L'ascension cahoteuse de Bilodeau
Ski mardi, 17 févr. 2009. 13:37 vendredi, 13 déc. 2024. 19:37
Alexandre Bilodeau est au ski acrobatique ce que Sidney Crosby est au hockey; un prodige. Les deux ont fait leurs débuts à 18 ans parmi l'élite. Ils ont atteint l'étape ultime de leur profession (Jeux olympiques et finale de la Coupe Stanley) sans toutefois enlever les prestigieux honneurs.
Bilodeau est présentement l'homme à battre en ski acrobatique. Même s'il était destiné à atteindre le sommet, la route pour s'y rendre a été parsemée d'embûches. Des obstacles qui, parfois, avaient des allures d'Everest. Pas facile de composer avec un talent immense.
Les débuts
Alexandre Bilodeau vient de remporter trois coupes du monde consécutives. Le dernier canadien à avoir réussi l'exploit était un certain Jean-Luc Brassard en 1996. Tout n'a pas été rose pour Bilodeau qui a goûté rapidement au succès.
Retour dans le temps. Saison 2005-2006. Alexandre Bilodeau fait son entrée sur le circuit de la Coupe du Monde. Le compte à rebours pour la qualification olympique est commencé.
« Tout est allé vite, trop vite », se rappelle Bilodeau au bout du fil directement de Norvège. « J'avais besoin de résultats pour les Jeux olympiques », ajoute celui qui allait connaître la victoire après seulement trois coupes du Monde au compteur; une victoire devant les siens au Mont-Gabriel par surcroît. Les médias s'enflamment, Bilodeau se laisse emporter par la vague. « Je suis passé du circuit Nor-Am aux Jeux olympiques de Turin en l'espace de 9 courses. C'était fou! »
Puis vinrent les Jeux olympiques. « J'étais là pour gagner. Tout a changé lorsque j'ai mis la main sur la neige à mon atterrissage de mon dernier saut. Ce fut le moment où je me suis rendu compte ce que c'était les Jeux olympiques. J'étais en état de choc », soutient Bilodeau.
J'étais en bas de la piste de bosses à Turin. Je me souviens d'un jeune homme de 18 ans, complètement abattu, à courts de mots dans la zone d'entrevue. « Ce moment où je donne des entrevues après ma course, moi je ne m'en souviens presque plus C'était le vide total », raconte Bilodeau.
« Lorsque tu arrives comme un cheveu sur la soupe (2006 dans son cas) tu ne te rends même pas compte de ce qui se passe. », avance l'entraîneur de Bilodeau, Dominick Gauthier. « Même s'il y avait beaucoup d'attentes, il y avait moins de pression de performer. Ensuite, tout le monde disait qu'il allait dominer et est venu avec cela la distraction de penser aux résultats plutôt qu'à la tâche. »
« Parfois, ça prend une claque pour se réveiller. Je l'ai eue à Turin, cette claque toute une claque », ajoute Bilodeau.
La descente aux enfers
Les deux saisons qui ont suivi les Jeux olympiques ont été difficiles pour Bilodeau. Les victoires n'étaient plus au rendez-vous mais il est parvenu à terminer 3e (2007) et 4e (2008) au classement général de la Coupe du Monde.
« Tous les autres membres de l'équipe auraient célébré ce genre de saison. Pour Alex, le potentiel était d'être numéro 1 donc #2 ou trois ce n'est pas satisfaisant... », explique Dominick Gauthier. « Comme Jennifer Heil, Alex est un athlète qui ne se contente pas de peu. Ils veulent toujours plus et c'est ce qui fait qu'ils sont des champions. Voilà pourquoi les saisons 2007 et 2008 ont été vécues un peu comme un échec pour Alex. », ajoute-t-il.
Bilodeau soutient que c'est lors de la dernière épreuve de la saison 2008 à Valmalenco en Italie qu'il a touché le fond du baril. « Je devais terminer 8e pour demeurer au 3e rang du classement général. Une formalité en fait. Finalement, j'ai pris le 14e rang. Une véritable gifle. »
L'expérience d'un Omischl
Quelques jours après sa grande déception à Valmalenco, Bilodeau se souvient d'une discussion avec son coéquipier, le sauteur Steve Omischl.
