La logique a été respectée. L’équipe la plus forte, la mieux rodée, celle ayant le plus de profondeur a gagné. Pour la deuxième fois de l’histoire de la Coupe du monde féminine de soccer, un même pays a pu se porter à la défense de son titre. L’Allemagne l’avait fait en 2003 et 2007, les États-Unis ont réussi l’exploit en 2015 et 2019.

L’équipe américaine a battu celles des Pays-Bas dans un match serré où l’entraîneuse néerlandaise Sarina Wiegman avait rebrassé ses cartes pour présenter, avec un onze partant très similaire à celui qui avait vaincu la Suède en demi-finale, une formation tactique pour tenir en respect les puissantes Américaines. Ce qui a fonctionné un certain temps, toute une mi-temps en fait, jusqu’au pénalty accordé aux Américaines après une heure de jeu. C’était la brèche dans la muraille, la faille qui fragilisait l’édifice et laissait présager l’effondrement. Déjà, avoir repoussé les États-Unis pendant une heure relevait de l’exploit. Aucune équipe n’avait pu résister plus de douze minutes jusque-là. Malgré tout, on ne sentait pas l’équipe de Jill Ellis inquiète. Dans leur tête et dans leur cœur, ce n’était qu’une question de temps. Dommage cependant que le premier coup d’estoc soit venu sur un pénalty...

Ce penalty décerné à Van der Gragt a changé la donne. Il y a eu un léger contact sur Alex Morgan que Van de Gragt ne pouvait voir au moment où elle a levé le pied. Et Morgan, qui a l’équilibre fragile, s’est bien sûr étalée de son long en affichant un bel air outré. Nul n’était besoin d’en rajouter. Après révision vidéo, l’arbitre Stéphanie Frappart, touche française de la finale, a accordé le pénalty transformé avec assurance par Mégan Rapinoe, éventuelle soulier et ballon d’or. Les Oranges ont alors faibli, le doute s’est insinué. Quand l’excellente Rose Lavelle a marqué le deuxième but, nettement et d’un superbe tir, moins de dix minutes plus tard, on savait que le match était plié.

C’est l’équipe la meilleure qui l’a emporté, cela ne fait aucun doute. Cependant j’aurais bien aimé que ça se fasse sans penalty, pour effacer définitivement les pensées agaçantes. Les États-Unis ont mérité leur triomphe. Leur victoire de 13-0 sur des Thaïlandaises complètement dépassées ne prouvait rien, sinon qu’elles se montreraient impitoyables, peu importe qui croiserait leur chemin. Victoire aisée sur le Chili puis dans le dernier match de groupe, victoire sur la Suède, éventuelle demi-finaliste.

En huitième de finale, elles battent l’Espagne (par deux pénalties), l’une des nations émergentes au foot féminin qui a affiché une très belle progression au cours des dernières années. Le choc avec la France a suivi en quart de finale, avec une victoire sans équivoque, même avec le but tardif de Renard. Trop peu trop tard. L’Angleterre a suivi en demi-finale, classée 3e au monde et gagnante du tournoi « She believes » en battant les Américaines chez elles. Un but refusé à l’Angleterre (pauvre Ellen White), un penalty raté par Houghton et Morgan qui marque le but vainqueur. Ce qui amenait les championnes d’Europe en titre sur leur chemin, avec le résultat qu’on connait.

Les Pays-Bas ont montré avec brio toute la progression des pays européens depuis la dernière Coupe du monde. Et aussi le chemin qu’il reste à faire. Les États-Unis ont investi dans le soccer féminin depuis plus de trois décennies et la profondeur de leur équipe, qui avait sur le banc des joueuses qui auraient été partantes n’importe où ailleurs, a fait la différence en fin de compte. Quand Rapinoe n’a pas joué à cause d’un ischio froissé en demi-finale, elles étaient plusieurs à pouvoir la remplacer. Et son absence n’a pas été dommageable à son équipe.

Ce qui agace chez les Américaines, c’est tout ce qu’il y a autour de la performance elle-même : une assurance qui frise l’arrogance, une attitude centrée sur elles-mêmes, une façon de parler haut et fort comme si elles avaient la science infuse et détenaient seules la vérité. Elles ont été beaucoup critiquées dans leur victoire de 13 à 0 sur la Thaïlande. Si l’argument de soigner la différence de but était un peu faible dans leur groupe, on ne peut demander à des athlètes de lever le pied lorsqu’elles dominent. Pas dans une Coupe du monde. Même que le faire serait manquer de respect à l’adversaire. Par contre, on peut avoir la célébration un peu plus discrète et se soucier aussi de l’honneur de l’autre. Et à la remise des prix individuels, Megan Rapinoe aurait pu se tourner vers la gardienne des Pays-Bas, Sari Van Veenendal qui venait de remporter le Gant d’or et qui avait amorcé un geste vers elle, vite réprimé devant le peu d’intérêt de la détentrice du Soulier d’or à ce moment.

Le soccer féminin a fait un grand pas dans cette édition de la Coupe du monde et son développement passe par les compétitions internationales qui constituent de formidables jalons, de grands buts à atteindre. Le tournoi olympique au Japon sera formidable. La Suède, l’Angleterre et les Pays-Bas ont reçu leur billet d’entrée grâce à leur 2e, 3e et 4e place, rejoignant le Japon, le Brésil et la Nouvelle-Zélande. Les autres qualifications auront lieu jusqu’en mars 2020. Puis il y aura l’Euro 2021 en Angleterre, certainement une motivation extraordinaire pour l’équipe hôte.

Le spectacle a été excellent, 16 matchs ont été disputés à guichet fermé, la FIFA a promis d’augmenter substantiellement les montants investis dans le développement du soccer féminin et de bonifier les primes des joueuses, tous des facteurs qui favoriseront l’augmentation de la pratique du soccer chez les filles. Elles se découvrent de plus en plus de nouvelles idoles, des joueuses inspirantes à vouloir imiter. Les Ellen White, Vivianne Miedema, Kosovare Asllani, Christine Sinclair deviennent des locomotives derrière lesquelles les jeunes joueuses voudront s’accrocher. Bon, d’accord, Megan Rapinoe aussi.

Le soccer féminin est sur la bonne voie, à nous maintenant de suivre ses traces.