Quand on parle d'offensive, au football universitaire québécois, on ne peut passer à côté du Rouge et Or de l'Université Laval. Avec un total de 336 points marqués en saison, l'an dernier, l'équipe a terminé avec la meilleure attaque au Québec pour une troisième fois, au cours des quatre dernières années.

Il va sans dire que la saison exceptionnelle du quart Benoît Groulx, qui a été élu meilleur joueur au Canada, y a été pour beaucoup.

Mais si l'équipe parvient à présenter une offensive aussi dangereuse année après année, c'est en grande partie grâce au génie de son coordonnateur à l'attaque, Justin Éthier. Même si celui-ci, plein de son humilité légendaire, est loin de s'enfler la tête. Il préfère plutôt donner le mérite à ses joueurs.

«Oui l'entraîneur a une grosse place, admet l'homme de 39 ans. Mais il ne faut pas trop se péter les bretelles. Des fois ça me fait même rire quand dans la NFL, les analystes disent : wow, quel choix de jeu de l'entraîneur, quand au fond c'est un Terrell Owens qui saute 45 pouces dans les airs pour attraper le ballon entre deux joueurs défensifs.»

Quoi qu'il en soit, Éthier se retrouve dans une situation privilégiée avec le Rouge et Or. Et il le sait. Cela ne l'empêche pas de travailler d'arrache-pied dans le but avoué de devenir un meilleur coach, au fil des saisons.

À voir comment ses joueurs parlent de lui, on peut vous dire que son objectif semble bien atteint.

Amoureux du jeu aérien

Éthier ne s'en cache pas, il aime passer le ballon. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'il tenait à tenter sa chance comme entraîneur au niveau universitaire. On sait que la place du jeu aérien est beaucoup plus importante dans du football à trois essais, comparativement au football collégial, qui se joue à quatre essais.

«En 1996, raconte celui qui était alors coordonnateur offensif des Spartiates du Vieux Montréal, l'Université Laval a mis sur pied son programme on n'avait aucune idée de ce qui se passait à Montréal. Mais quand j'ai vu qu'ils avaient embauché Jacques Chapdelaine comme entraîneur-chef, j'ai tenté ma chance.»

Il faut savoir qu'à cette époque, Chapdelaine était considéré comme le meilleur coach offensif, au Québec. Et c'est justement pour apprendre du meilleur qu'Éthier a voulu se joindre au Rouge et Or.

«J'ai pris un risque et je l'ai appelé, pour lui dire que je voulais venir coacher à Laval. Il ne me connaissait pas du tout, mais il a écouté ce que j'avais à dire et il m'a offert de m'occuper des porteurs de ballon.»

Après la saison 2000, lorsque Glen Constantin a remplacé Chapdelaine comme entraîneur-chef, il a offert à Éthier le poste de coordonnateur offensif. Un poste qu'il occupe toujours aujourd'hui, neuf ans plus tard.

Le secret du succès de son offensive? «C'est extrêmement difficile de courir le ballon avec constance dans du football à trois essais, en 2009. Il faut immanquablement que tu passes le ballon efficacement.» Ça tombe bien, puisqu'en tant qu'ancien receveur de passes, il adore le jeu aérien. Même s'il admet qu'un de ses plus grands défis est de bâtir une offensive aussi dangereuse au sol que dans les airs.

«C'est là qu'une attaque devient vraiment dangereuse!»

Un entraîneur privilégié

Pour un entraîneur qui adore lancer le ballon, il n'y a rien de plus important qu'un quart-arrière de qualité. Et à ce niveau, Justin Éthier a été particulièrement choyé, au cours des dernières années. Après avoir vu Mathieu Bertrand faire la pluie et le beau temps avec le Rouge et Or jusqu'en 2002, le coordonnateur a eu la chance de diriger un autre quart exceptionnel, plus récemment.

Peu de gens croyaient que Benoît Groulx réussirait à s'illustrer au niveau universitaire, en raison de sa petite taille. Mais après ses quatre premières saisons chez le Rouge et Or, le numéro 8 a su s'affirmer comme l'un des grands quarts de l'histoire du football universitaire canadien.

«Sa vision du jeu et son calme sont assez extraordinaires, avoue Éthier. C'est quelqu'un qui comprend très bien le jeu. La réalité c'est qu'il a énormément travaillé depuis qu'il est arrivé à Laval. Ce qu'il a accompli après quatre ans ici c'est extraordinaire.»

Avec notamment deux bagues de la coupe Vanier et un trophée Hec Crighton, gagné à titre de meilleur joueur au pays, on ne peut pas vraiment le contredire.

