Le monde médiatique sportif québécois a perdu un monument cette semaine. Guy Émond est décédé mercredi. Il était atteint du diabète depuis plusieurs années. Et lorsque je regarde derrière moi, je me sens privilégié de dire que le destin a placé Guy Émond sur ma route un soir de juillet 2002. J’en retire une expérience unique, avec un bonhomme hors du commun, coloré et d’une grande générosité.

Pour un jeune amateur de sports qui rêvait de devenir journaliste/animateur radio, les années 70 et 80 ont été pour moi le théâtre des innombrables histoires de Jerry Trudel, Réhaume Brisebois, Jacques Beauchamps, René Lecavalier, Jean-Paul Chartrand sr., Serge Amyot, Jacques Moreau, Jacques Doucet, Yvon Pedneault, Pierre Dufault, Bertrand Raymond, Pierre Trudel, Jacques Barrette, etc., etc., etc. Mais Guy Émond se démarquait des autres en raison de sa façon d’interagir avec les gens.

Alors, les Expos recevaient les Mets ce soir-là. Comme à l’habitude, j’avais pris l’ascenseur directement vers la galerie de presse. J’installais mon ordinateur, m’assurais également d’avoir la documentation du match Mets-Expos et tout d’un coup j’ai vu l’homme! J’ai immédiatement reconnu le seul et unique Guy Émond. Il était seul, assis à une table avec un journal.

Alors que je m’approchais de lui, il s’était levé pour me serrer la main. J’étais déboussolé! Il aurait pu demeurer assis, ou regarder partout sauf en ma direction. Mais non, il a fait tout le contraire.

À l’époque je travaillais pour une station de radio de l’Ontario. Il voulait savoir qui j’étais, où je travaillais, connaître mes sports préférés, comment je voyais le dossier des Expos et j’en passe. Et en plus de répondre à ses questions, je lui avais dit que je devais profiter de cette opportunité. Il croyait que je parlais du match! Il s’était mis à rire après lui avoir dit que l’opportunité était plutôt de converser avec lui.

Je savais que la boxe était l’un de ses sports favoris. Alors nous avions parlé bien entendu de Roberto Duran. Et là, le verbomoteur qu’était Guy Émond s’était mis en marche! Ses origines, ses premiers combats, ses affrontements mémorables et même ses repas préférés!

Le combat Hagler-Duran, le 10 novembre 1983, est l’un de ces événements que les amateurs de sports se souviennent. Et je peux vous affirmer que Guy se souvenait du combat, et des 15 rounds. Et même dans la défaite, Guy s’était empressé de défendre Duran. «C’est Hagler qui portait des lunettes fumées après le combat, pas Duran», m’avait-il dit avec insistance. «Je te le dit, je te le dit, Hagler avait besoin des lunettes tellement Roberto l’avait cogné souvent durant le combat», avait-il ajouté. Je me souviens aussi qu’il voulait entendre ma version, même si j’étais davantage du côté d’Hagler. Il ne voulait pas me raconter uniquement sa version, il voulait qu’on parle ensemble.

Quand j’ai appris son décès cette semaine, j’ai repensé à cette courte rencontre. Et même s’il s’est passé beaucoup de chose dans ma carrière depuis cette soirée de juillet 2002, j’en garde un souvenir impérissable.

Pour moi, Guy Émond a été un journaliste près du peuple. Comme des milliers d’amateurs de sports, j’ai lu des centaines de textes signés Guy Émond. Il a aussi été un excellent animateur radio, entre autres à CKVL. Et au-delà de tout, il adorait nous raconter des anecdotes sportives. Il aurait pu me tourner le dos ce soir-là. Mais il a eu l’amabilité de jaser avec moi. C’est une rencontre que je n’oublierai jamais. Monsieur Guy Émond, merci du fond du cœur.