CHICAGO – Si les Blackhawks battent le Lightning lundi soir devant leurs partisans au United Center ou qu’ils soulèvent la sixième coupe Stanley de leur histoire au terme du septième match de la finale, mercredi, à Tampa, le défenseur Duncan Keith recevra sans l’ombre d’un doute le trophée Conn-Smythe.

Avec une explosion de buts cruciaux lundi et/ou mercredi, son capitaine Jonathan Toews pourrait venir lui ravir le titre à la toute dernière seconde. Mais derrière Toews, les Kane, Seabrook, Crawford, Teravainen et même Antoine Vermette malgré ses deux buts gagnants en finale ne sont pas dans le coup.

Malgré ses 17 points en 22 matchs disputés depuis le début des séries, Marian Hossa est absent du débat entourant la course au titre du joueur par excellence des séries. Une injustice dont devraient avoir un peu honte les 18 journalistes sélectionnés pour mener à bien ce scrutin. Parce que j’ai obtenu le privilège d’être l’un des 18 journalistes qui soumettront une sélection de trois noms 10 minutes avant la fin du match décisif, je plaide coupable illico et j’avoue candidement être un peu gêné par le fait d’avoir cavalièrement écarté le Slovaque de 36 ans du débat.

Peut-être parce qu’il est discret, voire effacé, dans le vestiaire des Hawks, ou parce qu’il est mal à l’aise lorsque les projecteurs sont braqués sur lui, Marian Hossa est un joueur qui attire moins l’attention que les Toews, Kane, Stamkos et autres vedettes de la LNH.

Mais ce joueur effacé est adulé dans le vestiaire des Hawks. Il est aussi adulé dans les bureaux des 30 entraîneurs-chefs de la LNH. Joel Quenneville et ses adjoints savent qu’ils sont privilégiés de compter sur un joueur de la trempe de Marian Hossa. Jon Cooper et les 28 autres coachs qui n’ont pas cette chance envient candidement Quenneville.

Concert d’éloges

Patrick Kane, l’un des plus redoutables marqueurs de la LNH et lui-même récipiendaire du Conn-Smythe en 2013, assure que Marian Hossa est le prototype du parfait joueur de hockey. Rien de moins.

« Quand tu penses à ce qu’un joueur de hockey doit être pour s’imposer dans la LNH, tu obtiens Marian Hossa. C’est un joueur parfait. C’est un coéquipier parfait. C’est un homme parfait. Il a toutes les qualités nécessaires pour exceller au hockey, mais il a également toutes les qualités nécessaires pour être la personne qu’il est hors de la patinoire. C’est vraiment un gars spécial », a défilé Patrick Kane lorsque les journalistes lui ont demandé de qualifier l’importance de Marian Hossa.

Marian Hossa n’affiche que quatre buts sur ses 21 points accumulés depuis le début des séries. En finale, les amateurs se souviendront tous du filet désert qu’il a raté au début de la troisième rencontre. Une rencontre que les Hawks ont finalement perdue laissant alors le Lightning prendre les devants 2-1 en finale. Mais voilà, à 36 ans, avec plus de 1172 matchs de saison régulière et bientôt 194 en séries éliminatoires à son actif, Marian Hossa compte sur une expérience et un bagage qui lui permet d’assumer le titre de joueur parfait que Patrick Kane lui a décerné sans hésiter.

Vrai que Hossa a raté un but ouvert lors du match trois. Il s’est quand même repris avec deux passes plus tard dans la rencontre. Deux mentions d’aide passées sous silence en raison du revers.

Samedi, à Tampa, alors que le Lightning tentait désespérément de niveler les chances en fin de rencontre, Marian Hossa a effectué un sprint pour devancer Anton Stralman en zone du Lightning. Ce sprint a permis aux Hawks d’éviter un dégagement refusé et surtout une toujours dangereuse mise en jeu près de Corey Crawford avec six patineurs adverses massés devant lui.

Ce sprint réussi par Hossa n’est pas de nature à être relevé par tous les amateurs de hockey. Mais aucun joueur des Hawks et même du Lightning, aucun coach, aucun dirigeant ne l’a raté.

« Regardez-le aller. On dirait qu’il ne vieillit pas. On jurerait qu’il patine aussi bien et aussi vite aujourd’hui que lorsqu’il s’est joint à nous en 2010. C’est un gars spécial dont j’apprécie la présence autant dans le vestiaire que sur la patinoire. C’est le genre de joueur que tu regardes aller soir après soir en saison en te demandant : comment se fait-il que son nom ne soit jamais mentionné dans les candidats au trophée Frank-Selke remis à l’attaquant défensif par excellence de la LNH. Marian écoule les pénalités, il effectue des replis défensifs mieux que n’importe qui dans la LNH, il est toujours parmi les meilleurs pour le nombre de rondelles volées ou de rondelles libres récupérées. En plus, il produit sur une base régulière et est toujours en mesure de marquer des buts importants », a ajouté Kane comme s’il tenait à enrayer toute possibilité qu’on puisse mettre en doute le statut de « joueur parfait » dont il venait de décorer Marian Hossa.

