En bon Irlandais qu’il était, Pat Quinn a déjà songé à être prêtre.

Sa fille Kalli a fait cette confidence, samedi après-midi, dans le grand hall du Temple de la renommée en guise de réponse à une question d’un amateur qui demandaient aux intronisés de la cuvée 2016 ce qu’ils auraient fait de leur vie, n’eût été hockey. «Il a changé d’idée quand il réalisé tous les sacrifices que la prêtrise exigeait.»

Natif de Hamilton, gros, grand et fort comme un chêne, Quinn aurait facilement pu passer sa vie dans une des aciéries de cette ville industrielle au sud de Toronto. Le hockey l’a sauvé de cette vie difficile. Vrai que le hockey l’a fait suer de temps en temps. Mais beaucoup moins qu’il ne l’aurait fait en enfilant des quarts de travail dans les aciéries. En plus, le hockey qui a été le vrai culte de Pat Quinn lui a offert la chance de se rendre aux portes du Temple de la renommée. Des portes qu’il franchira, lundi soir, en même temps qu’Eric Lindros, Sergei Makarov et Rogatien Vachon.

Défenseur solide et honnête sans plus, Pat Quinn a passé neuf saisons dans la LNH : à Toronto d’abord, Vancouver ensuite et finalement à Atlanta où il a disputé 374 de ses 606 parties en carrière.

Ses 18 buts et 113 points, ses larges épaules, ses 950 minutes de pénalité et sa terrible – mais légale, a plaidé sa fille Kalli samedi – mise en échec aux dépens de Bobby Orr qui était l’un de ses plus grands rivaux ne justifient en rien sa place au Temple de la renommée. 

C’est plutôt son travail comme entraîneur-chef, directeur général et président des équipes qu’il a ensuite dirigées qui a fait de Pat Quinn le géant qu’il a toujours été.

LNH et scène internationale

Ses 1400 parties dirigées dans la LNH et ses 684 victoires le placent aux 8e et 7e rangs des entraîneurs-chefs les plus occupés et les plus décorés de l’histoire. 

Plus encore que ses succès dans la LNH où, à défaut de soulever la coupe Stanley – il s’est rendu en finale avec les Flyers en 1980 – il a reçu le trophée Jack Adams à deux reprises – à Philadelphie en 1980 et Vancouver en 1992 – ses exploits sur la scène internationale ont confirmé sa place au Temple de la renommée.

Quinn a dirigé les équipes canadiennes des moins de 18 ans et des moins de 20 ans à la médaille d’or aux championnats du monde de 2008 et 2009. Ses équipes ont gagné l’or à la Coupe du monde de 2004 et le bronze en 1986. 

Pat Quinn et l’équipe canadienne ont frappé un mur aux Jeux olympiques de Turin où ils ont perdu en quarts de finale. Mais cette déconfiture n’a pas effacé sa conquête de la médaille d’or quatre ans plus tôt aux Jeux de Salt Lake City en 2002.

«Papa s’était assuré que ma mère, ma sœur et moi soyons en mesure de franchir les cordons de sécurité après la victoire lors du match de médaille d’or. Après avoir pleuré en famille pendant un moment près de son bureau, il m’a amené sur la patinoire avec lui pour la photo d’équipe. Depuis ce jour, je pense à ce moment spécial passé avec mon père chaque fois que j’entends l’hymne national du Canada», a raconté Kalli Quinn samedi.

Un mentor près des partisans

Deux ans après le décès de son père qui s’est éteint à 71 ans après une longue lutte avec la maladie, Kalli s’assure de faire revivre Pat Quinn en partageant tous ses souvenirs de jeunesse. 

«La première réaction de papa s’il avait eu la chance de recevoir l’appel confirmant son intronisation aurait été dire : pourquoi moi? Papa était au service du hockey, de ses joueurs, de ses équipes. Il savait qu’il avait été un mentor pour plusieurs au cours de sa longue carrière, mais il a toujours fait son travail simplement. Honnêtement. Le hockey passait avant tout le reste. Et c’est pour cette raison que je suis convaincu qu’il voudrait vivre son intronisation avec ma mère qui a su garder le noyau familial intact alors qu’il était au hockey l’hiver et partait travailler l’été venu parce qu’il ne faisait pas assez d’argent comme joueur pour subvenir aux besoins de la famille.»

Kalli Quinn assure aussi que son père partagerait l’honneur de son intronisation avec tous les partisans. Des partisans à qui il accordait beaucoup de temps, peu importe l’endroit où il les croisait, le moment où il les croisait.

«Pat s’arrêtait toujours pour répondre à des questions, prendre des photos ou signer des autographes. Il nous expliquait que c’était son devoir parce que les amateurs payaient son salaire. Quand il dirigeait les Canucks, papa et Brian Burke devaient se rendre rapidement à l’aéroport. Des partisans l’ayant apostrophé, il avait stoppé net pour répondre à leurs questions. M. Burke lui avait dit de se manier, car ils risquaient de rater leur avion. Il lui avait répondu d’y aller et qu’il prendrait le suivant, car il n’était pas question de se sauver des fans. Ça, c’était mon père.»

Pat Quinn a dû en passer du temps à répondre aux questions des partisans, car il a fait le tour de la LNH comme entraîneuf-chef, DG et président

Il s’est même retrouvé à Los Angeles où Rogatien Vachon qui est loin d’avoir été un homme de hockey à la hauteur du gardien qu’il fut, a eu le flair d’attirer Quinn en 1984. «Je l’ai embauché, mais c’est notre propriétaire à l’époque – le docteur Jerry Buss qui était aussi propriétaire des Lakers de la NBA – qui a négocié le contrat. Pat lui avait joué un petit tour en insérant au contrat une clause qui lui permettait de quitter les Kings si une autre plus intéressante lui était présentée.»

Cette offre est venue des Canucks de Vancouver qui lui offraient les postes de président et de directeur général. Quinn a donc démissionné en cours de saison 1986-1987, mais il a été suspendu par le président de la LNH de l’époque John Zeigler. Cette suspension l’a contraint à reporter son arrivée à Vancouver jusqu’à la saison suivante. Il a aussi essuyé une interdiction d’occuper un poste d’entraîneur-chef jusqu’en 1990-1991.

Malgré son départ précipité de Los Angeles, Rogatien Vachon a toujours gardé de bons souvenirs et beaucoup de respect pour Pat Quinn. «C’était un entraîneur-chef très dur, mais c’était aussi un fidèle de ses joueurs. Il les défendait avec la même passion qu’il pouvait les fouetter de temps en temps.»

Pat Quinn a aussi eu des relations difficiles avec certains journalistes qui lui faisaient parfois une mauvaise presse. Les critiques atteignaient bien plus sa famille que lui-même. «J’ai toujours été bien plus affecté que lui par les critiques. Il nous disait calmement de ne pas nous en faire en ajoutant qu’il arrangerait ça demain», racontait sa fille Kalli samedi.

D’un demain à un autre, Pat Quinn a roulé sa bosse derrière les bancs des Flyers, des Kings, des Canucks, des Maple Leafs, des Oilers et de plusieurs équipes nationales canadiennes. D’un demain à l’autre, il a franchi la distance qui le séparait du Temple de la renommée. Et demain (lundi) il arrivera enfin à destination.