BUFFALO – Le meilleur joueur de hockey  junior produit par l’Allemagne au cours de la dernière décennie a sans contredit été Leon Draisaitl. On s’entend tous là-dessus, n’est-ce pas?

Mais si ce n’était pas si clair et net que ça?

Dominik Bokk n’arrive pas avec le même battage publicitaire qui a déjà accompagné son compatriote. Les prévisions les plus optimistes l’envoient quelque part entre Sunrise et Columbus, au milieu de la première ronde du prochain repêchage de la LNH. De façon plus réaliste, il devrait entendre son nom soit très tard vendredi soir ou très tôt samedi matin, la semaine prochaine à Dallas. Il ne sera assurément pas le choix du Canadien au troisième rang comme Draisaitl l’avait été pour les Oilers d’Edmonton en 2014.

Pourtant, au moins un recruteur l’ayant observé attentivement au cours de la dernière année n’hésite pas à comparer avantageusement cet espoir méconnu au populaire partenaire de Connor McDavid.

« Je dirais qu’au même âge, Draisaitl était à peu près semblable, avance Goran Stubb, la voix de la Centrale de recrutement de la LNH en Europe, en entrevue avec RDS. Bokk est un joueur plus en finesse et même s’il ne craint pas le jeu plus robuste, il aura assurément besoin de prendre un peu de coffre. Mais il est un excellent joueur, très complet. »

Tout le monde ne partage pas cette opinion. Dennis McInnis, de la firme ISS Hockey, note l’écart marqué entre le gabarit des deux gaillards. Bokk, un grand mince de 6 pieds 1 pouce et 176 livres, a effectivement des croûtes à manger, littéralement, s’il veut s’approcher du gabarit de Draisaitl. À 17 ans, ce dernier pesait déjà 204 livres. Il en a depuis ajouté une dizaine.

Mais si la discussion porte exclusivement sur ce qu’il est capable de faire avec une rondelle au bout de son bâton, il semble que l’écart entre les deux ne soit pas si grand.

« C’est un joueur de grand talent. Son flair offensif est très développé, ses mains sont agiles, il circule bien la rondelle et il est très solide sur ses patins. Son tir est bon et il adore s’en servir. Il est, de loin, le meilleur espoir natif de l’Allemagne depuis plusieurs années », réitère Stubb.

« Le gros problème de Draisaitl, à l’époque, était son jeu de pied, évoque McInnis. C’est un aspect sur lequel il a dû travailler très fort pour atteindre le statut qui est maintenant le sien dans la LNH. Bokk, à l’opposé, est un pur marchand de vitesse. Il vole sur la glace et côté habiletés, il déborde de talent. Il est davantage un fabricant de jeu qu’un marqueur, mais il peut faire les deux. »

Non à la WHL

Bokk aurait pu s’assurer d’avoir au moins un point en commun avec Draisaitl. Il y a un an, les Raiders de Prince Albert, de la Ligue junior de l’Ouest (WHL), l’ont sélectionné au neuvième rang du repêchage européen de la Ligue canadienne. Eux aussi avaient sûrement été séduits par les parallèles qui existent entre les deux Allemands. En 2012, ils avaient convaincu Draisaitl de traverser l’Atlantique pour poursuivre son développement au Canada. Le gros joueur de centre avait passé deux saisons en Saskatchewan, amassant 105 points en 64 matchs à sa deuxième, avant d’être échangé aux Rockets de Kelowna.

Les Raiders n’ont pas eu le même succès avec Bokk, qui avait plutôt manifesté le désir de jouer dans la Ligue de l’Ontario.

« Je n’avais pas parlé à Prince Albert avant le repêchage. [Draisaitl] m’a appelé après coup pour essayer de me vendre le projet, mais je trouvais ça trop risqué », expliquait Bokk, sûr de lui, au récent combine de la LNH à Buffalo.

Bokk était sous contrat avec les Sharks de Cologne, mais il craignait de s’y retrouver dans un cul-de-sac. Selon lui, les équipes de première division dans son pays sont réticentes à garder une place dans leur formation pour un adolescent. Sous la recommandation de son agent, il a donc accepté une offre du club de Växjö, dans la ligue élite suédoise.

Le plan n’a pas si mal tourné. Avec l’équipe junior de Växjö, celui qui compare son jeu à celui d’Artemi Panarin a amassé 41 points en 35 matchs de saison régulière et onze autres en huit matchs de séries avant d’être promu avec la première équipe. Au sein du groupe qui allait remporter le championnat de la Ligue élite suédoise, Bokk s’est notamment lié d’amitié avec Elias Pettersson, le choix de première ronde des Canucks de Vancouver en 2017.

« On a joué quelques matchs sur le même trio, on a joué ensemble en avantage numérique. J’ai appris beaucoup simplement en l’observant. Il a un tir extraordinaire et j’essayais de l’imiter. Je l’observais constamment. »

À qui la chance?

« Les joueurs de soccer allemands sont réputés pour être des travailleurs infatigables, observe Goran Stubb. Ce jeune homme a peut-être choisi le hockey, mais il possède la même mentalité. C’est un excellent athlète. »

Bokk a été limité à deux points en 15 matchs avec la première équipe, mais Stubb affirme qu’il serait réducteur de définir son expérience simplement par ces chiffres.

« Il a décidé d’aller en Suède dans le but de devenir un meilleur joueur de hockey et c’est exactement ce qui est arrivé, conclut le recruteur. À mon avis, les espoirs européens gagnent à jouer en Finlande ou en Suède plutôt qu’aller au Canada, où ils ne font que jouer et s’asseoir dans un autobus. Ici, ils jouent moins de matchs, mais ils pratiquent beaucoup plus. »

Qui sait si Dominik Bokk serait plus convoité s’il avait fait la paix avec l’idée de jouer dans la WHL. Dennis McInnis, qui lui a réservé la 28e place de son classement final annuel, concède que cette réalité, combinée au fait que Bokk a eu peu d’opportunités de se mesurer à ses pairs sur la scène internationale, a probablement affecté sa cote.  

Mais ça ne pourrait être qu’une question de temps avant que celle-ci ne soit en hausse.

« On pense qu’il est l’une des cartes cachées de ce repêchage. Il est meilleur que bien des gens peuvent le penser. »