition avec les Leafs est sa deuxième du genre, après celle qu’il avait obtenue avec les Sabres de Buffalo il y a un an.

Et tout comme son compatriote, Joly a profité de chacune de ses présences sur la patinoire à London pour embellir sa réputation. Il a marqué un but contre le Canadien et un autre le lendemain contre les recrues des Penguins de Pittsburgh dans un match au terme duquel il a été nommé la première étoile.

« Je sais que les Leafs ont besoin de joueurs offensifs, ils l’ont dit souvent, avait déclaré Joly avant le début du tournoi. Moi, je me présente comme un joueur de skills. Je vais donner tout ce que je peux donner au niveau offensif, mais je vais aussi travailler dans les deux sens. »

Auteur d’une saison de 44 buts il y a deux ans, l’ailier originaire de Gatineau en a marqué 26 en 45 matchs de saison régulière l’an dernier. En séries, il a ajouté 21 points en 20 rencontres. C’est son but inscrit en deuxième période de prolongation qui a permis à l’Océanic de remporter la Coupe du Président au terme d’une spectaculaire série finale de sept matchs contre les Remparts de Brouillard.

À Toronto, on salive devant la perspective de voir un jour les Mitch Marner, William Nylander et Kasperi Kapanen faire la pluie et le beau temps dans l’uniforme unifolié. Si le nom de Joly n’a pas encore la même résonance que ces talents de premier plan, ça ne l’a pas empêché de leur tenir tête en fin de semaine.

« Je suis capable de me frotter à ces gars-là, je n’en doute même pas », assure-t-il avec confiance.