« Nous étions à un match de soccer impliquant l'AC Milan et le partage des billets a voulu que nous soyons assis ensemble. Même si je venais de me planter quelques jours auparavant, on a eu une bonne discussion. Il m'a fait comprendre que je devais reproduire en compétition ce que je fais si bien à l'entraînement. », se souvient Bilodeau.
Alexandre peut également bénéficier de l'aide de Jennifer Heil, « une légende », selon lui. Avec Dominick Gauthier (le copain de Jennifer), il forme un triangle, professionnel, des plus performants.
Un psy à l'écoute
« Après les Jeux olympiques, je ne croyais pas en la psychologie sportive. Écoutes, j'ai terminé 2e au classement général de la Coupe du monde et ma seule erreur avait été de poser la main sur la neige aux Olympiques. Je me disais que je ne devais pas répéter cette erreur quatre ans plus tard et le tour était joué », admet-il.
Jeune homme équilibré, Bilodeau s'est toutefois ouvert davantage aux enseignements du réputé psychologue sportif, Wayne Halliwell avec qui il travaille depuis 2006.
« Il m'a fait comprendre que le ski est ce que je fais et non ce que je suis. Au début de ma carrière, je pensais ski, je dormais ski, je mangeais ski », image-t-il. « J'ai maintenant d'autres choses dans ma vie que le ski. Je me suis acheté un condo à Montréal près du Centre Bell et je profite de la vie. »
« Avec Wayne, j'ai réussi à mettre de l'ordre là dedans et aujourd'hui les résultats sont là. »
Neuro biofeedback
En français, biorétroactiomètre. Outre la psychologie sportive, Bilodeau a également tâté du biorétroactiomètre « pour apprendre à contrôler son corps et émotions ».
Alex, ça mange quoi en hiver? Il m'a parlé d'électrodes, que ça permet de mieux se connaître. Je suis allé sur la grande toile pour une définition plus précise.
« Le Biofeedback thérapeutique est un ensemble de procédés de laboratoire qui fait appel aux systèmes et aux organes du corps humain. Des mesures effectuées sur le corps aident le sujet à prendre conscience des réalités physiologiques. En utilisant les signaux de leur propre corps, des malades voire des personnes en bonne santé peuvent développer une meilleure conscience et un contrôle volontaire plus efficace de leurs processus physiologiques. Ainsi, les sujets peuvent être formés à modifier l'activité du cerveau, la pression artérielle, les tensions musculaires, le rythme cardiaque et d'autres fonctions corporelles qui ne sont pas contrôlées volontairement. »
En plus d'être un excellent bosseur, Bilodeau deviendra assurément un excellent psychanalyste.
Le boss des bosses
Après sa 3e victoire consécutive, le quotidien La Presse a titré « Le nouveau boss des bosses » en référence à ses exploits.
« C'est flatteur oui et non Je ne veux pas et je ne peux pas me comparer à Jean-Luc Brassard. Il a tellement fait pour le sport et remporté tellement d'honneur, tellement de globe de cristal. Peut-être que moi aussi, j'en aurai un » Oups! Bilodeau mentionne pour la première fois le premier globe de cristal qu'il est en voie de conquérir cette année. Son entraîneur, Gauthier, m'avait pourtant spécifié qu'il ne m'en parlerait pas
Bilodeau pourrait donc devenir le premier bosseur canadien depuis Jean-Luc Brassard à mettre la main sur le globe de cristal. Bien plus que le résultat sur la neige, c'est toute la volonté, la persévérance et le désir de se sortir de ce marasme qui seront récompensés par ce grand honneur
Anecdote
Coupe du Monde de ski acrobatique en 2002 ou 2003 à Tremblant. Un jeune sauteur agit comme « ouvreur de piste ». Il a 14-15 ans. Dans la zone d'entrevues, Nicolas Fontaine me dit que ce jeune homme sera à surveiller dans le futur. Après les remerciements d'usage à la suite de cette information, je me dis qu'on en parlera bien assez plus tard, SI c'est vraiment LA vedette à venir. Comme on dit : cause toujours mon Nic, on en reparlera en temps et lieu. Nicolas me parlait d'Alexandre Bilodeau. Je m'en mords encore les doigts aujourd'hui. Maintenant, je bois les paroles de Fontaine (sans jeux de mots) chaque fois qu'il me parle d'un prospect.
