Une journée intrigante dans le calendrier de la LNH s’en vient à grands pas. La date limite des transactions amène un grand mélange de surprises et d’émotions pour les partisans, dirigeants et joueurs du circuit Betman. Je n’ai jamais été échangé durant la saison régulière, mais j’ai vécu une gamme d’émotions personnellement et en voyant des amis et coéquipiers passer à travers cette période intense.

L’anticipation de ce jour fatidique génère un lot important de rumeurs et de scénarios. Les partisans rêvent de transactions majeures impliquant des joueurs étoiles, qui pourraient devenir les héros d’une future conquête de la coupe Stanley. Les dirigeants se retrouvent dans une compétition à savoir qui sera le meilleur stratège, en tentant de réaliser un échange qui va aider son équipe. Difficile de sortir gagnant d’une transaction quand plusieurs données sont manquantes. Souvent, l’étude des joueurs convoités se limite à l’analyse de vidéos, à l'analyse de statistiques et en contactant des gens de leur entourage. De nombreux facteurs demeure alors inconnus. Comment le joueur réagira-t-il dans son nouvel environnement? Quel succès connaîtra-t-il par la suite avec de nouveaux compagnons de trio? Avec une nouvelle philosophie d’équipe? Avec un nouveau système de jeu? 

Le hockey est sans doute le sport professionnel où les transactions sont le plus imprévisibles. Le basketball, le football, le soccer et le baseball sont composés en grande partie des performances individuelles de chacun des joueurs qui composent une équipe. Quand tu acquiers un joueur au baseball, tu peux être assez certain du nombre de coups sûrs, de coups de circuits et de retraits au bâton qu’il donnera sur une période donnée. Les facteurs incontrôlables et difficiles à mesurer concernant un joueur font que les statistiques avancées ne sont pas aussi bien reçues au hockey que dans d’autres sports. À titre d’exemple, les Rangers ont misé sur Eric Staal à la date limite des transactions en 2016. Il ont obtenu un joueur qui avait une bague de la coupe Stanley ainsi que 43 points en 43 parties éliminatoires en carrière à ce moment. Par contre, il a connu des moments difficiles avec les Rangers, cumulant 6 points en 20 matchs avant d’être blanchi en séries. Sa nouvelle équipe a été battue en 5 par les Penguins. Même si Eric Staal rejoignait son frère Marc à New York, ça ne l’a pas aidé à avoir l’impact escompté.

Un exemple différent serait celui de Bill Guerin. Il a été le capitaine des Islanders de New York pendant une saison et demie avant d’être échangé aux Penguins, en retour d’un choix conditionnel à la date limite des transactions en 2009. Bill compilait environ 0,5 point par match à ce moment. Les futurs gagnants de la coupe Stanley avaient aussi mis la main sur Chris Kunitz et Eric Tangradi en retour de Ryan Whitney. Kunitz aussi récoltait un peu plus d’un demi-point par match. Les Penguins étaient 10es dans l'Association de l’Est à ce moment. Bill a connu de bons moments avec sa nouvelle équipe qui ont alors entamé une remontée jusqu’au 4e rang dans l'Association de l’Est. Ils se sont retrouvés en finale contre les Red Wings de Detroit pour une deuxième finale de suite, mais cette fois, ils sortirent vainqueurs. Oui il y a eu la fameuse performance de Maxime Talbot lors du septième match avec ses 2 buts, mais les joueurs vous diront que Bill Guerin a eu tout un impact dans la chambre des joueurs. Il en a pris le contrôle et est devenu un grand responsable de la conquête de la coupe Stanley, aidant Sidney Crosby et les jeunes de l’équipe à naviguer à travers l’adversité et la pression. Il était impossible d’anticiper le poids de son impact. Il était le meilleur pour garder les joueurs calmes et détendus. Il est difficile de mesurer ce genre d’impact avant un échange.

