TORONTO - Saku Koivu a hâte à jeudi. Il a hâte de renouer avec Montréal, le Centre Bell et les partisans du Canadien dont il a été le capitaine du début de la saison 1999 jusqu’à la fin de la saison 2009, sa dernière dans l’uniforme tricolore.

Deux ans après sa première partie au Centre Bell contre le Canadien, Koivu espère qu’il pourra savourer davantage sa deuxième escale montréalaise dans l’uniforme ennemi. Sa seule de la saison. À moins que le Canadien et les Ducks ne se croisent en grande finale de la coupe Stanley.

« Mon retour a été difficile il y a deux ans. J’étais chaviré par des vagues d’émotions. Les souvenirs heureux et moins heureux se bousculaient dans ma tête. Ce fut une visite malgré tout magnifique. L’accueil des fans et des journalistes m’avait profondément touché. Mais le trop-plein d’émotions m’a peut-être empêché de la savourer complètement. Ce sera encore émotif jeudi. J’en suis convaincu. J’espère que les fans du Canadien seront aussi heureux de me revoir que je le serai d’évoluer devant eux. Mais j’espère aussi que le niveau d’émotions sera légèrement plus bas afin de mieux profiter de la rencontre et de tout ce qui l’entourera », m’a lancé Saku Koivu croisé dans le vestiaire des Ducks d’Anaheim, mardi midi, au Centre Air Canada à Toronto.

Quand j’ai demandé à Koivu si sa visite de jeudi, à Montréal, pourrait être sa dernière, l’ancien capitaine du Canadien a refusé de se livrer pieds et poings liés avec une réponse trop hâtive. À bientôt 39 ans, à sa cinquième saison à Anaheim, sa 18e dans la LNH, Koivu est tributaire de tellement de facteurs sur lesquels il n’a pas le plein contrôle qu’il refuse de regarder trop loin en avant.

« J’aime croire que je suis un jeune joueur de 39 ans et non un vieux, surtout que c’est ma barbe qui grisonne et non mes cheveux », a répliqué Koivu avec un sourire espiègle lorsque je lui ai demandé s’il se sentait vieux à l’approche de ses 40 ans et des cheveux gris qui soulignent souvent cette étape.

« Après huit matchs cette saison, je suis tenté de te dire que ma visite à Montréal jeudi ne sera pas ma dernière. Que je jouerai l’an prochain. Mais ce genre de décision, c’est à la fin de la saison qu’elle doit se prendre. Pas au début. Si je garde la forme, si les blessures m’épargnent, mais surtout si j’ai la conviction d’être encore capable de contribuer aux succès de mon équipe à un niveau qui me satisfait, je continuerai. Si je me sens aussi bien le printemps prochain que je me sens ce matin, je n’aurai aucune raison d’arrêter », m’expliquait Koivu.

Rappelés à l’ordre par les Leafs

Débarqués à Toronto sur une lancée de sept victoires consécutives, les Ducks tenaient à amorcer leur long voyage de huit matchs sur une note positive. Un huitième gain aurait d’ailleurs permis d’établir un nouveau record pour cette jeune organisation qui vient d’atteindre le plateau des 1500 parties dans la LNH.

À l’image du Canadien face aux Oilers, les Ducks se sont offert une avance de 2-0. Après, ils ont cessé de jouer. Non seulement ont-ils bousillé quatre attaques massives, dont une supériorité de deux hommes qui s’est prolongée pendant 87 secondes, mais ils ont multiplié les revirements, offrant aux Leafs des attaques en surnombre dont ils ont su profiter en enfilant quatre buts sans riposte.

Phil Kessel, oublié à la droite du filet après que François Beauchemin eut quitté sa position pour tenter de mettre de la pression sur le porteur de la rondelle, a marqué le premier but des Leafs au cours d’une attaque massive.

Un but qui a tout changé.

Car 79 secondes plus tard, Dion Phaneuf venu appuyer l’attaque a nivelé les chances. Phil Kessel a lancé son équipe en avant à la fin de la période médiane et il a complété son tour du chapeau en début de troisième.

Nick Bonino et le Québécois Mathieu Perreault ont marqué les deux premiers buts de la rencontre.

Au sein d’un troisième trio complété par Andrew Cogliano et Daniel Winnick, Saku Koivu n’a pas connu un grand match. Très discret lors des deux premières périodes, son trio n’a obtenu que deux maigres tirs et terminé sa soirée de travail avec un différentiel de moins-1.

En 20 présences totalisant 14 min 55 s d’utilisation, Koivu n’a pu améliorer sa production personnelle qui s’élève à deux buts et une passe après neuf rencontres.

Dans un vestiaire à l’intérieur duquel flottait une forte odeur de confiance après l’entraînement matinal, le défenseur François Beauchemin se disait pourtant emballé par les performances de Koivu et de ses compagnons de jeu.

