Le Canada l’a échappé belle à la Coupe du mode de rugby. Fier d’une belle victoire contre le Tonga, secoué par la France à son deuxième match, la rencontre contre le Japon devenait primordiale pour tenter d’assurer sa place pour la Coupe du monde 2015 en terminant au troisième rang d’une poule où il y avait congestion aux deux premières places. Il l’a fait, mais en donnant une sainte frousse à tous ses partisans.

L’entraîneur du Canada, le néo-zélandais Kieran Crowley, a été très constant dans ses quinze de départ. Pour chacun des matchs il a aligné la même formation ou à peu près. Le seul changement hier était à l’aile droite où Matt Evans prenait la place de Cieran Hearn. Même lors du match contre la France, où une victoire aurait tenu du miracle, ce sont ses réguliers qui ont pris le départ, au risque de se faire blesser dans l’affrontement. Mais si on veut vaincre les meilleurs, il faut jouer contre les meilleurs.

Contre le Japon, c’est parti rapidement pour le Canada avec un essai de Van der Merwe à la 7e minute de jeu. On croyait alors que le Canada donnerait un match lumineux face au pays du soleil levant, mais un nuage est venu obscurcir la scène trois minutes plus tard. Le talonneur Shota Horie marquait un essai transformé par Arlidge et la marque était égale. Le Canada est alors devenu erratique, multipliant les fautes de mains, les passes hâtives et mal ajustées. La nervosité sapait le travail des arrières, le pack tenait moins bien devant la volonté nippone. La mi-temps est venue donner un gros bol d’air aux joueurs qui étouffaient sur le terrain.

Au retour, Phil MacKenzie a marqué l’essai de la renaissance, mais n’a pu réussir sa propre transformation, un deux points pourtant précieux. Monro rétrécie la marque un peu plus tard en réussissant une pénalité qui ramène l’écart à deux points. Mais l’excellent Arlidge, ouvreur de métier, né en Nouvelle-Zélande, jouant en Angleterre et naturalisé Japonais reprenait les choses au bout du pied avec deux pénalités consécutives et huit points d’écart faveur Japon. Quand Monro a marqué l’essai canadien à la 75e, l’espoir est né de nouveau. La transformation ratée a fait mal, mais à 20–23 de toute façon les deux points de suffisaient pas. Il faudra attendre la 79e minute pour que le Canada bénéficie d’une pénalité qui devait peser des tonnes au bout du pied de Monro. Il la réussit et c’est l’égalité 23 à 23. Arlidge a tenté-et raté- le drop dans les dernières secondes avant que le résultat ne devienne officiel avec le coup de sifflet final de l’arbitre. La pénalité de Monro qui a touché le poteau en première mi-temps, revenait hanter les esprits.

Ce n’était pas la joie dans aucun des camps. Tant les Canadiens que les Japonais voulaient la victoire. Le Japon n’y a pas goûté depuis 1999 en Coupe du Monde et c’était pour ça qu’on avait engagé l’entraîneur néo-zélandais John Kirwan (coéquipier chez les All-Blacks de l’entraîneur du Canada Kieran Crowley à une certaine époque) en lui donnant carte blanche et la carte de crédit qui allait avec. Les meilleurs joueurs du Japon étaient étrangers, pardon, d’origine étrangère… Thompson (NZ) en deuxième ligne, Leitch (NZ) en troisième, le losange formé de Arlidge (NZ) à l’ouverture, Webb (NZ) à l’arrière et Nicholas (Aus) et Robins (NZ) au centre. Il y avait bien dans l’équipe d’authentiques japonais talentueux, l’ailier Endo par exemple quand il ne perd pas la tête et ne fait pas trop de bêtises, le capitaine Kikutani, le talonneur Horie, le centre Tupuailai…oups, il est né aux Samoa… En fait, le Japon avait presque une équipe de mercenaires, ce qui pourrait éventuellement poser certaines questions d’éthique. À quand un sheik multimilliardaire que s’achète une équipe comme au soccer? Bon, j’exagère je le sais, nous ne sommes pas dans un championnat domestique où trouver un joueur local tien parfois de l’exploit. Mais il faudra peut-être un jour se pencher sur la question. Au moins, dans le cas des étrangers mentionnés, la plupart évoluent en ligue japonaise.

Le mandat de Crowley avec le Canada était d’améliorer sa prestation en Coupe du Monde. Il l’a fait. En 2007, le Canada n’avait pu arracher qu’un match nul et deux points en affrontant…le Japon! Le match s’était terminé 12 à 12. La qualification pour 2015 est assurée ou presque. Il faudrait une improbable victoire du Tonga sur la France pour venir mêler les cartes. Une défaite du Tonga qui réussirait à empocher le point défensif le mettrait à égalité avec le Canada…mais l’avantage reste canadien puisqu’il a battu le Tonga. Alors sans prendre trop de risque, on peut d’ores et déjà dire « mission accomplie » pour l’équipe canadienne. Il faudra maintenant mettre les quatre années qui viennent, à profit pour préparer une équipe solide pour la Coupe du Monde 2015 en Angleterre et espérer qu’elle ne retombe pas dans une poule où les places qualificatives pour les quarts-de-finale ont la mention « réservé » dessus.

Remarquez que le Canada n’a pas terminé son tournoi. Il lui reste un match à faire contre les All Blacks de la Nouvelle-Zélande… Eh quoi? Tant qu’un match n’est pas joué, on peut encore rêver. On se réveillera au coup d’envoi.