L’argent amer
Jeux olympiques jeudi, 22 févr. 2018. 13:03 dimanche, 15 déc. 2024. 12:39Le scénario imaginé par les Américaines s’est réalisé. Au 20e anniversaire de leur première et jusqu’alors seule conquête de la médaille d’or, ramener cette médaille convoitée au pays. Et dans la seule finale hautement prévisible des Jeux, les rivales de toujours se sont affrontées et le couperet sera tombé à la séance de tirs au but, nécessaire pour départager les deux (seules?) puissances mondiales du hockey féminin.
Le match en lui-même a été à la hauteur des attentes, rapide, brillant, mettant en scène des joueuses au talent certain et aux grandes qualités techniques. Un match difficile à suivre aussi, étant donné l’heure tardive de diffusion, décalage horaire oblige. J’en ai même rêvé des bouts... Une fois le Canada menait 3-1, une autre Danièle Sauvageau était derrière le banc, mais aucune petite absence à partir de la troisième période jusqu’aux funestes tirs au but. L’adrénaline faisait son travail…
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Comme vous tous, j’avais bien hâte que cette troisième période se termine. L’avance d’un but semblait bien fragile devant ces Américaines qui patinaient le couteau entre les dents, expression utilisée par Danièle Sauvageau lors d’une conversation que nous avons eue le jour précédent. « Elles sont arrivées ici avec une détermination hors du commun, ajoutait-elle. Et la pression de gagner sera sur les Canadiennes. Ce sont elles qui remportent l’or depuis quatre Jeux olympiques consécutifs. Pour les Américaines, au pire, elles répéteront ce qu’elles ont toujours fait, aller chercher l’argent. »
C’est ce qui se profilait timidement au bout du match. Mais la pression sur le but de Szabados, excellente d’un bout à l’autre du match, augmentait sans cesse. L’urgence de l’échéance semblait faire patiner les Américaines encore plus vite. Et il aura fallu cette terrible erreur de gestion, ce changement de trio mal négocié, cette position des adversaires sur la glace mal lue, pour que Monique Lamoureux-Morando monte seule à l’abordage du but et déjoue Szabados dans un face à face fatal pour le Canada.
L’égalité à sept minutes de la fin, en promesse d’une prolongation à quatre contre quatre qui n’aura rien réglé. Et la séance de tirs au but où tour à tour les deux gardiennes réussissent des arrêts qui gardent leur équipe dans la course, jusqu’à ce but de Jocelyne Lamoureux-Davidson, qui vaudra son pesant d’or.
La médaille d’argent est amère pour les Canadiennes qui avaient en vue un autre métal. Mais elle reflète aussi la simple réalité d’un tournoi où les Canadiennes ont semblé moins créatives que leur adversaire et où les États-Unis ont vu les efforts de leur centralisation prolongée récompensés. Ce n’était pas une domination écrasante et personne n’a servi de leçon à l’autre. Quand un match se décide en tirs de barrage, c’est qu’il peut basculer d’un côté ou de l’autre. Ça s’est joué dans les détails, et ne dit-on pas que le diable s’y cache précisément?
Mais encore une fois, ce match de finale aura servi de formidable vitrine au hockey féminin et nous avons de quoi être fiers de l’équipe canadienne. Derrière, les autres pays prennent du galon lentement, mais sûrement. Et des Canadiennes et Américaines au top niveau, ça sert de locomotive. La jeune équipe « d’athlètes olympiques représentant la Russie » est prometteuse et les joueuses de PyeongChang seront plus expérimentées à Beijing.
Il faudra que l’équipe de Laura Schuler (il sera intéressant de voir quel sera l’avenir de l’entraîneuse) digère cette médaille d’argent, accueillie comme une rétrogradation par les joueuses, et se tourne vers l’avenir. Aller gagner le Championnat du monde l’an prochain par exemple, championnat remporté par les États-Unis depuis 2008, sauf en 2012 où le Canada avait gagné la finale. Cette médaille d’argent n’est pas une déchéance, un seul rappel que s’il est difficile d’atteindre le sommet, il est souvent encore bien plus difficile d’y rester.