« C’est sûr que je ne suis pas objectif, mais Saku pilote à mes yeux l’un des meilleurs troisièmes trios de la Ligue. Il est intelligent sur la glace. Il est solide aux cercles des mises en jeu. Il est bien appuyé par deux ailiers efficaces. Ces trois gars-là sont non seulement capables de freiner n’importe quel trio contre qui ils évoluent, mais ils sont aussi capables de contribuer offensivement. »

À l’image de Beauchemin, l’entraîneur-chef Bruce Boudreau s’était montré tout aussi élogieux à l’endroit de Koivu.

« Parce qu’il complète sa tournée d’adieux, Teemu (Selanne) retient toute l’attention. Mais bien qu’il soit dans l’ombre de Teemu, Saku est animée par le même genre de passion pour le hockey et il remplit un rôle important au sein de notre équipe. Il joue au sein d’un troisième trio, mais vous le verrez aussi en avantage numérique et je n’hésiterais pas à lui donner plus de responsabilités offensives dans certaines circonstances. Jeudi contre le Canadien, je ne serais pas surpris qu’il joue 22 minutes simplement parce que nous serons à Montréal, dans le cadre d’un match qui sera spécial pour lui. Le lendemain soir, à Ottawa, je pourrais lui donner congé. C’est le genre de décisions avec lesquelles j’aurai à jongler au cours de l’année », expliquait Boudreau.

Un leader plus effacé

S’il est vrai que Koivu évolue dans l’ombre de son grand copain et compatriote autant sur la glace que dans le vestiaire, il en tire beaucoup de satisfaction.

« J’adore mon rôle au sein de l’équipe. Je dois admettre que je suis à l’aise aussi avec le fait de ne plus être le centre d’attention quotidien au sein de mon équipe. J’ai rempli avec fierté mon rôle de capitaine à Montréal. J’ai assumé toutes les responsabilités qui venaient avec le C. Mais j’apprécie le fait que nos performances lors des matchs et même des entraînements soient moins scrutées qu’elles ne l’étaient à Montréal. »

Saku Koivu refuse de regarder trop loin en avant lorsque vient le temps de faire des projections sur sa carrière. Il a toutefois déjà les yeux sur Sotchi et le tournoi olympique de hockey qui s’y déroulera en février.

« Je ne sais pas encore ce qui arrivera, mais il est clair que j’aimerais endosser le chandail de mon pays pour une cinquième fois aux Jeux olympiques. Surtout que ce serait une dernière. Malgré mon âge, la fierté de représenter son pays sur une scène aussi importante est une immense source de motivation et de satisfaction. Teemu et moi avons eu la chance de savourer une conquête de la médaille de bronze lors des Jeux de Vancouver il y a quatre ans. J’espère être à Sotchi pour tenter de répéter l’exploit », a ajouté Koivu.

Tournée d’adieu

Une fois les Jeux olympiques, la saison régulière et les séries éliminatoires passés, Saku Koivu pourrait décider d’imiter son copain Selanne.

« Ça fait quelques années déjà que je prends les saisons une à la fois. Je maintiendrai cette philosophie jusqu’à la fin. Cela dit, je regarde Teemu aller cette année et je trouve qu’il a pris une bonne décision et annonçant qu’il en était à sa dernière saison. On dirait que le fait de clarifier cette position lui permet de profiter davantage de sa dernière année. Partout où l’on passe, il semble heureux de l’accueil que lui réservent les partisans, de répondre aux questions des journalistes. On dirait qu’il est libéré d’un poids. Et ça se reflète sur la patinoire alors qu’il joue comme il a toujours joué : dans la bonne humeur. Je ne sais pas si je jouerai l’an prochain ou dans deux ans. Mais je crois vraiment que lorsque le temps d’une dernière saison sera venu, je le confirmerai moi aussi en début d’année, de façon à me permettre de célébrer cette dernière saison. D’en profiter. »

Contacts étroits

Si les coéquipiers de Koivu encore actifs avec le Canadien sont rares – Andrei Markov, Josh Gorges, Francis Bouillon, Tomas Plekanec, Max Pacioretty et Carey Price – l’ancien capitaine a maintenu des liens étroits avec plusieurs compagnons de jeu aujourd’hui à la retraite.

« J’ai profité de ma visite à Toronto pour souper avec Brian Savage lundi. On a toujours gardé contact et il est ici pour la série Battle of the Blades. On a ressassé de bons souvenirs. Je suis encore très proche de Mark Recchi – ils étaient inséparables sur la glace et hors de la patinoire – Turner Stevenson et Sheldon Souray – blessé à un poignet – qui joue avec moi à Anaheim. J’ai maintenu des liens étroits avec plusieurs membres de l’organisation aussi. J’ai parlé récemment à Pierre Gervais – gérant de l’équipement – aux soigneurs, à Donald Beauchamp des communications. J’ai des contacts aussi avec le docteur (David) Mulder – qui a épaulé Koivu dans sa lutte victorieuse contre le cancer – et plusieurs amis connus au fil de mes années à Montréal. Parce que nous arriverons à Montréal en fin d’après-midi mercredi et que nous partirons après le match pour Ottawa où on joue vendredi, je n’aurai pas le temps de voir tout le monde, mais je garderai toujours contact. Car si jamais la partie de jeudi est la dernière de ma carrière au Centre Bell, ce ne sera certainement pas ma dernière visite à Montréal. »