MANHATTAN – Les Rangers de New York ayant un genou sur la patinoire et la tête bien basse devant des Kings de Los Angeles qui pourraient balayer la grande finale de la Coupe Stanley dès mercredi, plusieurs partisans du Canadien soulèvent la même question depuis lundi : le Tricolore aurait-il offert une meilleure opposition aux Kings?

Avec un Carey Price en pleine possession de ses moyens et non à l’infirmerie pour soigner la blessure au genou qui l’a gardé à l’écart de la finale de l’Est, peut-être.

Mais attention! Le mot clé ici est « peut-être ».

Car pour que le Canadien fasse meilleure figure que les Rangers, Carey Price aurait été obligé de réaliser des miracles que Henrik Lundqvist n’a pas été en mesure de réaliser devant la cage des Rangers. Lundqvist a été bon. Il ne peut être pointé du doigt dans l’un ou l’autre des trois revers consécutifs encaissés par les Blueshirts. Mais comme le gardien suédois l’a souligné dans son point de presse de mardi, être bon dans le hockey d’aujourd’hui ne suffit plus pour gagner une coupe Stanley. Il faut que le gardien soit sensationnel. Qu’il joue comme l’a fait Jonathan Quick qui, en signant son premier jeu blanc de la série finale, son deuxième des séries, son neuvième en 74 matchs éliminatoires en carrière, a propulsé son équipe à une victoire du privilège de défiler avec le précieux trophée.

« Quand je regarde les trois premiers matchs de la finale, je dirais que 70 % des buts ont été marqués sur des tirs déviés par mes coéquipiers ou nos adversaires. C’est comme ça que les buts se marquent maintenant. Je me sentais bien lors de ces trois matchs. J’ai le sentiment de toujours avoir été en bonne position, de toujours avoir bien suivi les rondelles, mais ce n’était pas assez. Quand tu accordes trois buts ou plus dans un même match, il est difficile de le gagner. Je vais tenter d’élever mon jeu d’un cran demain et nous devrons tous le faire afin de remporter une première victoire et de revenir dans cette série », analysait le gardien suédois.

Disons, aux fins de la discussion, que Carey Price, individuellement, aurait été meilleur que Lundqvist. Ce qui n’est pas acquis. Est-ce que le groupe de défenseurs devant Price aurait été en mesure de résister aux assauts des quatre trios des Kings avec plus d’aplomb que les arrières des Rangers? De l’aider davantage que les défenseurs des Rangers ont aidé Lundqvist?

Prenez deux secondes avant de laisser votre partisanerie vous contraindre à répondre oui trop vite!

En finale de l’Est, Ryan McDonagh et ses coéquipiers défenseurs ont démontré qu’ils étaient collectivement meilleurs, plus solides, plus rapides que P.K. Subban et compagnie.

Et en attaque? Croyez-vous vraiment que les quatre trios du Canadien auraient été en mesure de percer Anze Kopitar – j’adore Patrice Bergeron et Jonathan Toews, mais si Kopitar ne gagne pas le trophée Selke ce sera une injustice sans nom – et la défense des Kings? Inversement, croyez-vous que Tomas Plekanec aurait pu freiner Kopitar, Jeff Carter, Justin Williams, Marian Gaborik et les autres canons des Kings selon les duels que les deux entraîneurs-chefs auraient concoctés?

Je ne crois pas non!

L’Ouest simplement trop forte

Pas question de minimiser les réalisations du Canadien en séries. Encore moins celles des Rangers qui ont trimé très dur pour se rendre en finale de la Coupe Stanley.

Mais comme plusieurs observateurs et amateurs l’ont souligné avec à propos dans les analyses qui ont précédé le duel New York – Los Angeles, la grande finale, la vraie, ce n’est pas en finale de la Coupe Stanley qu’elle s’est déroulée, mais bien en finale d’association Ouest. Une association qui est simplement trop forte pour sa rivale de l’Est.

Et vous savez quoi? Disons que les Hawks avaient résisté à la remontée des Kings et qu’ils avaient obtenu le privilège d’affronter les Rangers en grande finale, il serait peut-être eux aussi en avant 3-0. On peut pousser la même projection en se disant que les Sharks de San Jose et les Blues de St Louis, qui ont pourtant perdu en première ronde, ou les Ducks qui ont goûté à la médecine des Kings en deuxième ronde, auraient pu dominer les représentants de l’Est de la même façon.

Je sais. Il est impossible de faire une telle projection. Surtout qu’en dépit du fait qu’ils soient à un revers d’une élimination expéditive, les Rangers profitaient d’avances confortables lors des deux premiers matchs. Des avances qui ont confirmé la valeur de leur présence en grande finale. Mais le fait que les Kings aient effacé ces avances comme un coup de vent aurait effacé le logo des Rangers tracé dans le sable pour finalement enlever ces deux premiers matchs en prolongation a démontré leur supériorité sur plusieurs fronts. L’Ouest est tellement plus forte qu’il devient difficile de ne pas d’établir ce genre de projection.

