Chose promise, chose due! Comme je l'avais dit après ma cinquième place aux Jeux olympiques de Vancouver, je suis de retour cette année pour une dernière saison sur le circuit de la Coupe du monde de ski acrobatique et c'est avec un grand plaisir que je renoue avec vous, chers lecteurs du RDS.ca.

Plusieurs raisons ont motivé ma décision de prolonger ma carrière d'une année plutôt que de me retirer au sommet de la gloire, si on veut, après l'une de mes meilleures performances à vie.

Comme je l'ai toujours dit, mon sport bénéficie d'une visibilité sans précédent en ce moment et je veux lui redonner à ma façon pour tout ce qu'il m'a apporté depuis que j'ai commencé à le pratiquer. Je le dois notamment aux commanditaires de l'équipe nationale, qui ont tout avantage à ce que notre groupe récolte de bons résultats.

Je vous donne l'exemple de l'Américain Jonny Mosley, qui s'est effacé après sa médaille d'or aux Jeux olympiques de Nagano en 1998. C'est tout s'il n'a pas craché sur son sport, profitant des bénéfices de son triomphe et laissant tout le reste derrière lui. À l'époque, ça a été un dur coup pour le ski de bosses, qui ne l'a toujours pas facile aux États-Unis. Je ne voulais pas faire la même chose que lui.

C'est aussi pour les jeunes de notre équipe que je reste dans le portrait. Vous savez, il y a un paquet de petits trucs que j'ai toujours gardés pour moi et que j'ai aujourd'hui le goût de partager. Quand on s'est tous retrouvés pour le début du camp d'entraînement, j'ai pris tous les membres de l'équipe masculine (en plus de Béatrice Bilodeau, la sœur d'Alexandre, qui s'entraîne avec nous puisqu'elle partage le même entraîneur que son frère) et je les ai coachés pendant une journée.

J'ai servi à tout le monde un discours de motivation de mon cru. Je leur ai raconté tout ce qui s'était passé dans ma vie. J'ai fait l'énumération des aspects techniques et mentaux de ma préparation qui ont fait que j'ai toujours su me sortir des situations fâcheuses dans lesquelles je me suis retrouvé. Je leur ai expliqué pourquoi j'ai eu du succès et pourquoi eux aussi allaient en avoir. J'ai voulu leur donner tous les outils pour qu'ils puissent affronter les grands rendez-vous et être capables de livrer une grosse performance quand ça compte vraiment.

Bref, je me suis occupé d'eux et depuis, ils sont en feu! Si je me fie sur ce que les entraîneurs me disent, mon message a touché la cible. Les coachs me disent qu'ils voient une énorme différence dans l'attitude des jeunes depuis que je leur ai parlé. Ils sont contents, parce qu'ils peuvent toujours faire référence à ce que j'ai dit quand un gars connaît une moins bonne journée.

C'était important pour moi d'embrasser sans retenue ce rôle de grand frère avant de laisser ma place pour de bon. Quand je suis arrivé sur l'équipe nationale, Jean-Luc Brassard m'a pris sous son aile. J'ai eu la chance de le côtoyer pendant cinq saisons de Coupe du monde et ça a été très formateur pour moi. Il était toujours là pour m'aider et répondre à mes questions, ou je pouvais simplement le regarder aller.

Je considère que j'ai toujours été là pour mes coéquipiers, mais aujourd'hui c'est plus facile pour moi de le faire plus agressivement, plus librement. Oui, je veux être compétitif et tirer mon épingle du jeu cet hiver, mais je suis aussi bien conscient que ma carrière est finie. Je me dédie donc à aider les autres et je m'implique à fond!

Du réconfort à Zermatt

J'avoue que lorsqu'est venu le temps de faire mes valises pour le début du camp d'entraînement, je n'avais pas toute la tête au ski acrobatique. Mais ce sport est tellement inculqué profondément en-dedans de moi, il fait partie de moi... Mes muscles, ma mémoire, mon corps sont conditionnés à répéter les mêmes mouvements depuis des années. Je n'ai même plus besoin d'y penser, ça se fait tout seul.

Alors dès que je suis arrivé à Whistler, ça s'est bien déroulé. Ensuite, au début octobre, on s'est envolé pour Zermatt, en Suisse, pour skier dans la vraie neige, les vraies bosses. Zermatt est toujours le lieu de mes entraînements les plus importants avant la saison. Les meilleurs skieurs y sont, le début de la saison est proche et c'est là qu'on peut vraiment se comparer, pour savoir où on en est.

Ma première journée là-bas a été satisfaisante, mais les deux suivantes ont tout simplement été excellentes. C'était le début du camp et j'étais déjà capable de faire de superbes performances. Ça m'a rassuré, je me suis dit que tout allait bien aller, finalement...

Mon entraîneur, Rob Kober, trouvait que ça n'avait aucun bon sens. Il était impressionné par ma façon de skier, mais il m'a dit : « Tu sais Pierre-Alexandre, il n'y a plus rien qui me surprend avec toi! » C'est un beau compliment!

