MONTRÉAL - Patrick Laine est un marqueur exceptionnel. Un joueur spectaculaire.

 

Des 140 buts qu’il a enfilés au cours des 360 matchs qu’il a disputés depuis son arrivée dans la LNH, au moins une cinquantaine ont été diffusés en boucle à toutes les chaines de télé au grand plaisir des fans des Jets ; au grand déplaisir des partisans en manque d’un Patrick Laine pour les impressionner.

 

Il est donc tout à fait normal que l’annonce – une  primeur de mon collègue Darren Dreger de TSN de la transaction qui a fait passer Laine et Jack Roslovic de Winnipeg à Columbus, en retour de Pierre-Luc Dubois et un choix de troisième ronde en 2022 ait provoqué un tourbillon de réactions et commentaires élogieux à l’endroit des Blue Jackets et de leur directeur général Jarmo Kekäläinen.

 

Mais attention! Une fois le tourbillon passé, cette transaction révèle une réalité beaucoup moins éclatante... pour les Jackets.

 

Une réalité qui m’incite même à conclure que non seulement les Jets de Winnipeg sortent gagnants de la transaction à court terme, mais qu’ils en sortiront grands gagnants dans quelques années.

 

Laine plus spectaculaire, Dubois plus complet

 

Patrick Laine est plus spectaculaire que Pierre-Luc Dubois. Ça saute aux yeux!

 

Patrick Laine est aussi un meilleur franc-tireur que Pierre-Luc Dubois. Ses 140 buts marqués en 360 matchs pèsent bien plus lourd dans la balance que les 66 enfilés par le Québécois au fil de ses 239 matchs disputés depuis son arrivée dans la LNH.

 

Place à la grande question maintenant : qui de Laine et Dubois est le meilleur joueur de hockey? Le joueur le plus complet si vous préférez?

 

C’est là que je donne mon vote à Dubois sélectionné par les Jackets tout juste après Laine lors du repêchage de 2016. L’ironie dans cette transaction est que si les Jackets étaient montés sur la grande scène tout juste avant les Jets au lieu du contraire, Laine et Dubois n’auraient pas eu à attendre la transaction confirmée ce matin avant de troquer leurs chandails.

 

S’il affiche un sérieux manque à gagner au chapitre des buts marqués, Pierre-Luc Dubois se mesure facilement à Patrick Laine en matière de points récoltés : 159 en 239 parties (moyenne de ,66 par match) pour le Québécois, contre 250 en 360 matchs (moyenne de .69 par match) pour le Finlandais.

 

Sans être un as de la défense, Pierre-Luc Dubois est un joueur plus responsable que Laine. En plus, il évolue depuis le début de sa carrière dans la LNH au sein d’un club largement axé sur la défense plutôt que sur l’attaque.

 

À Winnipeg, c’est tout le contraire pour les Jets.

 

Ces réalités diamétralement opposées rapprochent donc davantage les statistiques des deux joueurs.

 

Je prendrais même la chance d’ajouter qu’une fois sa quarantaine complétée, Dubois moussera à la hausse sa production offensive simplement en raison du contexte dans lequel il se retrouvera à Winnipeg où les Jets compteront sur une impressionnante ligne de centre.

 

Un trio Andrew Copp – Pierre-Luc Dubois – Nikolaj Ehlers, derrière le premier trio de Mark Scheifele flanqué de Kyle Connor et Blake Wheeler et devant le trio de Paul Stastny associé aux ailiers que Paul Maurice voudra bien lui confier ça promet !

 

Domi alimentera Laine?

 

Une fois remis de la blessure qui le gardait à l’écart de la formation des Jets – vous verrez que cette transaction aura un effet miracle sur la guérison de l’ailier droit – Patrick Laine recommencera à marquer des buts.

 

Combien il en marquera?

 

Sans doute beaucoup alors que Laine remplacera les Rick Nash et Artemi Panarin qui, avant lui, ont rempli le mandat de marquer des buts pour des Jackets plus concentrés sur l’importance de ne pas en accorder.

 

Est-ce que Laine atteindra le plateau des 50?

 

Cela dépendra de la qualité du travail du joueur de centre qui sera appelé à l’alimenter.

 

Et comme les Blue Jackets viennent de perdre leur meilleur centre pour faire l’acquisition de Laine, c’est Max Domi qui pourrait bien hériter de ce mandat.

