À Vancouver, j'ai ressenti un feeling incroyable en réussissant exactement la descente que je voulais exécuter. Je suis vraiment, mais vraiment satisfait de ma performance et à partir de ce moment ma position au classement (5e) ne revêt que bien peu d'importance.

Quand j'ai passé la ligne d'arrivée, j'étais comme « Oh my god! quessé que j'viens de faire là? » C'est le plus beau moment de ma vie.

J'ai fait la meilleure descente que j'aurais pu faire et, si c'était à refaire, il n'y a absolument rien que je changerais à ces 23 secondes et 88 centièmes que j'ai passés dans les bosses. Ça s'est passé tout juste comme la visualisation de la veille que j'ai terminé à 2 h 30 du matin seulement lorsque je la trouvais parfaite d'un bout à l'autre.

J'ai exécuté mon plan exactement comme je le voulais et je crois pouvoir affirmer que c'était la première fois de ma carrière, peut-être la deuxième, que ça m'arrivait de croiser le fil d'arrivé et d'être convaincu à 100 % que je n'avais rien fait de mal dans toute la piste.

C'est vraiment une émotion exceptionnelle en tant qu'athlète que de réussir cela, mais d'y parvenir lors de LA chance qui m'a été accordée au cours de mes 14 années de carrière, lors de ma seule occasion olympique… c'est quelque chose d'incroyable et je ne pouvais rêver de quelque chose de mieux.

En fait, ça s'est passé tout à fait comme j'avais prévu que mes Jeux allaient se passer. Me tenir en haut de la piste, devant tous ces gens qui m'encouragent et d'être capable de prendre toute la pression, de la transformer en belle énergie et faire ça. C'est comme si j'étais invincible… il n'y a rien qui pouvait m'arriver.

En fait, vous savez, je savais tellement que j'allais faire quelque chose d'extraordinaire. Comme on dit, j'étais sûr de ma shot. C'était fantastique. Ce n'est pas compliqué, je me sentais dans un état second.

Pour moi, c'est la réalisation d'un rêve qui a priori semblait assez facile à réaliser, mais qui au bout du compte a été beaucoup plus difficile à accomplir.

Le fait de ne jamais abandonner et de toujours croire en mes capacités de me rendre aussi loin et de m'accomplir dans mon sport aux Olympiques, de jamais se laisser abattre par l'adversité, c'est quelque chose qui est beaucoup plus beau pour moi maintenant que si j'avais atteint mon objectif en 2002.

C'est débile… c'est l'enfer.

Les Olympiques, c'est plus gros que tout. Malgré tout, pour moi ç'a été relativement facile de dealer avec la pression une fois rendu sur place. Parce que j'avais vu Salt Lake City en touriste, Turin en touriste, parce que j'étais vraiment prêt à ça et que j'avais gardé les choses simples en me disant « ce n'est qu'une piste de bosses ». J'ai donc pris toute l'énergie de la pression et je l'ai transformée en une performance extraordinaire.

Mon tour était venu, c'est unanime.

Honnêtement, j'ai été un peu surpris de terminer derrière Vincent (Marquis). J'ai vu sa descente d'en haut et je croyais bien avoir mieux fait que lui, mais le ski de bosses est un sport jugé et ça fait partie de la game. De toute façon, la compétition a été très bien jugée et que je finisse 4e ou 5e je n'aurais pas eu de médaille alors…

À mes yeux, de toute façon, la médaille n'est que le symbole d'un accomplissement incroyable aux Jeux et moi, médaille ou pas, ce que j'ai fait en est un accomplissement incroyable.

Je n'ai peut-être pas en ma possession ce dit symbole, mais j'ai dans mon cœur tous ces gens qui sont venus me voir et qui m'ont pleuré dans les bras pendant deux jours pour me le dire.

J'ai quelque chose que personne ne peut m'enlever. J'ai ce souvenir impérissable de tous mes chums qui sont venus me voir, ici à Vancouver, et qui m'ont dit que je leur ai fait vivre le plus beau moment de leur vie. Ça, ça n'a pas de prix.