Mince avantage aux Bruins

Est-ce que le Canadien aurait mieux fait que les Rangers? Impossible de le dire. Comme il est impossible d’assurer que les Bruins, avec leur taille et l’aspect physique de leur jeu, ou les Penguins, avec une attaque gravitant autour de Sidney Crosby et Evgeni Malkin, auraient mieux fait eux aussi que les Rangers.

Au fond, ces questions sont un brin ou deux futiles.

Car les Bruins, qui forment à mes yeux la seule équipe de l’Est qui pouvait offrir une certaine opposition – et non une opposition certaine – aux clubs de l’Ouest, n’avaient qu’à prendre le Canadien au sérieux au lieu de se faire surprendre en deuxième ronde s’ils voulaient sauver l’honneur de l’Est.

Même chose pour les Penguins qui ont laissé les Rangers revenir de l’arrière d’un déficit de 1-3 dans la série qui opposait les deux équipes en deuxième ronde.

Même chose pour le Canadien qui passera l’été à se dire qu’il aurait été en mesure de battre les Rangers – ce qui n’est pas fait, mais qui n’a pas su prendre les moyens pour y arriver. Le même genre de message que les joueurs des Rangers répéteront ad nauseam tout l’été en guise de consolation s’ils sont éliminés dès mercredi ou qu’ils retardent l’inévitable de quelques jours...

Pourquoi les Kings et les autres clubs de tête de l’Association Ouest sont si forts? Qu’ils sont si supérieurs aux clubs de l’Est?

Parce qu’ils n’ont pas de faille. Parce qu’en plus de pouvoir rivaliser avec n’importe quel club de l’Est sur le plan de la vitesse, du talent, de la capacité de marquer des gros buts ou de fermer le jeu, ils sont aussi plus imposants et plus robustes que tous les clubs de l’Est. Le long de la ligne de centre, sur les ailes, à la ligne bleue, partout.

À la reprise des activités de la LNH après le lock-out de 2004-2005, les changements aux règlements et surtout l’abolition de l’accrochage ont permis aux équipes de miser sur des joueurs de plus petite taille, des joueurs rapides, talentueux, plus dangereux devant le filet pour marquer des buts que dans les coins de patinoire pour assommer des adversaires. Ces changements ont relancé le hockey qui périclitait en raison de l’accrochage qui nivelait le talent vers le bas.

Au fil des ans, ces changements en ont apporté d’autres. Et pour des raisons difficiles à comprendre, c’est dans l’Ouest que ces changements se sont multipliés.

Dans l’Ouest où les équipes semblent avoir compris qu’être rapide et talentueux c’est bien. Que de profiter de la présence d’un excellent gardien c’est tout aussi bien. Et qu’être gros et robuste est un atout indéniable. Mais que lorsque ton équipe regroupe toutes ces qualités en même temps, au lieu d’en laisser une ou l’autre de côté comme c’est le cas avec les équipes de l’Est, elle devient une candidate logique au titre de champion de la Coupe Stanley.

Ces caractéristiques, toutes les équipes de tête dans l’Association Ouest les regroupent. Dans l’Est, c’est une autre affaire.

Le Canadien et le Lightning de Tampa Bay forment des clubs rapides et talentueux dont la survie repose en grande partie sur les jambières de leurs gardiens Carey Price et Ben Bishop. En l’absence de Price et de Bishop, Montréal et Tampa sont devenus des adversaires plus vulnérables.

Les Bruins sont gros. Ils sont physiques. Ils sont capables de marquer des buts et Tuukka Rask fait partie de l’élite de la LNH.

Mais les Bruins ont démontré que face à la vitesse d’une équipe comme le Canadien – avec l’appui des fantômes, il faut le dire aussi – ils perdent leur arrogance et deviennent très vulnérables aussi.

Les Rangers sont rapides, talentueux, ils sont plus gros que le Canadien, mais moins physiques que les Bruins. De fait, les Blueshirts représentent peut-être le club le plus équilibré de l’Association Est. Cet équilibre, le fait qu’ils soient protégés par un très bon gardien, qu’ils aient profité du leadership de Martin St-Louis et qu’ils soient dirigés par l’un des très bons coachs de la LNH, leur a permis de se rendre en finale.

Mais à la lumière de ce qui leur arrive en finale, on réalise que les Rangers sont une coche sous les Kings. Et qu’ils afficheraient sans doute le même manque à gagner face aux autres clubs de l’Ouest qui auraient facilement pu se retrouver en grande finale à la place des Kings.

Et ce qui est vrai pour les Rangers, le serait aussi pour le Canadien, les Bruins, les Penguins, le Lightning et les autres équipes de l’Est qui ne pourraient se battre à armes égales avec celles de l’Ouest qui ne sont pas juste plus grosses ou plus rapides ou plus talentueuses. Mais qui sont plus grosses, et plus rapides, et tout aussi talentueuses... peut-être même plus.

C’est pour ça que l’Ouest soulèvera la coupe Stanley encore cette année même si l’équipe qui la représente a dû disputer 21 longues parties. Si elle a dû suer sang et eau dans trois très longues séries de sept matchs dont la dernière dans le cadre de la grande finale de l’Ouest, la vraie finale qui a opposé Los Angeles et Chicago, avant la finale de la Coupe Stanley qui passera à l’histoire, à moins d’un miracle, comme une simple formalité.