 

Il sera intéressant de voir comment deux joueurs bien plus tributaires du travail abattu par leurs compagnons de trio pour réussir que l’inverse se complèteront... ou tenteront d’y arriver.

 

Plus intéressant encore, comment diable ces deux joueurs qui ont plus à cœur leurs statistiques personnelles que les succès de leur équipe répondront aux appels répétés de leur entraîneur-chef John Tortorella de se donner corps à âme en défense avant de penser à l’aspect offensif de leur jeu.

 

Je trépigne à l’idée de voir «Torts» s’arracher les cheveux alors que Laine et Domi resteront en maraude à cheval sur leur ligne bleue ou pire en zone neutre au cas où la rondelle viendrait les y rejoindre au lieu de venir donner un coup de main en zone défensive.

 

Pour éviter le pire, Torts devra peut-être placer un défenseur avec Domi et Laine. J’exagère… mais si peu!

 

Mais on peut assurer sans risque d’exagérer et encore moins de risques de se tromper que le départ de Pierre-Luc Dubois de Columbus crée une brèche importante dans la ligne de centre des Jackets.

 

Une brèche beaucoup plus importante que celle que Laine – malgré tous les buts qu’il est en mesure de marquer – crée en quittant les Jets.

 

La valse des millions $

 

Dans la LNH d’aujourd’hui, l’aspect financier compte tout autant et parfois plus que l’aspect hockey.

 

Et c’est sur ce plan que les Jets semblent les plus gagnants, même en demeurant responsables de 1,755 million $ en salaire et en ponction sous le plafond salarial du contrant de Laine.

 

Un contrat d’une valeur totale de 6,75 millions $ qui viendra à échéance à la fin de la saison.

 

Laine a déjà annoncé ses couleurs : il vise un salaire frisant les 9 millions $ pour son prochain contrat. Un salaire un brin ridicule considérant qu’il sera joueur autonome avec compensations. Une réalité qui l’empêchera de profiter d’une autonomie complète pour mousser les enchères.

 

Mais Laine pourrait bouder. Comme il le faisait à Winnipeg. Il pourrait aussi refuser de se présenter au camp. Comme il menaçait de le faire à Winnipeg.

 

Peut-être que les liens naturels de Laine et de son nouveau directeur général ouvriront la porte à des négociations plus faciles.

 

Le mot-clef ici est peut-être.

 

Au Manitoba, les Jets ont acheté du temps et de la sécurité financière en héritant de Dubois et de son contrat fraîchement signé. Un contrat d’une durée de deux ans et d’une valeur de 10 millions $ : salaire de 3,35 millions $ cette année, salaire de 6,65 millions $ l’an prochain, ponction annuelle de 5 millions $ sous le plafond.

 

Une situation financière nettement à l’avantage des Jets on en conviendra tous. Du moins je l’espère.

 

Échanges de cas problèmes

 

Pierre-Luc Dubois a fait mentir sa réputation de « bon petit gars » en réclamant une transaction comme il l’a fait avant le début de la saison. Une demande qui serait demeurée entre les quatre murs du vestiaire des Blue Jackets si John Tortorella ne l’avait pas dénoncée et du même coup confirmée dans le cadre d’une entrevue.

 

Dubois a aussi très mal paru sur sa dernière présence dans l’uniforme des Jackets. Une présence au cours de laquelle il s’est traîné les pieds et a refusé de s’impliquer avant de retraiter lentement au banc.

 

Les mauvaises langues à Winnipeg et les détracteurs de Patrick Laine lanceront que la dernière présence de Dubois à Columbus était à l’image de plusieurs des présences que Patrick Laine a effectuées dans l’uniforme des Jets et des nombreuses qu’il effectuera maintenant dans celui de sa nouvelle équipe.

 

On verra.

 

Mais la piètre dernière présence de Dubois a forcé John Tortorella à le clouer au banc. Elle a aussi obligé Jarmo Kekalainen à accélérer ses négociations pour échanger Dubois puisqu’il était clair qu’il ne pouvait plus endosser l’uniforme.

 

Est-ce qu’elle l’a obligée à accepter un retour inférieur à celui qu’il souhaitait obtenir et qu’il aurait pu obtenir en forçant la main de ses homologues qui s’intéressaient à Dubois ?

 

Est-ce qu’il aurait pu obtenir plus du Canadien par exemple ?