Notre saison débute officiellement le 11 décembre à Ruka, dans le nord de la Finlande. Là-bas, c'est la noirceur permanente, le soleil ne se lève point! Comme c'est dans les montagnes et qu'elles sont la plupart du temps enveloppées dans la brume, on ne voit souvent absolument rien. C'est comme du ski de soirée, mais en plein jour! Le plus difficile, c'est d'être privés de l'énergie que nous procure les rayons du soleil.

Alexandre avait décidé de prendre l'avion aujourd'hui. Moi, je me rendrai seulement là-bas jeudi prochain. Je veux être là le moins longtemps possible!

Notre début de saison est assez fou cette année! C'est de loin le calendrier le plus difficile que j'ai connu depuis le début de ma carrière au niveau du voyagement. Nos trois premières épreuves seront disputées entre le 11 et le 21 décembre. Après la Finlande, on se rendra à Méribel, en France, avant de prendre la direction de la Chine. Ça n'a vraiment pas de bon sens!

Des dates importantes à mon calendrier

Comme il s'agira de ma tournée d'adieu sur le circuit de la Coupe du monde, Méribel promet d'être un arrêt assez émotif pour moi. Là-bas, les gens me considèrent pratiquement comme un des leurs. Quand je descends, l'animateur de piste me présente presque comme un Français et les partisans sont vraiment derrière moi.

C'est toujours vraiment le fun. En plus, c'est un endroit où je retourne à chaque été pour aller voir mes amis en Europe. Ça va être vraiment spécial d'y être en tant que compétiteur pour la dernière fois.

Il y a Deer Valley, site des championnats du monde, qui sera aussi un arrêt spécial. C'est la piste des Jeux olympiques de 2002, la piste la plus noble et la plus belle au monde. L'an passé, il y avait presque autant de spectateurs pour l'épreuve de Deer Valley que pour celle des Jeux de Vancouver. C'était épouvantable la marée de monde...

Et il y aura aussi bien sûr la dernière fois au Mont-Gabriel. Ça va être difficile. Je ne fais qu'en parler et j'ai presque le moton, alors je m'imagine difficilement ce que ça va être quand je serai rendu à le vivre.

Si je pouvais m'offrir un cadeau pour ma dernière saison, je crois que je me donnerais une médaille au championnat du monde. L'or ou l'argent, ce serait bien, mais je prendrais volontiers celle de bronze, parce que c'est la seule que je n'ai pas!

Je rêve aussi d'un triplé canadien avec Alex Bilodeau et Mikaël Kingsbury. Et dans un monde idéal, on réussirait ce triplé... au championnat du monde! Si on fait ça, je vous jure que j'accroche mes skis sur le champ!

Une équipe plus jeune

Notre équipe montrera un visage assez différent cette saison. Notre vedette Alex Bilodeau est de retour, ce qui est fantastique, mais on a perdu deux gros morceaux quand Vincent Marquis et Maxime Gingras ont décidé de tourner la page sur leur carrière de skieurs.

La saison est encore jeune, mais ça fait vraiment bizarre de ne plus avoir ces deux gars-là dans l'entourage de l'équipe. Maxime était mon camarade de chambre depuis 2007. J'étais triste de ne pas l'avoir à mes côtés à Zermatt. Vincent, lui, m'a justement appelé hier pour m'inviter à la Coupe Vanier. On est resté très proches.

Mais ne vous en faites pas, il reste quand même du bon stock au sein de notre équipe! Les jeunes qui poussent sont vraiment ultra talentueux. Cédric Rochon est là et il y a aussi Simon Pouliot-Kavanagh, un petit nouveau. Il vient du Mont-Ste-Anne, la montagne de mon enfance. C'est un jeune très intelligent.

Celui qui fait le plus jaser, par contre, est Kingsbury. J'ai d'ailleurs dit dans de récentes entrevues qu'il était le meilleur athlète à arriver dans notre sport.

Mikaël n'a pas innové comme Alex l'avait fait à son arrivée sur la scène mondiale. À ses débuts, Alex faisait deux sauts que personne d'autre n'était capable de faire. Tout le monde fait ces sauts aujourd'hui, mais à l'époque, c'était vraiment quelque chose.

Donc, Mikaël n'a rien inventé, mais la qualité de ce qu'il fait au niveau des sauts est incroyable. En vitesse, il s'approche des temps d'Alex et moi et mentalement, il est vraiment prêt. Il est là, il fait tout pour les bonnes raisons et il a la tête bien droite.

Si vous l'avez vu à la télévision, vous avez peut-être trouvé qu'il avait moins de charisme qu'un Alex Bilodeau, mais je crois que c'est davantage par respect qu'il se montre plus réservé dans les médias. Il prend la place qu'il pense mériter à ce stade de sa carrière. Pour moi, c'est un signe d'intelligence.

La prochaine saison promet mes amis! Je vous redonne des nouvelles après les premières courses dans quelques semaines.

*Propos recueillis par Nicolas Landry.