Dans un sport aussi traditionnellement respectueux et protocolaire que le tennis, rares sont les altercations entre joueurs, du moins celles qui éclatent sous le regard du public. Les argumentations avec un arbitre sont fréquentes, des raquettes s'envolent parfois et se brisent, mais les attaques personnelles sont difficilement perceptibles.

À 20 ans, Nick Kyrgios (41e raquette mondiale) est un joueur avec une forte personnalité et une attitude de rebelle. Cela est su de tous. À la manière d'un Lleyton Hewitt qu'il considère son mentor et qui aujourd'hui l'aide dans son développement, il est explosif et émotif. Sauf que ces propos émis à l’endroit de Stan Wawrinka, des propos auxquels on s'attend davantage sur une patinoire que sur un terrain de tennis, ne font sûrement pas partie des enseignements du mentor en question.

« Tout est réglé maintenant. Il est clair que je me suis excusé en public et en privé aussi. Il (Wawrinka) m'a vu dans le couloir mercredi et il est venu vers moi, comme on pouvait s'y attendre. Je n'ai pas été surpris. Je lui ai dit que j'étais désolé. Je voyais qu'il était en colère. Il a fallu que je fasse avec. C'était difficile mais je ne dirais pas que c'est la pire chose qui me soit arrivée. Il y a eu beaucoup de commentaires chez moi, je
ne peux pas l'empêcher. J'espère qu'on pourra tirer un trait là-dessus. »

Apprendre de ses erreurs

Tous ses pairs ne sont pas prêts à faire son procès même si aucun n'excuse ce geste qui a été posé sous le coup de l'émotion au cours d'une lutte serrée.

« Je ne veux pas dire de mal de Nick car je l’aime bien, a déclaré Andy Murray. Ce n'est pas à moi de juger sa réaction, mais à mon avis c'était complètement inutile de faire ce genre de commentaire. Il a été mis à l'amende et il le mérite. Je crois qu'il va apprendre cette leçon à la dure.

« Nick n’est pas que mauvais, les gens veulent faire croire que c’est le cas, mais il est simplement jeune et il commence seulement à être sous les projecteurs. Ces derniers mois, il y a eu beaucoup de commentaires négatifs sur lui et ce n’est pas évident à gérer. Ce qui compte est qu’il tire des leçons de son erreur, mais aussi que les gens le lâchent un peu. Il va apprendre et devenir quelqu’un de meilleur, j’en suis sûr. »

Si Murray met cet écart de conduite sur le compte de la jeunesse, Rafael Nadal est moins enclin à se servir de l’âge et du manque d’expérience de Kyrgios pour justifier ce qui s’est passé.

« Ce que je peux accepter est que tout le monde peut faire des erreurs. L’âge n’est pas une excuse. La plupart d’entre nous avons commencé très jeunes sur le circuit. J’ai commencé à 16 ans, Novak à 17 ans, je crois, et Andy à 18 ans. L’âge n’excuse rien, c’est une question de respect.

« Dans le monde du tennis, nous nous devons de donner l’exemple aux jeunes générations. Il est important pour les joueurs qui passent à la télévision et qui sont vus par un grand nombre de personnes, surtout par des enfants, de démontrer les bonnes valeurs et le bon exemple. »

L’Australien n’avait déjà pas une réputation des plus flatteuses avant les récents évènements, mais il a dit croire que cette nouvelle frasque ne nuira pas à ses interactions avec les autres athlètes de l’ATP. Novak Djokovic est un de ceux dont l’opinion ne semble pas trop affectée.

« Pour moi qui suis là depuis plus de 10 ans, le respect entre les joueurs et envers le sport est important, explique d’abord Nole. C'est quelque chose qu'il doit apprendre. Sinon, je crois que c’est un bon gars, je n'ai jamais eu de problème avec lui personnellement. Nous avons eu de bonnes discussions hors du terrain et on s'est déjà entraîné ensemble. »

« Quand vous êtes sur le circuit, vous passez du temps dans les vestiaires toutes les semaines de l’année, entouré de vos collègues, et la vie est bien plus agréable si vous vous entendez bien avec eux, a renchéri Nadal. Ce qui s’est passé ne va pas dans ce sens. »

Pas que du négatif

Si le caractère de Kyrgios ne fait pas l’unanimité, c’est tout le contraire quand vient le temps de parler de son talent.

« Il commence sur le circuit professionnel. La qualité de son tennis est vraiment remarquable pour son âge, de vanter Novak Djokovic. Il joue très bien, il a atteint les quarts de finale à Wimbledon l'an passé. Sur le plan du tennis, il fait partie des meilleures étoiles montantes. Il a sa propre personnalité et son propre caractère. Il faut accepter ça. »

« Il est un excellent joueur, sans l’ombre d’un doute, il peut peut-être devenir no 1 un jour, avance même Nadal. Mais comme je l’ai toujours dit, aussi bon que vous soyez, ce qui importe le plus, c’est la personne que l’on est, le respect. Il a le temps de changer d’attitude. Il est intelligent et je suis sûr qu’il le fera. »

Pour en revenir à Hewitt, qui est au coeur de sa tournée d'adieu qui s'achèvera après sa 20e participation aux Internationaux d’Australie en 2016, ce dernier conseille aujourd'hui Kyrgios sans pour autant être son entraîneur officiellement permanent. Ils ont aussi joué ensemble en double à Montréal avant d’être éliminés au premier tour.

« Il m'aide, il prend du temps sur sa propre carrière et sa famille pour me suivre et pour m'aider, raconte Kyrgios. C'est super pour moi d'avoir quelqu'un à qui je peux poser des questions et qui m'oriente dans la bonne direction. C'est vraiment bien. »

Peu importe quel titre exact il faut donner à leur relation professionnelle, celle-ci risque de se transporter jusqu'en Coupe Davis alors que l'Australie affrontera la Grande-Bretagne en demi-finale au mois de septembre.

« C'est très important. Nous sommes tous très amis. Lleyton est sans doute la personne que je respecte le plus. J'espère qu'il deviendra un jour le capitaine et j'espère que nous aurons un bon résultat. »