BUFFALO – Chaque année, le repêchage de la Ligue nationale expose au grand jour des jeunes hommes qui semblent nés pour le gros show.

La cuvée 2015 avait permis de découvrir la candeur de Thomas Chabot. L’année suivante, Mikhaïl Sergachev avait déridé la galerie avec son anglais cassé et son sens de l’humour aiguisé. L’an dernier, l’une des belles histoires de la séance avait été écrite grâce à l’honnêteté et au franc-parler de Maxime Comtois.

Au sein de la cohorte 2018, la palme revient sans conteste à Brady Tkachuk.

Boucles blondes et sourire espiègle, l’attaquant des Terriers de l’Université de Boston est aussi à l’aise sous les projecteurs que sa carrure de 6 pieds 3 pouces et 196 livres lui permet de l’être devant les filets adverses. Où plusieurs de ses confrères voient un mal nécessaire, il y a pour lui une occasion d’afficher sa personnalité éclatée et attachante. Brady Tkachuk connaît la chanson. Aucune scène n’est trop intimidante pour le cadet de l’une des plus célèbres familles du hockey américain.

L’influence de son père Keith, qui a joué plus de 1200 matchs en 18 saisons dans la LNH, et de son frère Matthew, un choix de première ronde des Flames de Calgary, est évidente. Avant qu’il ne s’envole pour la semaine d’évaluation des espoirs qui se tenait au début du mois à Buffalo, son frangin lui avait prodigué ces conseils : « Sois toi-même, sois drôle et raconte-leur des bonnes blagues. »

« On me demandait ce que je changerais si j’en avais la chance et je répondais que j’aimerais bien être un plus beau bonhomme, racontait-il fièrement au terme de ses auditions au combine. Je crois que ça a été ma meilleure ligne de toute la semaine. »

Pas de doute, Tkachuk sait gagner une foule. Mais si tant de dirigeants de la LNH le voient dans leur soupe, c’est qu’il sait aussi gagner des matchs de hockey. Sous ses airs de chérubin se cache un joueur talentueux, haïssable et déterminé à faire vivre l’enfer à ses adversaires.

« C’est comme s’il y avait un interrupteur que je pouvais activer, reconnaît le sympathique blondinet. À l’extérieur de la patinoire, je suis un bon gars, mais pendant un match c’est différent. Je ne me gêne pas pour frapper et je n’ai peur de personne. »

« Il aime foutre la merde, résume en des termes un peu moins soignés un recruteur qui l’a eu à l’œil dans la NCAA et sur la scène internationale. Il est pareil, sinon pire, que son frère. Ce sont des gars qui n’ont vraiment pas froid aux yeux. Je l’ai vu jouer dans des matchs où la puck ne roulait pas pour son équipe – je me rappelle entre autres d’une fois au camp d’été d’Équipe USA – et il s’est mis à chercher le trouble. Il n’attendra pas que le match finisse pour tenter d’en changer l’allure. Il va provoquer les choses. »

Plus qu’un colosse

Tkachuk ne serait toutefois pas considéré comme l’un des attaquants les plus prometteurs de son groupe d’âge s’il n’était bon qu’à allumer des feux.

Le Québécois Ben Guité est entraîneur adjoint de l’équipe de hockey de l’Université du Maine. Son intérêt pour le jeune Tkachuk remonte à loin, avant qu’une poussée de croissance tardive lui donne les mensurations qu’on lui connaît aujourd’hui. Comme à peu près tous les programmes de division I aux États-Unis, le Maine a essayé de le recruter. Son potentiel a toujours été évident.