Certains joueurs peuvent s’adapter à tout et se fier à leur talent pur, partout où ils vont. Les athlètes de haut niveau ont cette capacité d’analyser ce qui se passe autour d’eux pour en comprendre les faiblesses et les exploiter au maximum. Mais ce processus peut prendre des années avant qu’il soit à sa pleine capacité. Comment miser sur un joueur qui pourra le faire en quelques semaines, à l’aube des séries éliminatoires, et en garantir le résultat?

Les jours avant la limite des transactions sont différents. C’est un élément dérangeant qui se glisse dans chacune des chambres de la LNH, que les joueurs l’admettent ou pas. Par contre, ce facteur n’affectera pas nécessairement les performances des joueurs. Ce n’est pas parce que le joueur joue mieux ou moins bien qu’il veut absolument quitter son équipe actuelle. Certains joueurs vont repousser leurs limites et utiliser ce moment d’incertitude comme une bouffée d’énergie. D’autres vont se retrouver en constante réflexion et auront de la difficulté à se concentrer sur les bonnes choses, ce qui devient épuisant mentalement. Les plus affectés iront même jusqu’à prolonger leur somme d’après-midi, les jours suivants la date limite des transactions faisant face à un grand besoin de récupération. Un tel souci finit par épuiser! 

Tu as beau essayer d’ignorer les rumeurs et te dire que ce n’est pas sous ton contrôle, mais, tu dois espérer le mieux, mais te préparer pour le pire. Souvent, dans les jours précédents la date limite du 26 février, les joueurs vont voyager avec beaucoup plus de valises qu’à l’habitude. Un échange se produit à la vitesse de l’éclair et une fois fait, il est hors de question de prendre une semaine de congé pour déménager. Dans les heures qui suivent, tu peux te retrouver à l’extrémité de l’Amérique du Nord et devoir laisser tes biens, ton logement, ton entourage, et ce, pour plusieurs mois. Tu peux vivre chaque jour avec un coéquipier, partager avec lui les hauts et les bas, vivre des moments intenses sur et hors de la patinoire, tisser de solides liens et dans une fraction de seconde, devoir lui donner une poignée de mains et ne plus revoir cette personne pour très très longtemps!

Les premières fois où un joueur est transigé, en début de carrière, sont plus intenses et difficile à comprendre, mais, comme toute chose, les joueurs vont s’habituer à développer des relations, travailler sur une chimie d’équipe, être prêt a tout sacrifier pour les joueurs de son équipe. Tu développes des affinités avec un joueur, tu t’ouvres à lui, tu développes des liens avec sa famille, tu découvres l’être humain derrière le joueur et tu le vois quitter en quelques heures à cause d’une transaction. C’est alors que tu ressens un vide, tu réalises que tu avais des routines d’établies avec lui, que ça va être différent après son départ et qu’il allait manquer à l’équipe. Les joueurs vont lui souhaiter la meilleure des chances avant qu’il quitte pour de bon. Dès lors, il faut tourner la page rapidement, car quelques heures plus tard, arrive le nouveau coéquipier avec qui tout est à recommencer. On se présente, on s’échange une poignée de main et on apprend à connaître celui qui va faire partie de notre quotidien et avec qui nous passerons à travers des hauts et des bas, jusqu’au prochain départ.

Parlons maintenant d’un aspect encore plus délicat, celui de la conjointe et la famille. C’est l’aspect le plus difficile quand un joueur change d’adresse. Un athlète qui est célibataire n’a qu’à remplir quelques valises, prendre son équipement et des bâtons et hop, sauter dans l’avion en route vers une prochaine aventure. Quand une famille est concernée dans l’équation, le tout se complique. Le fait de devoir expliquer à de jeunes enfants que papa doit s’absenter pour plusieurs mois reste un moment déchirant et difficile à traverser, peu importe le statut ou le salaire d’un père. C’est énormément de pression pour la conjointe, qui doit être très forte et gérer tout pour la famille. Chapeau à ces dames qui subissent elles aussi tous ces changements et cette adversité dans un monde parfois ingrat.

