Un autre des grands de cette Coupe du Monde est mort au combat. Lorsque le Brésil est tombé, la planète foot a tremblé. Pourtant… La victoire des Pays-Bas est-elle aussi surprenante que ça? Seul pays avec l’Argentine à avoir gagné tous ses matches de groupe, solide contre la Slovaquie en huitième de finale, équilibré dans toutes les phases de jeu et inébranlable dans les buts, il arrivait bien outillé pour faire face aux redoutables Brésiliens capable du meilleur et du pire sur le terrain. Et justement dans ce match, on a vu les deux.

En première mi-temps, rien à redire, le Brésil était flamboyant, jouant de la tête et du pied comme s’il paradait dans les rues de Rio, dansant autour des néerlandais un peu étourdis et incapables de suivre le pas. Plutôt que de participer au bal, ils font tapisserie. Le son des tambours enterre celui des vuvuzelas, peut-être pas dans les gradins, mais certainement dans nos oreilles alors que les joueurs marquent de leur rythme ce début de match. Robinho compte et son but est refusé sur un éventuel hors-jeu. Qu’à cela ne tienne, il en score un autre dans la foulée, sur un très beau service de Felipe Melo. Et nous ne sommes qu’à la 10e minute de jeu…

Est-ce parce qu’ils ont tous (sauf Heitinga qui remédiera à cela très rapidement) un carton jaune à leur fiche que les bataves sont si discrets, si erratiques? La mi-temps leur permet de se remettre les idées en place. Au retour, ils sont plus présents et foncent mieux sur le but adverse. Puis Sneijder centre sur coup franc, un centre bien tiré, bien cadré pris très au sérieux par le gardien Julio Cesar et son défenseur Felipe Melo. Mésentente, tous deux veulent le ballon qui effleure la tête de Melo et permet aux Pays-Bas d’égaliser. Dès lors le match prend une toute autre tournure.

Secoué, le Brésil voit sa superbe s’effriter. Les sourires tombent et les mines deviennent soucieuses. Le ballon ne danse plus mais trébuche sur le terrain. Il y a des fausses-notes dans la musique et le rythme n’est plus là. C’est beaucoup plus agréable d’avoir la baguette du chef d’orchestre dans les mains que d’en recevoir des coups sur les fesses. Et Sneijder s’amène en soliste invité et vole la vedette. Le corner de Robben effleure d’abord la tête de Kuyt pour que Sneijder complète le relais au fond du filet…comme un caillou qui ricoche deux fois sur l’eau.

Les Brésiliens ne sont plus les mêmes. Felipe Melo, qui aura été de tous les moments clé, s’énerve, écrase la cuisse de Robben et est expulsé. Le Brésil ne s’en remettra pas. Il ne reste plus rien de l’assurance de la première mi-temps, de ce brin d’arrogance qui intimide l’adversaire. Les Pays-Bas auraient pu marquer le but assommoir dans les derniers instants, mais peut-être conscients qu’ils sont en train d’écarter ceux qui les avaient battus en 1994 et 1998, ils cafouillent sans dommages. Le Brésil est puni par ses excès : excès de confiance, excès de réactions, excès de colère. Est-ce que ce serait –enfin- l’année des Pays-Bas?

Ils affronteront l’Uruguay qui a privé le Ghana d’une demi-finale en sol africain. Pourtant bien placés avec un but dans les arrêts de jeu de la première mi-temps, les Ghanéens n’ont pu protéger leur avance quand Diego Forlan a marqué à la 55e minute. On en restera là et devra se rendre, pour la deuxième fois dans cette Coupe, en prolongation. Alors que tout le monde se prépare mentalement aux tirs aux buts, coup de théâtre. Avec une attaque en mitraille du Ghana sur le but de Muslera, le match passe tout près de se conclure. Un arrêt à bout portant du gardien Uruguayen, puis une autre…de la main de Suarez. Manque de pot, l’arbitre l’a vu! Penalty et exclusion. Le jeune joueur vedette est dévasté et quitte le terrain en larmes. Il ne sait pas encore qu’il vient de sauver son équipe. Asamoah Gyan, 10 tirs, dont trois cadrés, dans le match, 3 buts dans le tournoi, s’installe pour le but de la victoire…et le rate. Le ballon va s’écraser sur la barre transversale dans un but qui résonnera très très longtemps aux oreilles du Ghanéen.

On doit passer aux tirs aux buts. Mais après ce revirement de situation, les Uruguayens sont en état de grâce. Ils ont gagné, comme dans un jeu vidéo, une nouvelle vie. Leurs trois premiers tirs défoncent le but, alors que Muslera touche les deux premiers ballons du Ghana et arrête le troisième. Maxi Perreira (Uru) rate à son tour mais Adiyiah (Gha) est incapable d’en profiter. S’amène alors Abreu, surnommé « El Loco » ( le Fou ) par les hispanophones. Son style particulier en tir de barrage effraie un peu. Il a l’habitude de lober des petites balles en plein centre pour surprendre le gardien qui se sera lancé d’un côté ou de l’autre. Diego Forlan qui le sait, lève les yeux aux ciel et fait une petite prière… La manœuvre est risquée. Abreu s’approche…et fait exactement ça! Et surprend Kingson qui ne s’y attendait absolument pas Il faut croire qu’on n’avait pas préparé cette phase de jeu avec la vidéo du côté du Ghana.

Alors qu’on exulte dans le camp de l’Uruguay, c’est l’effondrement du côté du Ghana. Et Suarez, qui sera absent contre les Pays-Bas, est passé de paria à héros. Aura-t-on droit à autant de drame demain pour les deux autres quarts-de-finale? Argentine-Allemagne en levée de rideau. Un match de tous les dangers. Un match qui peut autant basculer d’un côté comme de l’autre avec une Argentine qui aura cependant été plus constante que son adversaire. Et Paraguay-Espagne, un match où les Espagnols font figure de favoris, mais où la méfiance sera aussi de mise. Des quarts-de-finale à faire saliver. Mais aussi à faire pleurer. C’est un signe que ça achève…