DOHA, Qatar - Des hommes entassés tous ensemble, par dizaines dans une chambre, sur des lits de camp si cordés qu'ils peuvent s'étirer le bras et serrer la main de leur collègue.

Le Qatar, sur papier du moins, a établi des normes qui interdisent des conditions de vie aussi précaires pour l'importante main d'oeuvre de travailleurs immigrants. Néanmoins, c'est dans ces conditions que la société de transport collectif, qui sera utilisée par ce pays du golfe persique pour transporter les touristes lors de la Coupe du monde de football de 2022, loge certains de ses employés.

Tandis que le Qatar emploie des milliers d'immigrants pour bâtir ses stades et organiser cette fête du football, des cas d'abus sont répertoriés par Amnistie Internationale, 'Human Rights Watch' et d'autres organismes qui ont inscrit le nom de ce pays sur une liste noire et estimés les préparatifs à 160 milliards $.

Des centaines de travailleurs sont décédés, dont plusieurs d'entre eux d'une crise cardiaque, ce qui a suscité les préoccupations des organismes qui considèrent qu'ils sont exploités dans des conditions désertiques extrêmes. Dans un rapport d'enquête accablant diffusé en avril, le conseiller spécial de l'ONU spécialisé dans les droits des travailleurs, François Crépeau, a déclaré "que des preuves anecdotiques démontrent que trop de jeunes hommes retournent dans leur pays dans un cercueil".

Les problèmes, a appris l'Associated Press, vont au-delà du secteur de la construction.

Les locaux d'hébergement pour les chauffeurs d'autobus et de taxis turquoises du Qatar sont une enceinte fortifiée dans la zone industrielle de Doha, la capitale. Les carcasses poussiéreuses de vieux autobus brûlés et de taxis abandonnés reposent sur un terrain vague et contrastent avec les centres commerciaux de luxe et les gratte-ciels brillants situés un peu plus loin, au centre-ville de Doha.

Dans un des dortoirs, qui devait initialement être aménagé comme salle de loisirs pour les chauffeurs avec notamment une table de ping-pong, l'AP a observé une vingtaine de lits de camp cordés en trois rangées serrées.

Cette situation devait être temporaire, mais les chauffeurs ont indiqué qu'ils dormaient là depuis des mois. Sans casier privé, ils accrochent leurs vêtements et leurs serviettes sur l'armature de leur lit respectif. Dans un coin, un homme en rase un autre. Les chauffeurs ont indiqué qu'ils étaient une trentaine à habiter là, et que des situations semblables prévalaient dans d'autres enceintes que l'AP n'a pas visité.

Même chez les travailleurs assignés à la construction des stades, les conditions ne sont pas les mêmes pour tous. Un gardien de sécurité kényan s'est plaint à l'AP que six hommes dormaient dans la même chambre, sur des lits de camp. Les dirigeants du Comité suprême ont rétorqué qu'il n'était pas embauché par eux, mais par un sous-contractant.

« Mettre en place des normes de travail du tiers-monde, ce dont ils parlent ici, ne constitue pas un bel héritage », a commenté Nicholas McGeehan, un chercheur du Moyen-Orient pour « Human Rights Watch ».

« Je ne crois pas que nous devrions accepter ça, a-t-il ajouté. C'est O.K. de protéger les travailleurs de la Coupe du monde, mais ce n'est pas O.K. de protéger les chauffeurs d'autobus? Les chauffeurs de taxis? Les responsables de la sécurité? Ils ne méritent pas les mêmes conditions? »