Lisez la première partie du bilan de la Coupe du monde 2018

 

Samedi 30 juin. À quelques heures d’intervalle et dans un touchant ensemble d’impuissance, Lionel Messi et Cristiano Ronaldo quittent la Coupe du monde. Dès les huitièmes de finale. Leur apport n’aura été que minimal, anecdotique. Les deux meilleurs joueurs de leur génération s’en vont. Dans un relatif anonymat, d’ailleurs, Russie 2018 les créditant à peine d’un petit salut par-dessus son épaule. Finis les « super-héros » de BD, ce Mondial a consacré le retour aux super-joueurs, en chair et en os.

 

Les Joueurs

 

On a coutume de dire que deux joueurs peuvent être crédités d’avoir gagné la Coupe du monde « à eux seuls ». Garrincha, avec le Brésil en 62 et Maradona en 86. On peut éventuellement ajouter Ronaldo en 2002, pour apporter une touche plus moderne.

 

Mais cette époque et cet état d’esprit son clairement révolus. Un joueur aussi doué, aussi dominant soit-il, ne peut plus prendre une telle charge. Les trois derniers Champions (Italie, Espagne, Allemagne) sont remarquables par l’absence d’un « sur-joueur ». Oui, ils ont eu des meneurs, des figures de proue (Buffon, Cannavaro, Lahm, Puyol, Xavi ou Iniesta), ce n’est pas la même chose. Il est tout aussi clair que le « sur-joueur », le « super-héros » est désormais un enfant du football de clubs.

 

Pour la France, il est clair que Mbappé aura été le joueur autour duquel l’attention et l’admiration se sont focalisées. À juste titre : le talent et les promesses apparues il y a dix-huit mois ont éclaté aux yeux de la planète. Ultra-rapide, c’est évident, mais aussi excellent techniquement, puissant et doté en outre d’une belle vision du jeu qui va lui permettre d’éviter l’excès individuel qui guette toujours ce genre de profil. Avec lui, Pogba est devenu un vrai meneur, pas simplement « de gueule » mais dans l’exemple et un certain sens du sacrifice. En abandonnant le coté «Pogba-star» , en dépouillant son jeu et muselant son attitude, il est devenu indispensable à la réussite des Bleus.

 

Récompensé du Ballon d’Or du tournoi et désormais favori pour celui de l’année, Luka Modric obtient enfin la reconnaissance qu’il mérite, après des années passées dans l’ombre des autres phénomènes. Personne ne peut prétendre à une telle intelligence de jeu, un oeil sur tout ce qui se passe, l’autre sur ce qui va se passer. Personne, à part peut-être Rakitic, son alter ego du milieu. S’il n’y avait pas eu Modric, il est fort probable qu’Eden Hazard aurait été en haut de l’affiche. Ce tournoi a enfin démontré au monde entier toute l’étendue du talent brut d’un joueur que l’on sait depuis longtemps capable d’atteindre ce niveau et d’y demeurer année après année. Il est fort possible que ce talent puisse aller s’exprimer bientôt dans un environnement capable d’en faire le meilleur joueur d’Europe.

 

Derrière eux et dans d’autres sélections, le nombre de joueurs ayant imposé leur empreinte sur le tournoi est assez élevé : Lozano et Herrera (Mexique), Inui (Japon), Carrillo (Pérou), Golovin et Cheryshev (Russie)… parmi bien d’autres. Chez les gardiens, Courtois, Lloris (malgré sa boulette de la finale), Subasic ont été bien sûr très en vue.

 

Tout comme Halldorsson (Islande), Ochoa (Mexique), Beiranvand (Iran) ou encore Pickford (Angleterre).

 

Si la marque essentielle des joueurs de champ aura été de se fondre au sein du groupe, d’exister pour lui et non l’inverse, celle des gardiens aura plutôt été… d’essayer de passer inaperçu. Rarement tournoi aura connu autant de gaffes, coûteuses, calamiteuses ou tout simplement incompréhensibles: de Caballero à Muslera, Lloris, De Gea ou encore Kawashima, l’année 2018 est une cuvée aigre pour les gardiens (pas seulement au Mondial).