Le délai est tout aussi court pour rejoindre sa nouvelle organisation. Rapidement, les enfants demandent leur papa qui a disparu tout d’un coup. La famille doit continuer sa routine comme elle peut, comme si de rien n’était. Si les enfants vont à l’école, ils termineront leur année scolaire, mais sans leur père parti pour un long voyage. C’est très difficile de contrôler toutes ces émotions qui émergent dès l’appel du directeur général annonçant un échange. De passer d’une possibilité à un cas concret, cause tout un choc. Tout se bouscule comme l’excitation ou la déception de la nouvelle destination, les nombreuses questions sur les raisons de cet échange, l’empressement de faire nos adieux aux autres joueurs et quitter l’aréna. Le joueur doit tout aussi rapidement embrasser les membres de sa famille et tenter d’expliquer du mieux qu’il peut à ses jeunes enfants qu’il doit les quitter, mais qu’ils se retrouveront prochainement.

Le joueur peut apprendre la nouvelle de son échange par son agent, son directeur gérant ou, comme j’ai vu à quelques reprises, par les médias sociaux. Le tout se passe si vite. Un appel du directeur gérant qui va droit au but en annonçant qu’il a été échangé. À peine la conversation terminée, c’est au tour de la direction de la nouvelle équipe d’appeler le joueur recruté pour lui souhaiter la bienvenue et dès lors, il apprend les détails du vol pour rejoindre sa nouvelle équipe selon l’endroit et l’horaire du prochain match, car il est attendu le plus rapidement possible. Il s’en suit une avalanche de messages ou d’appels des médias, des amis, de partisans de l’ancienne et même de la nouvelle équipe.

Le préposé à l'équipement, informé de la transaction parfois avant le joueur lui-même, a déjà préparé l’équipement du joueur et ses bâtons sont déjà enrubannés, prêts à partir. Au même moment, le même préposé de la nouvelle équipe s’empresse de contacter leur nouvelle acquisition pour connaître une multitude d’aspects : « Quel numéro souhaites-tu? Quelle est ta grandeur de souliers? Quelle est ta marque et ta grandeur de gants, de casque et de culottes? Les combines, tu les préfères longues? Courtes? En coton? As-tu des besoins particuliers? »

C’est le temps de faire les valises pour le départ. Les coéquipiers vont passer dire leurs au revoir et même aider aux préparatifs. Ils y vont de leurs suggestions d’endroits qu’ils recommandent dans cette nouvelle ville. La Ligue nationale étant un petit monde, il y a toujours des coéquipiers qui connaissent et contactent des joueurs de la nouvelle équipe pour faciliter l’accueil de leur ancien coéquipier.

Valises, équipements et bâtons à la main, l'athlète fonce dans cette nouvelle aventure. Le responsable des relations publiques ou des médias de la nouvelle équipe s’assurera que le joueur ait tout ce qu'il faut. Arrivé à destination, il est accueilli par ce responsable à l'aéroport et se dirige directement à l’aréna pour une séance de poignées de main, prend connaissance du mode de fonctionnement de sa nouvelle équipe, apprend le nom du personnel de soutien, etc. Il se voit plongé dans un environnement totalement transformé, entouré de nouveaux compagnons, dirigé par une nouvelle voix à l'entrainement et portant de nouvelles couleurs. Après quelques foulées sur la glace, le joueur peut se sentir plus à l'aise, car il retrouve ses repères comme une rondelle, un but... le coeur reprend son battement normal et la vie reprend son cours.

À la suite de l'entraînement, le joueur se fait déposer à l'hôtel qui sera son chez-lui pendant les prochaines semaines. Reste à découvrir les moyens de transport, les restaurants à proximité, l’épicerie et les services de base. Par chance, les vétérans seront de bons guides pour connaître la nouvelle ville rapidement. Quelques heures plus tard, le joueur fait face à sa nouvelle vie. Qu’il aime ou pas, il se devra de performer!