MONTRÉAL - C’est au Cégep de Thetford Mines que l’amitié entre Jérémy Mogni et Asnnel Robo est née. Qu’est-ce qu’il y a de particulier là-dedans? Mogni a grandi en banlieue de Paris et Robo en Guyane française jusqu’à l’âge de 14 ans.

La passion du football a poussé les deux jeunes hommes à déménager au Québec pour joindre les rangs des Filons, Jérémy à l’automne 2013 et Asnnel l’année suivante. Les deux compatriotes ont réussi à impressionner suffisamment les entraîneurs du niveau universitaire pour poursuivre leur carrière dans le sport qu’ils ont tous deux commencé à l’adolescence.

Ils ont donc pris la direction de Montréal pour l’année 2015, mais Jérémy et Asnnel ne portent plus les mêmes couleurs. Jérémy a été recruté par Mickey Donovan et il revêtit maintenant l’uniforme des Stingers. Asnnel a décidé de prendre le chemin de l’Université de Montréal.

Malgré tout, les deux amis ont décidé de demeurer des colocataires, une situation qu’on ne voit pas souvent entre deux adversaires.

« Il refuse de me quitter. Il me suit partout », a lancé à la blague Jérémy, un receveur de passe qui joue sur les unités spéciales de l’Université Concordia à sa première année.

« La préparation de match, c’est un peu drôle. On est chacun dans notre chambre. On cache un peu notre livre de jeux », a relaté le demi offensif Robo qui a marqué le premier touché de sa carrière lors de la première confrontation entre les Bleus et les Stingers.

Asnnel RoboLorsqu’on rencontre Jérémy et Asnnel, leur amitié crève les yeux. Une simple séance photo de quelques minutes permet de constater que les deux Français ont tissé beaucoup de liens depuis leur première rencontre, il y a un peu plus d’un an.

« Je ne peux pas me mettre dos à dos avec lui, il a de trop grosses fesses », a lancé le Parisien Mogni, ce qui a évidemment fait éclater de rire son ami.

Les deux Français s’affronteront peut-être pour la première fois de leur vie, samedi après-midi. Lors du premier duel entre leurs deux équipes, Jérémy avait raté le rendez-vous en raison d’une commotion cérébrale. Asnnel a quant à lui disputé trois des quatre derniers matchs des champions en titre de la Coupe Vanier.

Si les deux joueurs ont à se rencontrer sur le terrain sur les unités spéciales, ils réserveront le même traitement qu’à tout autre adversaire. Les deux amoureux du ballon ovale prennent leur carrière de footballeur - et aussi leurs études - très sérieusement.

À la maison, la fraternité sera de retour, peu importe le résultat de samedi.

Mickey Donovan et Danny Maciocia parlent souvent de l’esprit de famille qui règne au sein de leur formation. Après le football, la deuxième famille de Jérémy et d’Asnnel, ils la retrouvent à leur appartement de Côtes-des-Neiges.

Le comble pour Jérémy, qui doit habiter dans le bastion des Bleus, c’est qu’en plus d’Asnnel, il doit vivre avec deux autres porte-couleurs des Carabins. Mais qu’importe, les quatre hommes originaires de la France se serrent les coudes ensemble dans leur vie d’étudiant-athlète.

« C’est mon soutien ici. Ce n’est pas facile quand on est loin de la famille. Il faut se faire de nouveaux repères. Ce sont plus que de simples amis », a précisé Jérémy.

« On vient du même endroit alors c’est bon d’avoir un point de repère. Ici, on n’a pas vraiment de famille alors on se soutient et s’encourage pour tenir le coup. C’est sûr que ce n’est pas toujours facile », a expliqué Asnnel, dont les parents demeurent encore en Guyane.

« Le fait de vivre avec d’autres joueurs de football et d’autres personnes qui viennent du même pays, on se comprend mieux. Malgré qu’on joue pour deux équipes différentes, le cœur reste le même. On se soutient dans nos épreuves. C’est vraiment cool quand même », a ajouté Jérémy qui compte 2,5 plaqués sur les unités spéciales cette saison.

Leurs entraîneurs sont au courant de cette situation particulière. Jérémy avoue qu’il avait eu un peu peur de la réaction de ceux-ci et de ses coéquipiers. Lorsqu’on connaît leur histoire, qui oserait s’opposer à leur cohabitation? Tous les membres des Stingers ont été très compréhensifs.

Et à voir leur bonté d’âme, il serait très surprenant qu’ils tentent d’épier le cahier de jeux de l’autre. Et si cela arrive...

« Mon cahier de jeu est toujours avec moi », a mentionné Jérémy avec son rire qui doit certainement être contagieux dans l’appartement de l’avenue Linton. « Mais comme je leur dis : "Même si je vous montre mon cahier, vous ne comprendrez rien". Il ne cherche pas à le regarder », a-t-il assuré.

Jérémy Mogni et Asnnel Robo ne regrettent pas leur choix d’avoir traversé l’Atlantique bien qu’ils s’ennuient tous deux de leurs familles. La vie à Montréal leur plaît, particulièrement pour Jérémy qui a retrouvé le « chaos » de Paris comparativement à Thetford Mines où il s’est étonné à aimer la tranquillité et la proximité.

« (Montréal), c’est un peu comme Paris. C’est une ville urbaine avec beaucoup de gens, beaucoup de voitures. J’ai retrouvé un peu mon ancien chez moi. C’était plus facile de m’adapter ici », a noté l’étudiant en relations humaines qui voudrait bien se spécialiser en psychologie pour les enfants.

À moins d’un transfert, Jérémy et Asnnel ne porteront plus jamais le même uniforme, à moins que ce soit celui tricolore pour représenter leur pays. Leur amitié, elle, semble établie pour la vie.

« Si demain on me demandait de partir (de l’appartement), j’aurais vraiment du mal. C’est comme mes frères », a confié Jérémy.