Ce fut une finale digne des grands rendez-vous. Pas par le nombre d’essais ni par le nombre de points, mais par l’intensité, la fougue et la détermination des deux équipes sur le terrain. Les Bleus (en blanc!) et les All Blacks nous ont offert tout un spectacle.

D’abord, grande preuve de chevalerie de la part de l’équipe de la France. Bien qu’elle ait gagné le tirage qui lui permettait de choisir la couleur de son maillot, elle a élégamment laissé les All Blacks revêtir leur noir traditionnel, parce qu’ils étaient chez eux, devant leurs partisans. En optant pour le bleu, la France aurait condamné les Blacks à jouer en blanc. Beau geste qui traduit bien l’esprit du rugby.

Après les dix premières minutes et une pénalité manquée par Weepu, on savait que ce ne serait pas un match à haut score. Mais l’essai marqué à la 15e par Woodcock laissait entrevoir un possible déferlement des All Blacks. Le jeu, préparé minutieusement, a ouvert une porte assez large pour que le costaud pilier s’y engouffre aisément. Et marque son premier –et seul- essai de la Coupe du Monde. La pénalité ratée ensuite par Weepu, qui n’était pas dans un de ses bons jours de botteur, aurait pu coûter très cher. C’est finalement avec un très petit score, 5–0, que les deux équipes sont arrivées à la mi-temps, le plus bas à la mi-temps de cette Coupe du Monde.

En deuxième mi-temps, les All Blacks n’auront eu qu’une seule occasion de s’inscrire au score, soit par la pénalité tapée par Stephen Donald à la 46e minute, celle qui allait faire la différence et mener la Nouvelle-Zélande à la Coupe Web Ellis. Mais en réussissant un essai transformé une minute plus tard, une belle action de l’homme du match, le capitaine Thierry Dusautoir, la France faisait trembler les All Blacks. Ils avaient alors une infime avance d’un seul point, avance qu’ils durent protéger jusqu’à la fin du match, avance qui fut suffisante pour gagner.



La peur de perdre a peut-être paralysé les actions de la Nouvelle-Zélande, tout comme la France avait été tétanisée par un Pays-de-Galles réduit à 14 hommes devant lequel elle n’avait pas le droit de s’incliner. Menés que 9 minutes dans l’ensemble de cette Coupe du Monde (dont 5 par le Canada!), les Néo-Zélandais sentaient le souffle de la France dans leur cou et n’arrivaient pas à se distancer d’un adversaire qui leur avait déjà donné du fil à retordre. Devant l’impossibilité de marquer, ils auront donc géré à l’économie ce maigre point qui faisait toute la différence.

Ce fut un combat de tous les instants, les deux demi d’ouverture, remplacés sur blessure, pouvant certes en témoigner. Cruden (remplaçant de Dan Carter et de Colin Slade) est allé chercher sa médaille d’or en béquilles, tandis que Morgan Parra affichait un bel hématome sur la pommette. C’est en larmes qu’il a dû céder sa place à Trinh-Duc, dont le drop raté aurait pu changer la face de la finale. Les Français ont laissé neuf points sur la table, les Néo-Zélandais huit. Ce qui fait, au bout du compte, 16 à 16…

La Nouvelle-Zélande devient la première équipe à remporter deux titres de Coupe du Monde chez elle, à vingt-quatre ans d’intervalle. Elle a connu un parcours sans bavure, a remporté tous ses matches et rempli sa mission au bout du compte. Les kiwis vont fêter longtemps cette victoire ultime. En revanche, la France a fini sur une note forte, a redoré une image quelque peu ternie en cours de route. Face à sa performance en finale, on oublie ses deux défaites de poule, sa victoire approximative sur le Pays-de-Galles. La France de dimanche était une France glorieuse, battante, une équipe qui aura joué quatre-vingt-dix minutes avec ses tripes sur la table.

La fin de cette Coupe du monde 2011 laisse maintenant un vide, une légère dépression post grand événement toujours ressentie lorsqu’un grand tournoi s’achève. Au plaisir de retrouver une vie normale, quinze heures de décalage horaire ce n’est pas toujours facile à vivre, s’oppose la peine de perdre de vue ces grands athlètes qui nous auront fait vibrer durant six semaines. Certains seront encore là à la prochaine Coupe du Monde en Angleterre en 2015, mais d’autres auront pris leur retraite, ne seront plus sélectionnés en équipe nationale ou auront laissé la compétition pour un monde moins féroce. Les amateurs, dont je suis, rêveront pendant quatre ans d’un autre grand rendez-vous.