En 1978, les Russes envahissent l’Afghanistan. C’est le chaos total. À Kaboul, là où Laila Nabizada a vu le jour, elle réalise malgré son jeune âge (6 ans), que six membres de sa famille ont été enlevés, prétextant qu’ils se dressaient contre le régime communiste.

 À chaque jour, Laila se souvient que les mères partaient pour tenter d’obtenir des nouvelles. À chaque fois, elles revenaient bredouilles. Des séquences qui resteront à jamais gravées dans la mémoire de cette jeune fille.

 Aujourd’hui, adepte de la course à pied, elle a bien voulu nous accorder une entrevue en racontant principalement les durs moments qu’elle a dû traverser lors d’une vie tumultueuse qui allait connaître l’apaisement et un dénouement positif avec son arrivée au Québec.

 

Trimbalée à travers plusieurs pays lorsqu'elle était jeune, Laila n'a pas eu la vie facile.

 

Finalement, un seul membre de la famille du groupe de six est revenu sain et sauf. Les autres ont été tués et jetés dans une fosse commune. « Nous n’avons jamais rien reçu pour officialiser ces décès, ne serait-ce qu’une simple mèche de cheveux pour faire notre deuil. On a espéré longtemps qu’ils pouvaient être vivants. On nous faisait des lavages de cerveau et nous subissions du chantage », témoigne la jeune femme maintenant âgée de 46 ans.

"Mon mari a quitté l’Afghanistan en 1985. Après quelques années enIran et au Pakistan, il s'est rendu en France. En 1987, son frère aîné, le dernier membre de sa famille, devait quitter l’Afghanistan. Il m’a demandé en mariage par l’intermédiaire de son frère. Je n’étais pas encore rendue à 14 ans. J’ai quitté l’Afghanistan vers le Pakistan avec mon beau-frère/cousin et j’y ai vécu pendant 2 ans. En 1982, mes cousines étaient poursuivies par les communistes et elles se sont évadées en Iran. Le père et les frères en prison, ils n’ont pas cessé de nous torturer. Après des années et des années d’attente, ma tante a quitté l’Afghanistan pour la France et ainsi je me suis vue fiancée avec mon cousin."

 

 

L'intervention de Marlène Couture est arrivée à temps dans la vie de Laila.

 

Elle vivra au Pakistan pendant deux ans pour arriver en France en 1990 sous l’invitation de son cousin Reza qui allait la demander en mariage. « Je me souviens que mon grand-père me l’avait prédit quand j’étais plus jeune. Moi, dans ma tête, j’allais en France pour voir Alain Delon et j’ignorais à cet âge (16 ans) ce que représentait le mariage.»

 Le couple se marie religieusement mais doit nécessairement garder le secret afin que Laila puisse être admise à l’école. Installé à Bordeaux, le couple aura trois enfants, Barry, aujourd’hui âgé de 27 ans, Belkiss, 21 ans et Iman, 18 ans. En 2003, la famille se voit offrir une occasion en or de déménager au Québec. Ils ont entendu parler du Canada et de ses avantages. Ils n’hésitent pas un seul instant et saisissent cette opportunité pour s’installer dans la vieille capitale.

 Laila connaissait la neige car il y en a à Kaboul mais elle ne reste jamais aussi longtemps au sol qu’au Québec ! Quelque peu dépaysée, elle traverse une période de déprime. Elle peine à dénicher du travail malgré beaucoup de démarches. Elle sent qu’elle a besoin d’un virage dans sa vie.

 

 

Son mari Reza est fier des accomplissements de Laila dans la course à pied.

 

C’est à ce moment qu’elle voit passer sur les réseaux sociaux la démarche de Marlène Couture qui invite les gens à la rejoindre pour courir. Elle trouve l’idée intéressante et ne le regrettera pas. En 2009, grâce à la course à pied, elle parvient à chasser ses idées noires et commence à se faire plusieurs amis(es).

 « C’était une liberté pour moi de courir et ça m’enlevait la pression de me retrouver sur le chômage. »

 Avec quelques marathons, un ultra et plusieurs autres distances, elle a rapidement retrouvé un sentiment de bien-être. « C’est incroyable ce que la course à pied m’a procuré, de l’amitié, de la solidarité dont je ne peux plus me passer. »

 

Laila, qui tient son jeune frère dans ses bras était loin de se douter ce que la vie lui réserverait.

 

Détentrice d’un certificat en ressource humaine des HEC, Laila occupe un poste de gérante dans un hôtel à Montréal alors que Reza est employé chez Via Rail.

 Même résignée, l’émotion a refait surface à quelques reprises durant notre entretien. Vivre des bombardements, des soldats qui font irruption dans votre maison au milieu de la nuit, une bombe qui s’écrase sur le mur de votre chambre, accusée à tort de propos anti islamiques et sauvée par son beau-frère d’un assassinat certain, voilà l’histoire des réfugiés car on doit se rappeler qu’ils ne quittent jamais leur pays pour le plaisir.

 

Son père, que l'on voit à gauche sur la photo,  vit présentement en Australie.

 

Les parents de Laila vivent aujourd’hui en Australie où elle a d’ailleurs participé à une course lorsqu’elle les a visités.

 Le mot courage prend toute sa signification après une discussion avec Laila et j’en suis sorti impressionné et très reconnaissant envers la vie après avoir écouté ses mémoires. 

Laila a vécu l'horreur de voir des membres de sa famille se retrouver dans des fosses communues.