 

Chez les buteurs (pas les marqueurs, mais les joueurs «investis» de ce rôle), Kane remporte le Soulier d’Or. Essentiellement pour sa production face à la Tunisie et au Panama. Ça laisse un peu sur sa faim, d’autant qu’il a bien disparu au moment essentiel (à partir des quarts). Mention plus qu’honorable à Griezmann, attaquant à vraiment tout faire des Bleus, Lukaku (lui aussi impressionnant et totalement dévoué au succès collectif), Cavani (et la perle offerte face au Portugal), Ronaldo (et son entrée fracassante face à l’Espagne) ou Mandzukic.

 

Le Jeu

 

Le duel annoncé entre 3-5-2 et 4-2-3-1 / 4-3-3 n’a pas vraiment donné de vainqueur. Des quatre demi-finalistes, deux sont rigoureusement demeurés fidèles à une défense à quatre, les deux autres ayant fonctionné avec trois.

 

Système X ou Y,  le but final demeure identique à savoir «comment empêcher l’adversaire de prendre le contrôle du milieu», la zone cruciale tant avec que sans le ballon.

 

Deux principes prédominent: la nécessité d’obtenir un surnombre au centre du terrain et le besoin de créer un espace. Les deux peuvent se conjuguer, comme la Croatie l’a montré face à l’Argentine. L’autre option est de retrouver les espaces sur les ailes, le retour aux latéraux très offensifs (Belgique). Une option qui permet d’éviter l’étranglement au milieu et de limiter les risques de contres (moins efficaces à partir d’un coté que de l’axe). Ouvrir l’espace, l’élément essentiel du jeu, c’est aussi amener son petit frère, le déséquilibre.

 

Ah, l’équilibre! On en a tellement entendu parler durant un mois. LE mot de ce Mondial. Une belle idée… qui a malheureusement justifié trop souvent un manque de prise de risques, «pour ne pas perturber l’équilibre », « pour conserver l’équilibre ». Ainsi répété, ça sonne un peu comme « budget d’austérité ».

 

Un autre élément devenu récurrent est l’utilisation des joueurs « dans le rôle qu’ils tiennent en club ». De nombreux sélectionneur ont ainsi cherché à intégrer les caractéristiques de leurs joueurs selon leur utilisation à l’année longue: il y a du sens, surtout avec une préparation limitée, à installer les joueurs dans un système « automatique » où ils ont aussitôt leurs repères. Ça fonctionne pour un ou deux joueurs par équipe, dans des utilisations spécifiques. Pas pour une demi-douzaine, nécessitant des bricolages et des « fausses utilisations ».

 

Certaines sélections sont demeurées cependant fidèles à leurs principes, leur identité, mettant en exergue un style, un système auquel tous les joueurs d’une sélection peuvent se reconnaitre: ce fut le cas du Pérou, de la Colombie, du Japon, du Maroc, du Sénégal, de l’Uruguay ou encore du Mexique. En règle générale, ces équipes ont apporté un jeu « naturel », allant de soi et de qualités inhérentes. Mention spéciale pour la Russie qui semble s’être découverte de match en match et n’a cessé de progresser (même le non-match contre l’Espagne a été l’occasion d’en apprendre sur elle-même), le point culminant étant l’excellent quart face aux Croates.

 

Le VAR

 

Un dernier mot sur le Croquemitaine du Mondial. Ah, on a bien essayé de nous faire peur avec durant les semaines qui ont précédé. Au bout du compte, son utilité a été démontrée de façon assez convaincante, sans drame excessif.

 

Sans perte de temps. Sans aller à l’encontre du jeu et de sa nature. Et sans que son utilité n’ait été abusée.

 

Il a même semblé qu’à l’arrivée des matchs à élimination, les arbitres en ont moins usé. Peut-être comme pour réaffirmer leur autorité et bien faire comprendre que l’outil ne dépasserait jamais l’artisan.

 

Il y a sans doute eu de légers dérapages (peut-être en finale en particulier), mais rien qui ne puisse faire hurler au scandale, et certainement moins que des situations SANS VAR auparavant…

 

Il est certain que le VAR est appelé à rester. Par sa nature et les moyens demandés, il ne peut être utilisé que dans un nombre très limité de compétitions (attendons d’ailleurs de voir si la FIFA l’appliquera dans un an en France pour le Mondial féminin - ça nous en dira un peu plus sur la valeur qu’il porte à ses « autres compétitions »). Ce qui veut clairement dire qu’une aide aux arbitres est toujours aussi nécessaire, partout et en toutes compétitions et que celle-ci ne peut pas venir QUE de la technologie. Et qu’un vaste chantier de dépoussiérage des règles est toujours en attente.

 

Et pourtant urgent…

 

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