KRASNAÏA POLIANA, Russie - Et maintenant, les derniers espoirs de l'équipe canadienne masculine de ski de fond aux Jeux de Sotchi reposent sur Alex Harvey et Devon Kershaw, à l'occasion du sprint par équipes.

Même Harvey l'a reconnu d'emblée après le 15 km style classique de vendredi. Il a dû abandonner au 10e kilomètre au cours d'une journée où tous les fondeurs canadiens ont été ralentis par un équipement mal adapté aux conditions du parcours et à la chaleur ambiante.

«Notre meilleure chance, on le dit depuis le début, c'est le sprint par équipes, a dit Harvey de l'épreuve qui sera disputée mercredi au centre de ski de fond Laura. Là, ça adonne que c'est non seulement notre meilleure chance, mais c'est notre seule chance.»

Autrement dit, il faut oublier le relais 4x10 km dimanche. La raison, c'est que l'équipe canadienne semble à court d'idées pour adapter les skis et le fartage aux conditions de neige molle. Celle-ci a un effet de succion sur les skis qui ont une construction trop basse, a expliqué Harvey.

C'était la deuxième fois des actuels JO que les fondeurs canadiens étaient victimes d'un équipement sous-performant. Le résultat, c'est que Kershaw s'est contenté d'une 35e place, à deux minutes et 47,4 secondes du vainqueur, le Suisse Dario Cologna. Ivan Babikov a terminé 39e à 3:19,5 et Graeme Killick, 65e à 5:35,1.

Harvey a abandonné quand il a vu qu'il perdait un temps fou dans les descentes. Il a vite été rattrapé par les deux fondeurs qui ont pris le départ après lui, soit le Kazakh Alexey Poltoranin et le Norvégien Chris Andre Jespersen.

«J'ai perdu 15 secondes tout de suite sur Poltoranin. Et après, Jespersen, qui a fini sixième, m'a dépassé dans la petite descente avant la longue montée de 1 km, a expliqué Harvey. Je suis resté dans ses skis pendant toute la montée, sans être dans le rouge, mais dès la petite descente suivante, il m'a pris 10 mètres encore.»

Harvey a alors réalisé que ses efforts de la journée seraient vains et il a annoncé à Justin Wadsworth, l'entraîneur-chef de l'équipe canadienne, qu'il valait mieux qu'il conserve ses énergies en vue de la suite des Jeux.

«Je lui ai dit que ça ne sert à rien, que la seule chose qui pouvait arriver, c'est que je me creuse un trou si profond que j'aurais peut-être de la difficulté à en sortir.»

La décision était la bonne, d'autant plus que Cologna a été dominant en route vers sa deuxième médaille d'or des Jeux de Sotchi. Son temps de 38:29,7 lui a permis de devancer les Suédois Johan Olsson et Daniel Richardsson par 28,5 et 38,8 secondes, respectivement.

Kershaw, lui, a continué parce qu'il n'a pas disputé le skiathlon de dimanche dernier, contrairement à Harvey.

«On ne sait jamais à quel moment une course peut changer, a noté Kershaw. Parfois ça arrive effectivement, mais ça n'a pas été le cas aujourd'hui.»

À la suite de la contre-performance de Kershaw lors du sprint style libre, mardi — il a fini 56e —, on avait évoqué la possibilité que le vétéran de 31 ans cède sa place à Len Valjas à l'occasion du sprint par équipes. La journée de Kershaw, vendredi, a toutefois semblé rassurer Wadsworth, qui a reconnu que le fondeur ontarien a affiché une bonne forme malgré son équipement déficient.

L'entraîneur a laissé entendre que Kershaw sera probablement jumelé à Harvey, bien que le sujet devra faire l'objet d'une discussion entre les entraîneurs.

«Il n'y a rien de certain, mais Devon a une longueur d'avance. Dans cette épreuve-là, il est très bon. Il est capable de garder le rythme même si Alex a un niveau de forme légèrement supérieur. C'est pourquoi Alex et lui sont les champions du monde», a dit Wadsworth.

Kershaw et Harvey ont en effet été couronnés champions du monde en 2011 et ils ont terminé au quatrième rang du sprint par équipes style libre aux Jeux de Vancouver en 2010.

Même Wadsworth n'a pas fait semblant d'espérer un bon résultat au relais, étant donné les problèmes importants que connaissent les techniciens de l'équipe à bien préparer l'équipement en fonction du parcours russe.

«À ce stade-ci, je veux utiliser cette journée-là en tant que préparation pour le sprint par équipes, a dit l'entraîneur. Il faut absolument trouver une solution.

«Les techniciens sont évidemment très frustrés par la situation, a ajouté Wadsworth peu après la fin de la course. Ils sont tous déjà sur le parcours pour tout tester à nouveau. Ce n'est pas une question d'application, mais de choix de cire. Ou peut-être avons-nous un problème avec nos skis de test, qui sont possiblement moins flexibles et ressentent moins les effets de la cire (que les skis des fondeurs).

«Les gars sont physiquement en assez bonne forme pour espérer décrocher une médaille. Il nous faut juste les skis.»

Harvey a convenu qu'il n'est pas toujours facile d'avoir tous les éléments en place — équipement performant, athlètes en forme, etc. — pendant une journée de course, mais il a fait remarquer que l'équipe canadienne réussit le coup «une dizaine de fois par saison en Coupe du monde».

«Il faut se dire qu'on ne peut pas rater toutes les courses une après l'autre. À un moment donné, ça va tomber de notre bord», a lancé l'athlète de Saint-Ferréol-les-Neiges.