Une descente incroyable pour le bien du sport

Quand Alex (Bilodeau) a atterri son saut du bas, je me suis dit que ça y était, qu'il venait de gagner les Jeux. Réussir un Back-Double-Full, une descente aussi vite sans faire d'erreur, puis un gros saut exceptionnel en bas, dans ma tête, c'était terminé.

C'est beau à voir et c'est vraiment bon pour notre sport. Les Olympiques sont la plus belle vitrine mondiale que notre sport peut avoir et celle-ci ne se présente que tous les quatre ans. Pour le bien de notre sport, il faut en profiter et donner le meilleur spectacle possible. C'est ce que Jean-Luc (Brassard) était parvenu à faire en 1994 et, avec sa performance, c'est tout un coup de pouce que vient de donner Alex au ski acrobatique.

Pour ma part, en faisant ma descente, je savais que je faisais découvrir mon sport à plein de monde. Je savais aussi que tous ceux qui me regardaient aimaient ce qu'ils voyaient comme quand Vincent est descendu, idem pour Maxime (Gingras).

Ce n'est rien de personnel ou encore rien de dirigé directement à la personne pour le blesser, mais on ne voulait absolument pas voir l'Australien Dale Begg-Smith gagner comme il l'avait fait à Turin.

J'aime bien Dale, c'est un chic type et on est ami, mais devant le monde entier ce n'est pas exactement le genre de personnalité que tu veux voir gagner. Il ne fait que très peu de sourires et ne donne pas d'entrevue… Que voulez-vous? C'est du Dale Begg-Smith.

Si l'on veut que notre sport gagne en popularité, ça prend une personnalité forte que les gens vont aimer et je crois qu'en Alex on est bien tombé.

Mon heure n'est pas encore venu

Mes premières compétitions remontent à 1992 et sur toutes ces années il y en a eu 14 en Coupe du monde. C'est quelque chose, mais je peux vous dire que ce ne sera quand même pas ma dernière année. J'ai l'intention de demeurer dans le sport pour le bien de celui-ci.

Les gens veulent me voir dans le milieu. Les gens veulent me voir donner un bon spectacle et je suis redevant envers toutes ces personnes.

L'année postolympique est la saison la plus difficile au niveau de la visibilité des sports d'hiver et je crois qu'ils ont besoin des athlètes de pointe qui ont bien performé aux J.O. pour le bien-être et la santé du ski acrobatique alors…

Il y a aussi mes commanditaires, depuis 1992 que Petro-T est derrière moi financièrement. Depuis 1998 que Cascades est dans l'aventure, ce n'est pas rien. Je les remercie, eux et tous mes commanditaires, vraiment d'avoir continué à croire en moi, et ce, à travers toutes les épreuves que j'ai eu à traverser.

Après l'an prochain, ce sera fini. À moins que j'embarque dans une enveloppe corporelle flambant neuve. Haha! Disons que la carrosserie a encaissé pas mal.

Pour la première fois de ma carrière, j'ai eu des maux de genoux cette année. Je me suis cassé l'omoplate et une côte l'an passé. Ça avait frappé vraiment fort. Malgré tout, j'ai quand même pu aller aux Olympiques, mais ça a été difficile de remonter la pente… plus que lorsque que je m'étais blessé au cou.

Le sport que je pratique en est un très violent dans lequel on se blesse sans tomber. Mon corps commence à avoir hâte que j'arrête de lui taper dessus.

Avant de vous quitter, j'aimerais une fois de plus dire merci à tous mes chums qui sont venus me voir et qui ont dépensé des sommes d'argent impossible pour venir ici à Vancouver. Ils sont une trentaine à avoir fait le voyage. Je remercie tout le monde qui m'a appuyé tout au long de ma carrière.

Je voulais vous faire vibrer et je crois que j'ai réussi alors…mission accomplie.

*Propos recueillis à la suite d'une entrevue réalisée par Jean-Simon Landry