TORONTO - Parce qu’ils ont été de grands complices sur la patinoire, parce qu’ils ont contribué à donner un nouvel élan au hockey dans le sud de la Californie lorsque les Migthy Ducks sont venus mettre en échec les Kings de Los Angeles et parce qu’ils sont encore de grands amis aujourd’hui, il allait de soi que Paul Kariya et Teemu Selanne entrent au Temple de la renommée du hockey comme ils entraient en zone ennemie.

 

Ensemble et en vitesse...

 

En vitesse dans le cas du « Finnish Flash » qui effectue son entrée trois ans après sa retraite, donc dès sa première année d’éligibilité.

 

Kariya a dû patienter un peu plus alors qu’il a pris sa retraite en 2010. Une retraite prématurée en raison d’une succession de commotions cérébrales – six diagnostiquées – qui ont poussé le joueur brillant qu’était Kariya à mettre de côté le hockey pour s’assurer que rester en santé. « Je voulais m’assurer de garder toute ma tête », a-t-il plusieurs fois répété depuis l’annonce de sa sélection.

 

L’intronisation de Teemu Selanne n’était qu’une formalité considérant l’impact immédiat que le Finlandais a eu avec sa saison recrue de 76 buts en 1992-1993. Une saison qu’il a couronnée du trophée Calder remis à la recrue de l’année.

 

Dans le cas de Kariya, l’intronisation le ramène au cœur de l’action. Une action dont le principal intéressé s’est éloigné aussitôt à la retraite.

 

Comme dans le temps

 

Kariya a d’ailleurs chaussé les patins pour la toute première fois dimanche dans le cadre du match des Légendes. Un match-bénéfice orchestré chaque année dans le cadre des activités soulignant l’entrée au temple des nouveaux intronisés.

 

Avec un casque aux couleurs des Blues – le club avec qui il a terminé sa carrière en 2010 – des gants de différents modèles et différentes couleurs dans chaque main et des patins dont l’une des lames n’était retenue au bottillon que par deux rivets, Kariya a rapidement repris ses aises sur la patinoire.

 

« Je voulais simplement éviter de tomber. Éviter d’avoir l’air fou sur la patinoire », a témoigné Kariya après la partie.

 

Malgré son absence de sept ans, Paul Kariya est loin d’avoir eu l’air fou. Même qu’une fois réunis après une transaction qui a envoyé Kariya d’Équipe-Canada à Équipe-Monde pour y rejoindre Selanne, les deux complices ont offert quelques poussées qui ont ravi les amateurs présents au Air Canada Centre.

 

« Comme dans nos belles années, nous étions devant tout le monde », a d’ailleurs lancé Selanne en guise d’analyse après la partie.

 

Kariya a marqué un but après avoir reçu une belle passe de Selanne. Il a aussi été frustré par son ancien coéquipier Jean-Sébastien Giguère qui a effectué un bel arrêt de la mitaine à ses dépens avant de s’imposer devant Selanne et Kariya en tirs de barrage. Ces deux arrêts du gardien québécois ont permis de compléter la remontée d’Équipe-Canada et de confirmer une victoire de 9-8.

 

« C’était fantastique de revoir Paul sur la patinoire et surtout de le revoir sourire sur la glace. C’est tellement un grand joueur de hockey. Lui et Teemu ont été tellement importants pour les Mighty Ducks et le hockey en Californie. Ils sont demeurés de bons amis et c’est pour Paul et Teemu que j’ai accepté de sortir mon équipement du grenier et de venir ici aujourd’hui. Il m’a surpris avec un tir entre les jambes alors qu’il allait toujours dans le haut du filet pendant ses belles années. Mais en prolongation, c’est moi qui ai eu le dernier mot. J’étais content de les revoir, mais je n’allais certainement pas leur donner des chances juste parce qu’ils entrent au Temple de la renommée. Je voulais faire les arrêts », a conclu Jean-Sébastien arborant un très large sourire de satisfaction.

 

Le gardien québécois pourrait d’ailleurs être l’auteur du tout dernier arrêt réalisé aux dépens de Paul Kariya visiblement heureux, voire ravi, de l’expérience qu’il venait de vivre sur la patinoire du Air Canada Centre.

 

« C’était vraiment sensationnel de patiner, de jouer avec la rondelle. De retrouver les gars. D’avoir des conversations de vestiaire avant la partie. D’échanger sur le banc. Cette camaraderie est vraiment ce qui me manque le plus depuis que j’ai pris ma retraite. Le fait d’avoir la chance de jouer aujourd’hui, de me retrouver aux côtés de Teemu avec qui j’ai eu tant de plaisir et tant de succès représente beaucoup à mes yeux », a ajouté Kariya.

 

« Si seulement «Giggy » -- Jean-Sébastien Giguère – n’avait pas connu tous nos trucs en échappées, peut-être que nous aurions pu marquer en tirs de barrage et faire gagner notre club», a poursuivi le Finlandais en multipliant les poignées de main et les photos avec les amateurs qui avaient pu se faufiler jusqu’au dynamique duo.

