« Le 29 décembre 2016, en plein cœur de l’hiver, je n’allais vraiment pas bien. J’ai sorti mes vieux souliers que je portais à l’époque où je faisais de l’athlétisme et je suis partie courir, pour courir ma vie, pour courir ma colère. »

 Elle me précisera qu’elle a alors opté pour la meilleure décision de sa vie. Vous comprendrez que je vais taire son nom afin qu’elle ne subisse aucune représailles mais disons que la course a pied lui a vraiment sauvé la vie. On parle ici d’une personne qui a malheureusement dû subir les sévices de violence de la part d’un homme.

 Prudente, elle n’a pas honte de cette situation mais elle ne veut pas que ses enfants encaissent le contrecoup. Militante depuis quelques années sur des projets de redressements chez les femmes qui doivent écoper de brutalité, elle a donc dû évoquer son histoire à quelques reprises.

 

Courir s'avère indispensable pour elle.

 

« Quand on décide de quitter cet enfer, on se retrouve sur le pavé, sans confiance, sans aucune estime de soi. Après dix ans, je l’ai laissé en 2016. Il venait de tenter de m’étouffer à l’aide de couvertures. Je me suis sauvée de la maison et retrouvée dehors, en petite culotte, au beau milieu de l’hiver. C’est un policier qui est venu me recueillir. »

 Par la suite, les démons sont revenus pour amorcer leur travail dans le but qu’elle retourne avec son agresseur car il en est ainsi dans de telles situations. « Il t’a convaincue que sans lui, tu n’es plus rien. Il arrive à te jouer dans la tête, à te dénigrer en te persuadant que c’est lui qui détient la vérité. Il parvient à jouer sur tes cordes sensibles et tu perds confiance. Et il y a la présence des enfants qu’il faut considérer », m’explique cette maman de quatre enfants.

 À cette époque, elle ressentait de la honte car il utilisait l’amour du couple dans l’intention de la manipuler. « Je suivais une thérapie mais elle n’arrivait pas à m’influencer dans le bon sens. » C’est à ce moment que la course à pied a fait irruption. « Après cette escapade de décembre, j’ai pris une résolution pour le Nouvel An, soit celle de courir un demi marathon. »

 

Excellente coureuse, elle adore apporter sa contribution lors des événement de course à pied à titre de lapin de cadence.

 

Voyant le sérieux dans son désir, ses parents décidèrent de lui acheter une vraie paire de souliers de course pour son anniversaire de naissance en février 2017. « Naturellement, je trouvais que ce sport m’allait bien. Je me sentais à l’aise quand je courais. » Un jour, elle quitte son domicile pour un entraînement mais s’égare dans le coin des appartements Angus à Montréal. Finalement, elle rentrera au bercail après avoir franchi la distance de 21 km ! Voilà, elle qui aspirait courir son premier demi-marathon avec celui de Montréal n’aura pas besoin d’attendre jusqu’à ce moment.

 Son premier dans un événement organisé fut celui de Laval avec un 2h03. Elle récolte son objectif de le courir sous la barre des 2h avec un temps de 1h51 quelques semaines plus tard à Oka. Cette distance devient alors sa préférée. Or, le marathon commence à l’agacer. « Mon cousin m’a rapidement prévenue en me conseillant de ne pas trop m’énerver, qu’il fallait prendre cette distance avec respect et sérieux. »

 Elle trouve un plan et débute son entraînement. Le marathon des Érables devient son premier en 2018. « Au 36e km, je souffrais jusqu’au bout des cheveux ! J’aurais aimé que me mère vienne me chercher ! »  Puis, un coureur s’est approché d’elle. « C’était un Marseillais, il s’appelait Fabrice. Il a déposé sa main dans mon dos  et m’a dit : Allez, il ne reste que six kilomètres ! Ça m’a procuré l’énergie qu’il me fallait et j’ai traversé la ligne d’arrivée en 3h55. J’était vraiment très fière ».

 

Une mère fière de voir ses enfants qui courent.

 

En 2019, elle a couru le marathon de Longueuil en 3h52. Elle s’est inscrite pour le Petit Train du Nord cette année dans le but de se qualifier pour Boston. Elle croit être en mesure d’y parvenir si bien entendu, le marathon n’est pas annulé à cause de la Covid-19. « Je ressens un sentiment d’invincibilité lorsque je m’entraîne pour courir un marathon », exprime celle qui travaille pour le département de la recherche à l’hôpital Sainte-Justine à Montréal.

 « Au terme de mon premier marathon, je me suis dit qu’à partir d’aujourd’hui, plus personne n’arrivera à m’abaisser comme je l’ai été jadis. Je ne suis pas encore complètement guérie. J’ai essayé de revenir en relations et ce n’est vraiment pas évident. Je dispose maintenant d’une estime, je suis en paix avec moi-même », commente celle qui a trois enfants sur quatre qui pratiquent maintenant la course à pied.

 Accro aux endorphines, elle ne veut pas perdre le plaisir de courir et prend tous les moyens pour éviter des blessures. « Me voilà maintenant sortie de l’ombre de mon agresseur. » Vraiment un beau témoignage qui démontre les avantages de la course à pied sur l'être humain.