Bilodeau est présentement l'homme à battre en ski acrobatique. Même s'il était destiné à atteindre le sommet, la route pour s'y rendre a été parsemée d'embûches. Des obstacles qui, parfois, avaient des allures d'Everest. Pas facile de composer avec un talent immense.
Les débuts
Alexandre Bilodeau vient de remporter trois coupes du monde consécutives. Le dernier canadien à avoir réussi l'exploit était un certain Jean-Luc Brassard en 1996. Tout n'a pas été rose pour Bilodeau qui a goûté rapidement au succès.
Retour dans le temps. Saison 2005-2006. Alexandre Bilodeau fait son entrée sur le circuit de la Coupe du Monde. Le compte à rebours pour la qualification olympique est commencé.
« Tout est allé vite, trop vite », se rappelle Bilodeau au bout du fil directement de Norvège. « J'avais besoin de résultats pour les Jeux olympiques », ajoute celui qui allait connaître la victoire après seulement trois coupes du Monde au compteur; une victoire devant les siens au Mont-Gabriel par surcroît. Les médias s'enflamment, Bilodeau se laisse emporter par la vague. « Je suis passé du circuit Nor-Am aux Jeux olympiques de Turin en l'espace de 9 courses. C'était fou! »
Puis vinrent les Jeux olympiques. « J'étais là pour gagner. Tout a changé lorsque j'ai mis la main sur la neige à mon atterrissage de mon dernier saut. Ce fut le moment où je me suis rendu compte ce que c'était les Jeux olympiques. J'étais en état de choc », soutient Bilodeau.
J'étais en bas de la piste de bosses à Turin. Je me souviens d'un jeune homme de 18 ans, complètement abattu, à courts de mots dans la zone d'entrevue. « Ce moment où je donne des entrevues après ma course, moi je ne m'en souviens presque plus C'était le vide total », raconte Bilodeau.
« Lorsque tu arrives comme un cheveu sur la soupe (2006 dans son cas) tu ne te rends même pas compte de ce qui se passe. », avance l'entraîneur de Bilodeau, Dominick Gauthier. « Même s'il y avait beaucoup d'attentes, il y avait moins de pression de performer. Ensuite, tout le monde disait qu'il allait dominer et est venu avec cela la distraction de penser aux résultats plutôt qu'à la tâche. »
« Parfois, ça prend une claque pour se réveiller. Je l'ai eue à Turin, cette claque toute une claque », ajoute Bilodeau.
La descente aux enfers
Les deux saisons qui ont suivi les Jeux olympiques ont été difficiles pour Bilodeau. Les victoires n'étaient plus au rendez-vous mais il est parvenu à terminer 3e (2007) et 4e (2008) au classement général de la Coupe du Monde.
« Tous les autres membres de l'équipe auraient célébré ce genre de saison. Pour Alex, le potentiel était d'être numéro 1 donc #2 ou trois ce n'est pas satisfaisant... », explique Dominick Gauthier. « Comme Jennifer Heil, Alex est un athlète qui ne se contente pas de peu. Ils veulent toujours plus et c'est ce qui fait qu'ils sont des champions. Voilà pourquoi les saisons 2007 et 2008 ont été vécues un peu comme un échec pour Alex. », ajoute-t-il.
Bilodeau soutient que c'est lors de la dernière épreuve de la saison 2008 à Valmalenco en Italie qu'il a touché le fond du baril. « Je devais terminer 8e pour demeurer au 3e rang du classement général. Une formalité en fait. Finalement, j'ai pris le 14e rang. Une véritable gifle. »
L'expérience d'un Omischl
Quelques jours après sa grande déception à Valmalenco, Bilodeau se souvient d'une discussion avec son coéquipier, le sauteur Steve Omischl.
« Nous étions à un match de soccer impliquant l'AC Milan et le partage des billets a voulu que nous soyons assis ensemble. Même si je venais de me planter quelques jours auparavant, on a eu une bonne discussion. Il m'a fait comprendre que je devais reproduire en compétition ce que je fais si bien à l'entraînement. », se souvient Bilodeau.
