Sans doute étourdi par les neuf buts marqués dans le premier match et par la frénésie des séries qui déferlait à l’intérieur du Forum, l’entraîneur-chef du Lightning Jon Cooper assurait, mercredi soir, qu’en dépit du revers de 5-4 encaissé aux mains du Canadien son club avait bien joué.

Après avoir revu le match, l’avoir analysé et décortiqué, Cooper est revenu sur sa version des faits jeudi après-midi. « Les images confirment que nous avons disputé une très mauvaise rencontre », a-t-il convenu après l’entraînement de son équipe.

Comme quoi il n’y a pas que les arbitres qui gagnent à revoir les bandes vidÉo pour s’assurer de prendre les bonnes décisions, de rendre les bons jugements.

Cela dit, l’entraîneur-chef n’avait pas besoin de faire ce mea culpa au terme de l’entraînement. Car de la façon dont il venait de pousser ses joueurs, avec les changements qu’il venait d’apporter à leur façon de jouer et l’intensité qu’il réclamait dans leur déploiement sur la patinoire, il était clair que Cooper avait identifié plusieurs problèmes et qu’il avait bien l’intention d’apporter autant de solutions.

Des solutions dont le Lightning aura bien besoin s’il veut niveler les chances dans la série qui l’oppose au Canadien au lieu de s’envoler vers Montréal avec un déficit de 0-2 à remonter.

Le Lightning n’a pas bien joué mercredi. Pourtant un club rapide, il a souvent été battu de vitesse par le Canadien. L’échec-avant du Canadien a aussi été plus vigoureux que celui du Lightning et les relances orchestrées par les défenseurs du Tricolore ont éclipsé celles des arrières du Lightning.

Général à la ligne bleue depuis le début de la saison, Victor Hedman, à l’image du reste de ses coéquipiers, n’a pas su maintenir son niveau d’efficacité lors du premier match de la série.

Deuxième marqueur de la LNH chez les arrières depuis le premier janvier dernier, Hedman a connu un match difficile. Tout comme son partenaire de jeu Sami Salo, mais aussi Matt Carle qui jonglait très souvent, trop souvent, avec la rondelle et Radko Gudas qui s’est retrouvé les quatre fers en l’air pour laisser le chemin libre à Tomas Plekanec sur le premier but du Canadien. Un premier but marqué immédiatement après celui qui venait de permettre au Lightning de s’inscrire le premier au pointage.

« Hedman est un peu le moteur de notre équipe. Quand il fonctionne moins bien, cela affecte notre équipe. Il serait le premier à dire que nous avons pris de mauvaises décisions lors de cette partie », a convenu Jon Cooper.

Patience récompensée

Si Jon Cooper et les partisans du Lightning n’ont pu compter sur un Hedman au sommet de son art, ils souhaitent ne pas avoir à patienter trop longtemps avant de le retrouver.

Surtout que le géant défenseur suédois a un brin abusé de la patience des amateurs depuis son arrivée avec le Lightning.

Deuxième choix au repêchage de la LNH de 2009 qui se déroulait à Montréal, Hedman a mis du temps à répondre aux attentes. Pendant que John Tavares, sélectionné tout premier et Matt Duchesne, réclamé par l’Avalanche du Colorado tout juste après qu’il eut été choisi par Tampa Bay, multipliaient les points et devenaient des rouages importants de leur club, Hedman se faisait attendre.

Si des doutes se sont mis à s’éveiller quant au bien fondé d’avoir fait de ce pan de mur de 6’6’’ et près de 240 livres un choix si haut perché au repêchage, la direction du Lightning et les partisans ont affiché une patience que le Suédois a récompensée cette année.

Ses 13 buts enfilés en saison régulière ont presque égalé sa production des quatre premières saisons (16). Ses 55 points accumulés cette année le laissent à seulement 34 points derrière sa production totale en quatre ans.

« Ce jeune est passé de bon à excellent au cours de la saison. Je suis très heureux de cette progression qu’il a affichée cette année et il continuera à progresser », a soutenu Jon Cooper lorsqu’on lui a demandé d’évaluer l’ensemble de l’œuvre de Hedman au cours de la saison sans tenir compte de sa soirée plus difficile de mercredi.

Comment expliquer un si lent développement de la part du défenseur suédois ?

« Plusieurs facteurs sont entrés en ligne de compte. Bien que l’on voit des gars comme Drew Doughty s’imposer dès leur arrivée dans la LNH, je crois qu’il est plus difficile pour un défenseur de faire sa marque. En plus, bien que je sois un défenseur de forte stature, je ne suis pas le plus physique. J’ai mis du temps à démontrer quelle était ma véritable nature », a plaidé Hedman en reconnaissant avoir aussi une part de responsabilité à assumer.

«Les premières années n’ont pas été faciles. Je le reconnais. Je suis chanceux d’avoir toujours pu profiter de la patience de l’organisation. Je savais que j’avais les outils et le talent pour devenir le joueur qu’ils avaient vu en moi. Pour devenir le joueur que je voulais devenir. Mais il m’a fallu plus de temps que prévu. »

Bien qu’il en soit à sa cinquième saison dans la LNH, Victor Hedman n’a que 23 ans. Il est encore tout jeune. D’où la conviction affichée par Jon Cooper qu’il deviendra meilleur encore qu’il ne l’a prouvé au cours de la dernière saison régulière.