Patrick Kane n’est pas seul à défiler les compliments en cascades lorsqu’il parle de Marian Hossa. « Je l’ai toujours admiré pour ses qualités offensives. Pour son talent. Maintenant que je joue au sein de la même équipe je suis en mesure de voir qu’il ne se fie pas uniquement à ce talent. Qu’il ajoute à ce talent, une force, une puissance et du caractère dans tout ce qu’il fait sur la glace », a ajouté le Finlandais Teuvo Teravainen.

« Compter sur Marian au sein de son équipe c’est très bien. Mais avoir la chance d’évoluer au sein d’un même trio que lui c’est bien mieux. C’est le gars que tu veux avoir avec toi sur la patinoire en tout temps. La rondelle colle à lui. Et quand elle n’est pas collée à lui, il va la chercher. Une fois la rondelle en sa possession, Marian complètera toujours le bon jeu. Quand je m’aperçois qu’il est sur le point d’avoir la rondelle, j’accélère en cherchant à me libérer sur la patinoire. Car je sais qu’aussitôt que je serai en mesure de recevoir une passe, la rondelle frappera la lame de mon bâton », assurait Patrick Sharp.

Une force de la nature

De tous les joueurs des Hawks, Antoine Vermette est le plus en mesure de témoigner su fait que Marian Hossa soit une force de la nature.

Choix de première ronde des Sénateurs d’Ottawa en 1997 – 12e sélection de la première ronde, Hossa a été réclamé par les Sénateurs après que le Canadien eut réclamé Jason Ward au 11e rang, une gaffe que le Tricolore paie encore chèrement aujourd’hui – Marian Hossa écoulait sa dernière saison dans l’uniforme des Sénateurs lorsque Vermette est débarqué à Ottawa.

« Quand je suis arrivé avec les Sens, Marian était au sommet de sa forme. Il était parmi les joueurs dominants de la Ligue. J’étais vraiment impressionné par tout ce qu’il faisait sur la patinoire. Par sa force autant sur ses patins que lorsqu’il protégeait la rondelle. Je le retrouve 11 saisons plus tard et il toujours aussi fort, aussi rapide, aussi complet. C’est vraiment phénoménal de voir qu’il soit aussi dominant aujourd’hui à 36 ans qu’il l’était alors », de témoigner Vermette.

Cinquième finale, troisième coupe

Marian Hossa pourrait soulever sa troisième coupe Stanley depuis qu’il s’est joint Blackhawks de Chicago lundi ou mercredi. Une troisième coupe en six ans.

Mais parce que Hossa a aussi vu deux coupes lui filer entre les doigts en 2008 alors que les Penguins ont perdu aux mains des Red Wings et l’année suivante alors qu’il a vécu la situation inverse, le Slovaque refuse de trop s’énerver.

« Il ne faut pas penser aux célébrations. Il ne faut pas penser à autre chose qu’à ce que nous devrons accomplir pour gagner dès lundi. Mais nous sommes tous des êtres humains. Tu ne peux pas bloquer toutes ces pensées et c’est bien évident que j’aimerais vivre une conquête devant nos partisans après les deux premières que nous avons célébrées sur la route – contre Boston en 2013 et les Flyers de Philadelphie en 2010. Si je n’arrive pas à bloquer toutes ses pensées, il faudra que j’y arrive et que nous arrivions tous dès que la rondelle tombera sur la patinoire pour le match six. Une fois dans l’action, il est plus facile de demeurer concentrer sur ce que tu dois faire pour gagner. Tous les matchs ont été serrés. On ne doit pas lever le pied. Croire que c’est terminé, car c’est loin d’être fini. Une fois que tout sera complété on regardera en arrière et on aura bien des raisons d’être fiers. Mais pour l’instant, on se doit de regarder devant. Et devant nous, il y a encore du gros travail à abattre », expliquait Marian Hossa après la victoire de 2-1 samedi à Tampa.

Bien qu’il en soit à une cinquième présence en finale de la coupe Stanley, dont trois consécutives, et qu’il ait soulevé deux fois le plus beau trophée du sport professionnel à bout de bras, Marian Hossa assure qu’il n’est pas rassasié. Qu’il ne le sera jamais.

« Toutes les présences en grande finale et plus encore les deux conquêtes sont mémorables. Mais je te dirais que ma présence cette année l’est tout autant. Peut-être parce que le temps file et parce que je ne sais pas si j’aurai d’autres chances dans le futur. Mais ce que je peux te dire, c’est que l’aventure de cette année est certainement la plus difficile. Chacune des cinq premières parties a été une guerre. Tu déploies tellement d’énergie à chacune de tes présences qu’il devient difficile de demeurer concentré. C’est stressant parce qu’avec des scores aussi serrés tu sais que la moindre erreur peut couler ton équipe », analysait Marian Hossa.

Mais comme en témoignent ses 1156 points dont 486 buts en 1172 matchs de saison régulière et surtout ses 144 points dont 49 buts en 193 matchs de séries éliminatoires, lorsque les choses se corsent et la pression devient étouffante, les chances de voir Marian Hossa s’imposer pour propulser son équipe vers la victoire sont bien plus grandes que celles de le voir crouler sous la pression.

Ce n’est pas pour rien que Patrick Kane le décore du titre de joueur parfait.