Si les Blackhawks et le Lightning se livrent tout un duel pour mettre la main sur la coupe Stanley, un duel tout aussi intéressant s’impose entre les défenseurs Duncan Keith et Victor Hedman dans la course au trophée Conn-Smythe.

Avec ses 20 points (dont 18 passes) en 20 matchs, un différentiel de plus 14, le meilleur depuis le début des séries, et un temps d’utilisation moyen par match gigantesque de 31 minutes 20 sec – seul Roman Josi des Predators de Nashville le devance, mais Josi n’a disputé que six rencontres – Keith occupe actuellement la pole dans la course au titre de joueur le plus dominant des séries 2015.

Mais Hedman s’approche. Il commence à lui souffler dans le cou. Et si le Lightning devait surprendre le monde du hockey et soulever la coupe sous les yeux des Hawks et de tous ceux qui les ont favorisés en début de finale, il est très possible que le défenseur suédois – son plus proche rival dans le camp du Lightning est Tyler Johnson – hériterait alors du trophée Conn-Smythe.

Avec ses deux passes brillantes réalisées lundi soir sur les buts de Ryan Callahan – le premier de la rencontre – et Cédric Paquette – le but gagnant – Hedman a confirmé son grand talent offensif. Opposé aux meilleurs attaquants des Hawks en compagnie de son compagnon de jeu Anton Stralman, Hedman a également maintenu sa domination aux dépens des Jonathan Toews, Patrick Kane et autres canons offensifs des Hawks. Son différentiel de plus 12, bon pour la deuxième place depuis le début de séries derrière Duncan Keith, confirme d’ailleurs la grande qualité de son jeu défensif. De son jeu tout court.

«Est-il possible de trouver les mots justes pour rendre justice à Victor Hedman et à tout ce qu’il accomplit pour nous ?», a lancé Jon Cooper dans son point de presse après la rencontre de lundi.

«Les séries et particulièrement la finale lui permettent d’enfin obtenir l’attention qu’il mérite. Il a été sensationnel pour nous encore ce soir. Je le dis souvent et je vais le répéter une fois encore. Victor Hedman est notre catalyseur à la ligne bleue au même titre que Steven Stamkos est notre catalyseur à l’attaque. Lorsque ces deux joueurs donnent le ton, nos chances de gagner sont excellentes», a poursuivi l’entraîneur-chef du Lightning après la victoire de 3-2 de son équipe.

Choix de première ronde du Lightning en 2009 – deuxième sélection du repêchage du se déroulait au Centre Bell alors que John Tavares a été sélectionné au tout premier rang par les Islanders – Victor Hedman complète déjà sa sixième saison dans la LNH malgré le fait qu’il n’ait que 24 ans. Aux yeux de Jon Cooper, Hedman récolte enfin le fruit de cette expérience acquise au fil de ces six saisons.

«Aussi bons soient-ils, les jeunes joueurs qui arrivent dans la LNH ont besoin d’accumuler les matchs pour assimiler ce qui doit être fait pour réussir à ce niveau. Tu ne peux pas arriver dès ta première année et imposer ton rythme. Particulièrement pour un défenseur. Victor a atteint cette maturité au cours des deux dernières années. Sa stature et son coup de patin l’ont toujours placé dans une classe à part. Avec le temps, il a appris à bien jouer dans sa zone. À être un bon défenseur. Tout part de là : par la qualité du jeu en défensive. Pour être franc, il a le feu vert pour se porter à l’attaque. Il peut y aller quand il le veut parce qu’il a acquis ce droit d’y aller en jouant aussi bien défensivement qu’il le fait maintenant. Il lui a fallu quelques saisons, mais Victor Hedman est maintenant arrivé», claironnait fièrement Cooper après le match de lundi.

N’eût été sa blessure qui a miné son début de saison – Hedman a marqué trois buts et récolté sept points à ses six premiers matchs de la saison avant de rater 18 rencontres en raison d’une fracture à un doigt –, il est clair, que le nom du défenseur suédois aurait été au centre des discussions dans la course au trophée Norris.

À la lumière de ses performances en séries, Hedman sera de retour dans la course au Norris l’an prochain. D’autant qu’il est au plus fort de la course pour le Conn-Smythe en ce moment.

Pas mal pour un défenseur qui a été boudé par les dirigeants de l’équipe nationale de la Suède l’an dernier dans le cadre des Jeux de Sotchi. Un affront que la Suède a réservé à Anton Stralman qui évolue en compagnie de Hedman avec le Lightning en finale de la coupe Stanley. Belle revanche !

Une passe qui soulève l’admiration

S’il est vrai que Victor Hedman a réalisé tout un jeu sur le but de Paquette, la bombe qu’il a décochée alors qu’il se tenait près du filet défendu par Ben Bishop pour rejoindre Ryan Callahan à la ligne bleue des Hawks afin de lui offrir une échappée qui s’est soldée par le premier but de la rencontre était plus spectaculaire encore. Même si au moins 22 300 des 22 336 spectateurs entassés dans les gradins portaient des chandails aux couleurs des Hawks, on a senti un vent d’admiration tourbillonner autour du United Center après cette passe. Un vent similaire a aussi déferlé sur la galerie de presse.