Également, il faut reconnaître que Justin a été très chanceux d'avoir sous la main des offensives remplies de joueurs de grand talent.

«À Laval, c'est sûr que j'ai été choyé. On a eu des belles saisons, on a gagné des championnats. Il y a eu des années où je crois que j'aurais pu ne pas trop me forcer pendant l'hiver, sans que ça ne change quoi que ce soit sur le terrain, tellement les joueurs étaient bons. Mais on remet toujours tout en question, on se demande continuellement ce qu'on pourrait améliorer, ce qu'on pourrait ajuster. Ça, c'est quelque chose je prône de plus en plus.»

Intense, mais pas nécessairement tough

Lorsqu'on lui demande quel genre d'entraîneur il est, Justin hésite un peu. «C'est sûr que je suis un gars intense, finit-il par dire. Je crois que je suis surtout très méticuleux et intransigeant au niveau de l'exécution.»

Mais contrairement à certains autres entraîneurs, et à l'inverse de ce qu'on voit dans les films américains, il est loin d'être un coach qui est dur avec ses joueurs. «Je pense que plus un entraîneur est jeune, plus il a besoin de se prouver, face à ses joueurs. J'ai sûrement déjà été tough avec certains jeunes, et j'ai déjà piqué des crises. Mais je crois que je me suis calmé, ajoute-t-il en riant.»

En terme de préparation aussi, Éthier a appris, avec les années. «Jamais je ne pense que j'ai trouvé toutes les réponses. Je cherche toujours des nouveaux ajustements, je veux continuellement améliorer ce que je fais. Surtout, j'ai appris à avoir confiance en mon système de jeu. Et ce, même quand ça va mal.»

«On dirait que plus j'apprends de nouvelles choses, moins j'ai tendance à avoir de jeux dans mon playbook. Je me suis déjà fait prendre dans ma carrière à vouloir trop en faire, stratégiquement. J'avais des jeux et des ajustements différents pour toutes les situations. Je ne pense pas que tu aides nécessairement tes joueurs comme ça, parce qu'ils sont plus en train de penser qu'en train d'exécuter. Je pense que c'est extrêmement important que les joueurs soient confortables dans ce que tu fais. »

Malgré tout, il ne faudrait pas croire que le système de jeu du Rouge et Or soit des plus simples.

«On aime utiliser différentes formations pour déstabiliser les autres équipes. En faisant cela, on force l'autre équipe à se préparer pour toutes nos formations. Ils doivent sortir de leur défensive de base pour s'ajuster à ce que nous on fait.»

Autres temps autre mœurs

Lorsque Justin Éthier a commencé sa carrière d'entraîneur, il était pratiquement impensable de se dire qu'il allait un jour gagner sa vie grâce au foot. C'était donc beaucoup plus par passion qu'autre chose qu'il a fait ses classes chez les Trappeurs du Cégep Marie-Victorin, les Cactus du Collège Notre-Dame et les Spartiates du Vieux Montréal.

«Aujourd'hui on commence à voir des entraîneurs de carrière, mais quand j'ai commencé c'était bien différent. Et à vrai dire, je n'envisageais pas rester coach très longtemps. Je crois que quand Glen m'a engagé comme coordonnateur offensif, en 2001, là j'ai commencé à penser que ça pourrait être une profession et que je pourrais gagner ma vie en tant qu'entraîneur.»

On lui a demandé s'il aspirait un jour à occuper un poste d'entraîneur-chef. Et s'il avoue que c'est une éventualité qu'il envisage, il admet ne pas encore être rendu là.

«C'est sûr que ça pourrait m'intéresser. Mais d'un autre côté, il y a tout le côté administratif relié au poste d'entraîneur-chef qui me tracasse un peu. Je ne dis pas que ça ne pourrait pas m'intéresser un jour, et j'ai déjà eu quelques opportunités qui se sont présentées à moi. Mais je pense qu'avant de devenir un administrateur, j'ai le goût de m'assurer de m'être bien développé, au niveau stratégique.»

Si la saison parfaite que vient de connaître son équipe ne l'a pas convaincu que ses stratégies commencent à être à point, on ne sait pas ce que ça lui prendra. Ce qu'on sait, par contre, c'est qu'on n'aimerait pas être un coordonnateur défensif qui se prépare pour affronter le Rouge et Or, l'an prochain. Avec un quart comme Benoît Groulx et un génie offensif comme Justin Éthier, il risque d'y avoir des étincelles.

Mais ça, on commence à être habitué!