Il y a une grande première aux Jeux olympiques de Sotchi en patinage artistique. Il faut dire que le patinage artistique a l’habitude des grandes premières puisque ce fut le premier sport d’hiver à être inscrit au programme des Jeux olympiques. Cette fois-ci, c’est l’ajout d’une compétition par équipe qui amène la nouveauté, un concept toujours intéressant dans un sport hautement individuel. 

Voici comment cela fonctionne. Dix pays sont qualifiés pour cette compétition et ont un représentant dans chaque discipline : hommes, femmes, couples et danse, la performance des athlètes choisis ne comptant pas pour le concours individuel. Une première position donne dix points à l’équipe, une deuxième, neuf points et ainsi de suite jusqu’à la dixième position qui donne un point. On additionne les résultats des quatre disciplines pour obtenir un classement général. Les cinq premières positions au classement général, à l’issue du programme court, passeront à l’étape du programme libre où seront décernées les médailles.

On peut donc voir la participation des athlètes choisis de deux façons: fatigue accrue à cause des prestations supplémentaires, ou bon moyen de jauger la compétition et de se faire une idée de l’endroit où on se situe. Chose certaine, l’exercice est très intéressant. La compétition a déjà débuté, avant même que les premières notes de la cérémonie d’ouverture ne retentissent dans le stade, à l’instar de celles des bosses en ski acrobatique (belles performances des sœurs Dufour-Lapointe), et du slopestyle (belles performances de Sébastien Toutant et Maxence Parrot).

Ce sont les hommes qui ont ouvert le bal, créant l’événement puisque jamais auparavant, le patinage artistique n’avait débuté avant que la vasque olympique soit allumée. Si le champion d’Europe n’était pas là, l’Espagne n’étant pas au nombre des pays qualifiés pour la compétition par équipe, il n’en reste pas moins que le calibre promettait d’être très relevé avec la présence des Chan, Plushenko,  Hanyu et Yan… et ce le fut!

Beaucoup de questions flottaient autour d’Evgeni Pluschenko, médaillé d’argent à Salt Lake City en 2002, champion olympique è Turin en 2006, sorti de sa retraite pour aller chercher une médaille d’argent à Vancouver en 2010. Il a fait bien peu de compétitions au cours des deux dernières années et s’est même fait opérer après s’être retiré du Championnat d’Europe l’an dernier. Allait-il être à la hauteur? Allait-il présenter le triste spectacle de la star vieillissant qui s’accroche à sa carrière? Il voulait faire ces Jeux, patiner devant un public où il est toujours aussi populaire, plus encore qu’Ovechkin même s’il n’a pas été près présent sur la glace ces deux dernières années. Eh bien il aura été le premier à exciter la foule dans une compétition qui partait sur des bases un peu tièdes. On a retrouvé le Pluschenko des grands jours, celui qui réussissait ses quadruples sauts aussi habilement qu’il battait de la mèche blonde. Patinant sur l’envoûtant Tango de Roxanne, il a construit sa chorégraphie sagement, regroupant les gros sauts, combinaison quadruple-triple, le triple lutz et le triple axel pas parfaits, mais réussis, en début de programme, même si les juges aiment bien qu’on en déplace au moins un vers la fin, histoire de voir si le patineur peut tenir le coup jusque-là. Mais pour Evgeni, il s’agissait de marquer un grand coup, et il l’a réussi. Quatrième à passer sur la glace, il a créé un écart de 30 points avec son plus proche rival à ce moment de la compétition.

Mais les grosses pointures restaient à venir. D’abord le jeune prodige chinois Han Yan, dix-sept ans seulement. De grandes qualités de sauteur, mais une personnalité encore à façonner. À sa première année chez les séniors, le voilà déjà bataillant avec les meilleurs de la planète aux Jeux olympiques. Il se hissait derrière Pluchenko à un peu moins de six points.

Puis le champion du monde en titre, le favori de la compétition, le Canadien Patrick Chan. Il a tout gagné dans sa carrière, sept championnats canadiens, chacun des Grands prix,  trois championnats du monde consécutifs, deux fois les Quatre continents…il ne lui manque que la médaille olympique, d’or de préférence. Il avait terminé cinquième à Vancouver, avant d’enfiler ses titres mondiaux. S’il devait réussir, il créerait l’exploit : jamais un Canadien n’a remporté l’or en patinage artistique. Mais sa performance n’a pas été parfaite. Un peu à l’arrière sur sa réception du quadruple boucle, ce qui l’a empêché d’enchaîner avec un triple (il a fait un double), un peu de surrotation au triple axel, sauf qu’il en a fait assez pour chauffer Pluchenko  à deux points de la tête. Pas parfait Chan, mais ce n’est pas grave…c’est à l’individuel qu’on le veut parfait.

Enfin, la compétition masculine s’est achevée avec la performance époustouflante du Japonais Yuzuru Hanyu. Avec un style plus décomplexé et relaxe que Chan, il a survolé la glace en multipliant les réussites et les difficultés vaincues. On peut dire qu’il y a un peu du Canada dans son brio puisqu’il est entraîné par Brian Orser, double médaillé d’argent aux Jeux de 84 et 88. Yuzuru, qui a échangé régulièrement les premières places avec Patrick Chan au cours de la saison, a donc pris la tête, près de sept points devant Pluchenko.

Suivait la compétition en couple. Encore une fois, la Russie a frappé un grand coup. Champions du monde en titre, triples champions européens Tatiana Volosozhar et Maxim Trankov ont littéralement envoûté le public et incendié la glace! Très justes, très élégants, ils se sont même approchés du record  de points qu’ils ont établi pour un programme court, le ratant de dix-neuf centièmes.

Derrière eux, les Canadiens Méghan Duhamel et Eric Radford, entraînés par Richard Gauthier, qui ont brillé sur la musique composée par Eric en hommage à Paul Wirtz décédé en 2006. Ils sont les seuls au monde à réussir le triple lutz en saut côte à côte et on réussit leur meilleure marque personnelle. Les neuf points qu’ils ont amassés, ajoutés aux huit de Patrick Chan, placent le Canada en deuxième position derrière la Russie à dix-neuf points.

C’est un très beau début pour la compétition de patinage artistique où le Canada est très bien représenté, ayant amené dix-sept athlètes sur un total possible de dix-huit. Et le plus beau de la chose, c’est qu’il y a de sérieux espoirs de médailles dans les quatre disciplines, en y ajoutant maintenant la compétition par équipe. Les prochains jours promettent sur la glace du Palais des sports de glace Iceberg où l’action reprendra samedi à 9h30, heure de Montréal. J’ai bien l’impression qu’on n’a pas fini d’être épatés.