Brady Tkachuk« J’adorais son sens du jeu quand il était plus jeune, raconte Guité, dont l’équipe a croisé le fer à trois reprises avec les Terriers l’hiver dernier. Les joueurs de hockey professionnels ont une façon bien à eux de mettre la rondelle dans certains espaces, près du corps, des endroits où les défenseurs ne peuvent pas l’atteindre. Brady était capable de faire ça à un très jeune âge, probablement à force d’avoir vu son père jouer pendant si longtemps. Tu voyais que c’était quelqu’un qui avait grandi dans le hockey, qui comprenait le hockey, qui se comportait comme un joueur de hockey. Oui, c’est une petite peste, mais c’est un gars qui a un respect pour la game. Il ne donne pas de coups salauds, mais il joue fort, physique. »

« C’est sûr que côté talent, ce n’est pas pareil comme [Andrei] Svechnikov ou [Filip] Zadina, suggère notre dépisteur. Sauf que c’est un joueur qu’il faut que tu repêches. Ça ne joue pas longtemps ces gars-là, mais ce sont des gars qui vont te donner du gros hockey entre 20 et 30 ans. C’est difficile à repêcher, des gros bonhommes qui se battent, qui frappent. »

 « Son frère a peut-être un peu plus de talent autour du filet, mais Brady a joué à l’université cette année contre des gars de 22, 23 ans, poursuit notre espion. C’est sûr que des fois, les batailles sur le bord de la bande, il les perdait. Mais il jouait quand même sur le premier trio d’une grosse équipe. C’est un gros morceau de ton casse-tête. »

Tkachuk vient de boucler une saison satisfaisante sur le plan offensif. Après un lent départ sur son nouveau campus, il a connu un gros tournoi au Mondial junior, terminant la compétition avec neuf points en sept parties. Il a ensuite conclu sa première campagne universitaire avec 31 points en 40 matchs.

« J’ai l’impression d’avoir amené mon jeu à un autre niveau après le Championnat du monde, estime-t-il. Je me sentais mieux, j’avais plus confiance avec la rondelle et j’étais dominant en fond de territoire. On s’entraîne en gymnase deux fois par semaine à BU et je passais le plus de temps que je pouvais sur la glace. Je me sens plus fort et plus habile qu’il y a un an, ça ne fait aucun doute. »

« Son patin s’est beaucoup amélioré, confirme un recruteur de l’Association Est. Il doit encore augmenter sa force, c’est vrai, mais il est sur la bonne voie. Il n’est peut-être pas encore super beau à voir patiner, mais ça s’en vient. »

Un centre pour le CH?

Brady Tkachuk est un ailier gauche. C’est à cette position qu’il jouait cette année à BU. C’est à cette position qu’il est répertorié par la Centrale de recrutement de la Ligue nationale. Mais il a déjà joué au centre – c’est là qu’il évoluait quand Ben Guité l’a découvert – et certains ne peuvent s’empêcher d’imaginer qu’une équipe de la LNH sera tentée de l’y renvoyer.

« La plupart des dépisteurs le projettent comme ailier, mais il a beaucoup joué au centre et c’est à cette position qu’on tente de l’évaluer », déclare Dennis McInnis de la firme d’évaluation ISS Hockey.

Dans son palmarès final, publié en mai, ISS voit Tkachuk comme le quatrième plus bel espoir de sa cuvée. Mais dans son repêchage simulé, disponible dans son guide annuel, il envoie Tkachuk à Montréal au troisième rang de l’encan. « Aussi efficace comme marqueur que comme fabricant de jeu, Tkachuk utilisera son talent et sa hargne pour créer de l’espace pour des joueurs comme Drouin et Galchenyuk », peut-on lire dans le document.

Que cette prédiction se matérialise ou non, McInnis croit que Tkachuk pourrait jouer dans la LNH dès l’an prochain. « Cette année, je vois trois ou quatre joueurs qui pourraient faire le saut et il est l’un d’eux. »

« Je ne sais pas quelles sont ses intentions, mais la journée où il va vouloir jouer dans la LNH, il va jouer et il va être un top-6, c’est sûr, clame l’un des recruteurs sondés par RDS. À partir du deuxième ou du troisième choix, je serais bien contrarié s’il n’était pas pris. Je me poserais bien des questions. »​

Top-5: Jeux de Brady Tkachuk