Alexandre peut également bénéficier de l'aide de Jennifer Heil, « une légende », selon lui. Avec Dominick Gauthier (le copain de Jennifer), il forme un triangle, professionnel, des plus performants.
Un psy à l'écoute
« Après les Jeux olympiques, je ne croyais pas en la psychologie sportive. Écoutes, j'ai terminé 2e au classement général de la Coupe du monde et ma seule erreur avait été de poser la main sur la neige aux Olympiques. Je me disais que je ne devais pas répéter cette erreur quatre ans plus tard et le tour était joué », admet-il.
Jeune homme équilibré, Bilodeau s'est toutefois ouvert davantage aux enseignements du réputé psychologue sportif, Wayne Halliwell avec qui il travaille depuis 2006.
« Il m'a fait comprendre que le ski est ce que je fais et non ce que je suis. Au début de ma carrière, je pensais ski, je dormais ski, je mangeais ski », image-t-il. « J'ai maintenant d'autres choses dans ma vie que le ski. Je me suis acheté un condo à Montréal près du Centre Bell et je profite de la vie. »
« Avec Wayne, j'ai réussi à mettre de l'ordre là dedans et aujourd'hui les résultats sont là. »
Neuro biofeedback
En français, biorétroactiomètre. Outre la psychologie sportive, Bilodeau a également tâté du biorétroactiomètre « pour apprendre à contrôler son corps et émotions ».
Alex, ça mange quoi en hiver? Il m'a parlé d'électrodes, que ça permet de mieux se connaître. Je suis allé sur la grande toile pour une définition plus précise.
« Le Biofeedback thérapeutique est un ensemble de procédés de laboratoire qui fait appel aux systèmes et aux organes du corps humain. Des mesures effectuées sur le corps aident le sujet à prendre conscience des réalités physiologiques. En utilisant les signaux de leur propre corps, des malades voire des personnes en bonne santé peuvent développer une meilleure conscience et un contrôle volontaire plus efficace de leurs processus physiologiques. Ainsi, les sujets peuvent être formés à modifier l'activité du cerveau, la pression artérielle, les tensions musculaires, le rythme cardiaque et d'autres fonctions corporelles qui ne sont pas contrôlées volontairement. »
En plus d'être un excellent bosseur, Bilodeau deviendra assurément un excellent psychanalyste.
Le boss des bosses
Après sa 3e victoire consécutive, le quotidien La Presse a titré « Le nouveau boss des bosses » en référence à ses exploits.
« C'est flatteur oui et non Je ne veux pas et je ne peux pas me comparer à Jean-Luc Brassard. Il a tellement fait pour le sport et remporté tellement d'honneur, tellement de globe de cristal. Peut-être que moi aussi, j'en aurai un » Oups! Bilodeau mentionne pour la première fois le premier globe de cristal qu'il est en voie de conquérir cette année. Son entraîneur, Gauthier, m'avait pourtant spécifié qu'il ne m'en parlerait pas
Bilodeau pourrait donc devenir le premier bosseur canadien depuis Jean-Luc Brassard à mettre la main sur le globe de cristal. Bien plus que le résultat sur la neige, c'est toute la volonté, la persévérance et le désir de se sortir de ce marasme qui seront récompensés par ce grand honneur
Anecdote
Coupe du Monde de ski acrobatique en 2002 ou 2003 à Tremblant. Un jeune sauteur agit comme « ouvreur de piste ». Il a 14-15 ans. Dans la zone d'entrevues, Nicolas Fontaine me dit que ce jeune homme sera à surveiller dans le futur. Après les remerciements d'usage à la suite de cette information, je me dis qu'on en parlera bien assez plus tard, SI c'est vraiment LA vedette à venir. Comme on dit : cause toujours mon Nic, on en reparlera en temps et lieu. Nicolas me parlait d'Alexandre Bilodeau. Je m'en mords encore les doigts aujourd'hui. Maintenant, je bois les paroles de Fontaine (sans jeux de mots) chaque fois qu'il me parle d'un prospect.