A domicile ou en transit permanent, avec ou sans supporters, sous des températures clémentes ou caniculaires, les 24 équipes engagées dans cet Euro éparpillé étaient loin d'être logées à la même enseigne. Les grands gagnants? Les demi-finalistes... et le débat sur l'équité sportive.

En lançant dès 2012 l'idée d'un tournoi paneuropéen, pour fêter les 60 ans de l'épreuve, Michel Platini avait pris tout le monde à contre-pied. Son idée? « Ne pas obliger des pays à construire des stades, des autoroutes ou des aéroports alors qu'on est plutôt dans un monde en crise ».

Ce que le président de l'UEFA d'alors n'avait pas anticipé, en revanche, c'est la différence de traitement que cela entraînerait entre les équipes évoluant chez elle (neuf au total), du moins au premier tour, et celles obligées d'enchaîner les déplacements éreintants, sans camp de base fixe ni grand soutien de leurs supporters, empêchés pour certains de circuler en ces temps de pandémie.

A titre d'exemple, la Suisse a débuté son tournoi contre le pays de Galles à Bakou, avant de filer à Rome pour défier l'Italie, puis de retourner en Azerbaïdjan, à plus de 3 000 kilomètres de là à vol d'oiseau. Forcément, les hommes de Vladimir Petkovic y ont laissé des plumes.

« Demain, ce sera la quatrième fois que nous changerons de fuseau horaire. Ce n'est pas super au niveau de la préparation », avait déclaré le sélectionneur de la Nati à l'issue de la phase de groupes.

Rythme biologique

Et d'embrayer: « On a beaucoup voyagé, on se déplace souvent et il a fallu à chaque fois adapter le rythme biologique des joueurs. Moi, je veux les féliciter d'avoir fait preuve de tant de flexibilité, car personne ne s'est plaint. D'ailleurs, vous, les journalistes, vous n'en avez pas beaucoup parlé, je trouve ».

Loin de se trouver des excuses, Petkovic a même estimé que ses joueurs avaient montré « plus d'énergie, peut-être un peu plus que la France même » lors du huitième de finale remporté à Bucarest contre les champions du monde, arrivés épuisés de Hongrie où ils ont joué sous de très fortes chaleurs.

Le terminus des Suisses est finalement intervenu à Saint-Pétersbourg en quart, contre une équipe d'Espagne qui a disputé tout son premier tour à Séville, avant d'éliminer la Croatie à Copenhague.

La « Roja » a pu bénéficier d'une entame de tournoi chez elle, devant son public, comme les trois autres demi-finalistes: le Danemark à Copenhague, l'Italie à Rome et l'Angleterre à Londres, ville choisie par l'UEFA pour accueillir les matches du dernier carré.

« Pour moi, l'Angleterre reste le grand favori dans ce format », avait d'ailleurs relevé le sélectionneur de la Belgique Roberto Martinez après le premier tour. « Vous savez bien que quand les matches sont serrés dans la phase à élimination directe, c'est un grand avantage de jouer à domicile », avait développé le technicien espagnol dans un entretien à ESPN.

« Vaste blague »

La quasi-impossibilité pour les supporters étrangers de venir soutenir leurs sélections à Londres et Glasgow, en raison des fortes restrictions de circulation au Royaume-Uni, a souvent été pointée du doigt.

La situation a notamment énervé le sélectionneur croate Zlatko Dalic avant d'affronter l'Ecosse à Hampden Park en clôture de la phase de groupes. « Nous sommes lésés puisque nous jouons sans nos supporters. Avec eux nous sommes bien plus forts. Ce n'est vraiment pas juste, nous devons voyager, rester dans la bulle ».

Avec les restrictions imposées par les autorités locales, certaines sélections ont été plus pénalisées que d'autres concernant la présence, ou plutôt l'absence, de leurs supporters.

Au premier tour,  « les Tchèques et les Croates n'ont pas pu aller aux matches de poule au Royaume-Uni, les Gallois n'ont pas pu aller à Bakou, les Ukrainiens n'ont pas pu aller à Amsterdam, les Suisses ont dû choisir entre Rome et Bakou », résumait récemment auprès de l'AFP Ronan Evain, coordinateur du réseau Football Supporters Europe (FSE).

Et en huitièmes de finale, "les Gallois n'ont pas été autorisés à entrer aux Pays-Bas", contrairement à leurs adversaires danois, expliquait-il.

Face à cela, le défenseur Chris Gunter, le plus capé des Dragons gallois, a sorti le lance-flamme dans un message Instagram. « Chaque pays a eu le droit de jouer devant ses supporters, sauf nous, à part les 350 qui ont bravé les consignes gouvernementales et cassé leur tirelire pour être ici. Vous méritiez, nous méritions mieux que cette vaste blague qu'est ce tournoi. Mais qui a dit que la vie devait être juste ? »