 

Ironiquement, Paul Kariya s’est retrouvé sur la patinoire en même temps que le défenseur et membre du Temple de la renommée Scott Stevens qui a contribué à écourter sa carrière. En 2003, en finale de la coupe Stanley, finale que les Devils de Stevens ont finalement remportée en sept matchs aux dépens des Mighty Ducks de Kariya, Stevens a infligé au petit joueur de centre la première d’une série de sérieuses commotions. Bien qu’il soit revenu dans la mêlée après avoir été victime de la sévère mise en échec de Stevens, Kariya n’a aucun souvenir du match et du but qu’il a marqué après son retour au jeu dans cette rencontre que les Mighty Ducks ont gagnée pour pousser la finale à la limite des sept matchs.

 

Deux caractères opposés

 

C’est Teemu Selanne qui a appris à Paul Kariya qu’ils entraient tous deux au Temple de la renommée le 26 juin dernier. Parce que Lanny McDonald – le président directeur général du Temple de la renommée – n’arrivait pas à joindre Kariya pour lui annoncer la bonne nouvelle, il a contacté Selanne pour avoir d’autres coordonnées.

 

Selanne lui a offert d’autres numéros, mais il n’a pu attendre : il a appelé son copain et c’est d’ailleurs le message du Finlandais qui trônait la série de messages laissés sur le cellulaire de Kariya qui revenait de sa dose quotidienne de surf sur les vagues longues et douces du Pacifique dans la région d’Anaheim.

 

« Teemu était tellement excité qu’il avait une voix de petite fille », a lancé Kariya en se moquant de son ancien coéquipier.

 

« C’est parce que je parlais en Finnois », que Selanne a répliqué en guise de défense qui n’a pas tenu le coup à en juger par les rires des centaines d’amateurs venus saluer et interroger les nouveaux intronisés samedi dans le Grand Hall du Temple de la renommée.

 

Il était d’ailleurs remarquable de voir le nombre de chandails des Mighty Ducks et des Ducks qui leur ont succédé dans le Grand Hall du Temple samedi. Une preuve éloquente de l’impact qu’ont eu ces deux joueurs sur le développement du hockey dans le sud de la Californie.

 

Selanne s’est retrouvé après une transaction qui l’a chassé de Winnipeg. « Ce n’est jamais facile d’être échangé. J’ai d’ailleurs mal encaissé le coup au début, car j’ai vraiment adoré mes saisons à Winnipeg. Mais une fois en Californie, j’ai vite réalisé que j’avais quitté Winnipeg par une soirée de -20 degrés Celsius et que je déjeunais le lendemain avec un mercure à 28 degrés Celsius. Je me souviens m’être dit que j’étais arrivé au paradis. »

 

Samedi lors de la rencontre avec les partisans, la grande disponibilité de Selanne et sa façon de toujours être près des amateurs ont plusieurs fois été soulignées.

 

Lorsqu’une dame venue de la Californie pour assister à l’intronisation de ses deux hockeyeurs favoris a demandé à Paul Kariya s’il était possible qu’il abandonne un jour les plages et ses planches de surf

 

Pour revenir dans un aréna, Selanne a répondu le premier. « Jamais de la vie », qu’il a tranché en riant.

 

Amusé, Kariya a pris quelques secondes avant de répondre. «Je sais que je donne l’impression d’être loin du hockey. Dans un sens, c’est vrai parce que je n’assiste pas au match et je ne m’implique plus directement. Mais tous mes amis gravitent autour du hockey. J’en parle beaucoup. Comme vous, j’aime suivre les performances de Connor McDavid et des autres jeunes vedettes d’aujourd’hui. Mais je suis une personne plus discrète. Je jalouse ma vie privée. Je ne me vois pas au volant d’une Zamboni ou dans un kiosque pour publiciser le hockey. Je suis loin de l’action depuis sept ans, mais tout ce que je peux vous répondre est : on verra.»

 

Dimanche, au Air Canada Centre, j’ai eu la chance de voir Paul Kariya à nouveau sur les patins. Lui et Selanne ont permis au fan de hockey qui se cache derrière le journaliste de revivre des souvenirs magnifiques. Dans le corridor menant au vestiaire occupé par les clubs visiteurs j’ai eu le privilège de leur parler.

 

Et vous savez quoi : j’ai transgressé à une règle de ma profession. Une fois le point de presse terminé, je me suis permis de leur serrer la main et de les remercier pour tous les beaux jeux, les beaux buts, les beaux moments qu’il m’ont permis de savourer au fil de leur carrière. Que ce soit dans la LNH ou aux Jeux olympiques. Des Jeux auxquels Selanne a participé à six reprises – il est d’ailleurs le meilleur marqueur de l’histoire des JO – gagnant l’argent en 2006 à Turin, et le bronze en 1998 et 2010 à Nagano et Vancouver en plus d’avoir défendu les couleurs de sa Finlande natale cinq fois en Championnat du monde.

 

Faute avouée est à moitié pardonnée soutient le proverbe.

 

J’espère donc que vous me comprendrez.