Imiter les meilleurs

Bien conscient que son développement se faisait attendre plus que prévu, Victor Hedman a pris les bouchés doubles l’été dernier à l’entraînement.

En fait non! Il s’est moins entraîné qu’avant. Mais il s’est mieux entraîné. Il a modifié son plan d’entraînement pour maximiser sa vitesse sur la patinoire. Une fois rentré du «gym» Hedman s’est tapé des heures de vidéo. Et ce n’était pas pour regarder les faits saillants de la carrière des Chris Pronger et autres gigantesques défenseurs qui se sont imposés au fil des dernières années dans la LNH.

Ça non!

Parce qu’il se considère d’abord et avant tout un défenseur de finesse, Hedman s’est inspiré des meilleurs : il a regardé des bandes vidéo sur lesquelles Scott Niedermayer et son compatriote Nicklas Lidstrom étaient en vedette.

« Niedermayer est certainement l’un, sinon le meilleur patineur chez les défenseurs de l’histoire. J’ai étudié son coup de patin, sa façon de changer de direction d’accélérer en quelques enjambées seulement. Quant à Lidstrom, sa plus belle caractéristique est d’avoir toujours su garder la tête bien haute dans toutes les facettes du jeu. C’est l’une des raisons qui lui ont toujours permis de prendre les bonnes décisions, peu importe les circonstances. Il voyait ce qui arrivait et pouvait analyser le jeu. Ce n’est pas pour rien qu’il est l’un des meilleurs défenseurs à avoir évolué dans la LNH », assurait Hedman.

Et ce dernier commentaire était loin d’être chauviniste. Car bien qu’ils soient tous deux suédois et qu’il lui voue une admiration sans borne, Hedman a croisé Lidstrom une fois ou deux seulement au cours de sa carrière. Il ne pouvait se vanter de le compter parmi ses amis.

Fort de ce nouvel entraînement et de l’apprentissage effectué grâce aux bandes vidéo, Hedman s’est présenté dans de meilleures dispositions à Tampa l’automne dernier.

Le reste est venu tout seul… ou presque.

« L’expérience acquise lors des quatre premières saisons m’a certainement aidé. Je suis plus vieux. J’ai gagné en maturité. Je suis plus fort aussi. Mais par dessus tout, j’ai obtenu plus de confiance de la part des entraîneurs. On m’a offert plus de responsabilités, spécialement en avantage numérique, et le fait de sentir qu’on me faisait autant confiance m’a permis de développer ma confiance, mais aussi de comprendre qu’il vaut parfois mieux ne pas prendre de risque sur la patinoire. C’est l’une des raisons qui expliquent pourquoi mes performances sont plus stables cette année. »

Cet effet boule de neige a aidé la cause de Hedman avec le Lightning. Il ne lui a toutefois pas permis de se faire une place au sein du vestiaire de l’équipe suédoise lors des derniers Jeux olympiques de Sotchi.

Quand on lui pose la question, on sent dans la réponse que cet oubli a fait mal. « Il y avait beaucoup de très bons candidats défenseurs», a d’abord lancé le défenseur sans grande conviction. « Mais je dois reconnaître que j’ai été très déçu, car je croyais avoir ma place au sein de cette équipe. »

Lorsqu’on lui demande si cet affront lui a servi de motivation supplémentaire en deuxième moitié de saison, Hedman se contente de sourire.

Mais quand on consulte les statistiques des défenseurs de la LNH depuis le premier janvier, il est facile de tirer un lien de cause à effet.

Erik Karlsson, des Sénateurs d’Ottawa, a dominé les défenseurs du circuit avec une production de 36 points, dont 10 buts, en 40 matchs depuis le premier janvier.

Hedman s’est hissé tout juste derrière son compatriote avec un point de recul : six buts, 29 mentions d’aide.

Shea Weber (14 buts, 34 points) et James Wisniewski (5 buts, 31 points) complètent ce carré d’as. P.K. Subban? Il a marqué quatre buts et récolté 24 points en 41 matchs disputés depuis le début du mois de janvier.

S’il reconnaît avoir connu une très bonne saison régulière et en être bien satisfait, Victor Hedman sait aussi qu’il ne peut tomber si facilement dans la complaisance.

« Ce que j’ai fait en saison ne compte plus maintenant. Et ça ne comptera pas vraiment si je ne suis pas en mesure de transporter ces performances en séries éliminatoires. Car c’est en séries que ça compte pour vrai », a tranché le géant défenseur.

Ce qui est vrai pour Hedman, l’est aussi pour son capitaine Steven Stamkos, pour le gardien du Canadien Carey Price, pour tous les joueurs de premier plan qui doivent confirmer leur place parmi l’élite de la LNH en se distinguant en séries éliminatoires si leur club se hisse au sein des 16 équipes qui y accèdent.

Et pour confirmer qu’il fait maintenant vraiment partie de l’élite des défenseurs de LNH et qu’une place plus en évidence l’attend dans au cours des prochaines années, Hedman devra beaucoup mieux jouer vendredi qu’il ne l’a fait lors du premier match.

Ses coéquipiers aussi.