Après la rencontre, le talentueux défenseur a admis en souriant qu’il était tout à fait d’accord avec l’abolition de la ligne rouge sans laquelle il n’aurait jamais pu tenter cette passe. Cela dit, la tenter c’est une chose. La réussir en est une tout autre et seuls les grands défenseurs peuvent y arriver.

À la manière d’un quart-arrière qui guide de la main sur receveur de passe afin de décocher une spirale parfaite qui touche la cible, Victor Hedman a frappé son bâton sur la glace pour diriger Callahan qui a vite saisi le message.

«Quelle passe», s’est d’abord exclamé Callahan avant de commenter le jeu plus en détail. «Il tentait de me rejoindre sur mon côté fort avant de se rendre compte que j’étais couvert de ce côté. Il a eu la patience et l’aplomb d’attendre que je puisse repartir sur mon revers et la rondelle est aussitôt directement sur la lame de mon bâton. Une passe sensationnelle», a plusieurs fois répété Ryan Callahan après la victoire des Bolts.

«Victor a cette capacité d’identifier les gros à faire et surtout à savoir comment les réaliser. Mieux encore, on dirait qu’il réalise ces gros jeux lorsque les situations l’exigent. Lorsque les situations sont corsées. S’il est clair qu’il aime se porter à l’attaque, il compte aussi sur ce flair qui lui dicte quand y aller et quand demeurer derrière», a défilé son partenaire de travail et compatriote Anton Stralman.

Dans un autre coin du vestiaire, Brian Boyle défilait les louanges à l’endroit de Victor Hedman comme il venait tout juste de le faire à l’endroit de Cédric Paquette. «Vous voyez enfin et réalisez enfin à quel point Victor Hedman est un joueur doué. Un joueur spécial. Nous sommes choyés de compter sur un tel défenseur pour orchestrer tout le travail accompli à la ligne bleue.»

Humble dans le succès

Dans tout ce concert d’éloges, Victor Hedman a joué la carte de l’humilité. Sur la passe réalisée à Ryan Callahan, Hedman a indiqué que la chute du défenseur Johnny Oduya lui avait grandement facilité le travail. Quant à sa poussée qui a mené au but gagnant de Cédric Paquette, il a insisté pour partager le crédit avec ses coéquipiers Stralman, qui a récupéré la rondelle après une mise en jeu en zone défensive, Callahan qui lui a servi une belle passe alors qu’il était en mouvement et Paquette qui a effectué le bon jeu en se rendant au filet.

Tout ça est vrai. Mais tout le travail compliqué, le travail délicat, le gros du travail, c’est Hedman qui l’a effectué.

Aussi humble dans son analyse du travail défensif aux dépens des Toews et Kane, Victor Hedman a imputé aux prouesses de son gardien Ben Bishop – particulièrement ses 18 arrêts au premier tiers – le fait qu’il ait ainsi pu s’en sortir. «Si Ben ne s’était pas tenu sur la tête, je ne crois pas que nous serions sortis de la première avec une égalité de 1-1. Kane et Toews ont eu de bonnes occasions et c’est Ben qui les a stoppés. Car à ce moment-là, il faut admettre que nous étions un peu sur les talons.»

Sur ce point, Hedman a raison. Que Bishop se soit tenu sur sa tête comme le prétendait le défenseur suédois ou qu’il se soit assis sur un fer à cheval comme l’a prétendu P.K. Subban pour expliquer les nombreux arrêts chanceux du gardien du Lightning dans la série contre le Canadien, il est clair que sa performance en première période a eu une grande importance sur l’issue du match.

Mais si Bishop a empêché les Hawks de marquer à son bout de patinoire, Victor Hedman a abattu du gros boulot pour l’aider à y arriver. Et à l’autre bout de la patinoire, il a été rien de moins que sensationnel.

Quelques chiffres éloquents

Avec ses deux passes récoltées lundi soir, Victor Hedman détient maintenant le record pour le plus grand nombre de passes (21) et de points (23) récoltés en séries par un défenseur du Lightning. Dan Boyle détenait ces records avec 19 passes et 22 points…

Victor Hedman détient également le record pour le plus grand nombre de passes (13) et de points (14) en séries dans une même année (23 matchs). Dan Boyle avec 8 passes et 10 points récoltés en 23 matchs disputés en 2004 détenait aussi ce record…

Duncan Keith (20 points, dont 18 passes en 20 matchs de séries) et Chris Pronger (21 points, dont 16 passes en 24 matchs de séries en 2006 avec Edmonton) sont les deux seuls défenseurs à avoir atteint le plateau des 20 points en séries lors des 20 dernières années…

Paul Coffey (25 passes en 1985 avec les Oilers), Al MacInnis (24 passes en 1989 avec les Flames), Brian Leetch (23 passes en 1994 avec les Rangers) et Bobby Orr (19 passes en 1972 avec les Bruins) sont les seuls à devancer Keith pour le nombre de passes récoltées en séries…

Le Lightning de Tampa Bay a joué avec une avance pendant 92 minutes 20 sec. lors des trois premiers matchs de la finale soit 51,23 % du temps de jeu…

Les Blackhawks n’ont bénéficié de l’avance que pendant 6 minutes 19 sec. soit 3,5 % du temps de jeu…

Les trois premiers matchs de la finale ont été marqués par des remontées victorieuses. Cette statistique est à l’image des présentes séries alors que 32 des 86 rencontres (37,2 %) ont été marquées par des remontées victorieuses…