 

Seul Kekalainen peut répondre à cette question.

 

Pas de doute que Pierre-Luc Dubois a terni un brin son image avec la manière dont il a joué ses cartes à Columbus. Mais en fait de bon petit gars, les Jackets sont loin d’avoir acquis un ange en Patrick Laine.

 

Les commentaires négatifs de coéquipiers tannés de se rompre les os pour offrir des occasions de marquer à un gars qui refusent de faire le nécessaire pour contribuer à en créer ont plusieurs fois été publiés.

 

Là encore, il sera intéressant de voir combien de temps il faudra à John Tortorella, qui ne s’est jamais gêné pour lapider publiquement de critiques les joueurs qui se contentent de demi-mesures sur la patinoire, avant de lancer ses premières flèches verbales en direction de Laine ?

 

Les paris sont ouverts.

 

Ils le sont aussi pour la durée du séjour de Laine à Columbus. Un séjour qui, selon moi, sera bien plus court que celui de Dubois à Winnipeg. Ce qui trône tout en haut des nombreux points qui, selon moi, favorisent les Jets dans cette transaction.

 

Voici les autres :

 

  • Si on met le côté spectaculaire de côté, Pierre-Luc Dubois est un joueur plus complet que Laine.

 

  • Dubois vient rehausser la qualité d’une ligne de centre qui était déjà très solide.

 

  • Le départ de Dubois crée un bien plus grand vide à Columbus que le départ de Laine en crée un à Winnipeg.

 

  • Dubois offre une sécurité financière et deux ans aux Jets alors que Laine est synonyme de grandes incertitudes sur le plan contractuel.

 

Ajoutez à cette liste de facteurs le fait que je sois convaincu que les chances de voir Dubois à Winnipeg encore longtemps sont bien plus grandes que celles de voir Laine prolonger sa carrière à Columbus et vous avez toutes les raisons pour lesquelles je crois que les Jets gagnent cette transaction à court terme et qu’ils pourraient la gagner davantage à long terme.

 

Roslovic et le 3e choix : les impondérables

 

Ah oui!

 

Il reste Jack Roslovic acquis par Columbus et le choix de troisième ronde en 2022 acquis par Winnipeg à prendre en considération dans cette analyse.

 

Roslovic est un joueur intéressant. Il peut jouer à l’aile et au centre ce qui pourrait aider les Jackets qui en manquent cruellement pour l’instant.

 

Choix de première ronde (25e sélection) en 2015, Roslovic n’a pas joué à la hauteur des attentes depuis son arrivée dans la LNH.

 

À sa décharge, il s’est retrouvé coincé derrière des attaquants de premier plan bien difficiles à déplacer.

 

Est-ce que le natif de Columbus saura profiter d’un retour à la maison pour lancer sa carrière? C’est possible. Mais à quoi peut-on s’attendre d’un joueur comme Roslovic? Surtout dans un club axé d’abord sur la défense. Au mieux une quinzaine de buts par saison? Une quarantaine de points ?

 

On verra.

 

Les fans des Jackets peuvent prétendre qu’ils ont déjà un joueur à encourager alors que ceux des Jets devront attendre quelques années avant de pouvoir associer un joueur au choix de troisième ronde acquis par Winnipeg.

 

Et c’est vrai.

 

Il est tout aussi vrai que les probabilités que ce choix de troisième ronde passe complètement sous le radar sont bien plus grandes que celles qu’il offre ne serait-ce qu’un joueur régulier aux Jets.

 

Mais c’est la beauté avec les choix au repêchage. On ne sait jamais si un banal choix de deuxième ronde ne deviendra pas un Alexander Romanov. Si un plus banal choix de troisième ronde ne deviendra pas un Anthony Cirelli ou mieux encore un Brayden Point. Si très banal choix de cinquième ronde ne deviendra pas un Brendan Gallagher.

 

Je sais : au jeu dangereux du repêchage, les retraits sur des prises sont beaucoup plus nombreux que les coups de circuit.

 

Mais l’équation Roslovic vs choix de troisième ronde, ne me permet quand même pas de faire pencher la balance du côté des Jackets dans le cadre de cette grosse transaction.

 

Il faudra attendre deux ou trois ans avant de déposer des conclusions éclairées et définitives sur cette transaction. Mais d’ici là, je persiste à croire que ce sont les Jets qui ont gagné.