Serge Touchette s’ennuie d’écrire. Il s'est fait plaisir en racontant La fesse d’Ellis Valentine et 75 autres bonnes histoires des Expos. Il nous a fait plaisir, aussi, inconditionnels de nos Z’Amours. Avec son langage qui lui est unique, le journaliste attitré à la couverture des Expos de 1975 à 2004, nous raconte des anecdotes au camp d’entraînement des Expos, dans le vestiaire, sur Gary Carter, Claude Raymond, alouettes...

Lorsqu’on lit les anecdotes de celui que tout le monde appelle « Touche », on a l’impression qu’il nous les raconte autour d’une bière sur la terrasse du futur stade. « Dès que j’ai écrit mes premiers textes, je me suis dit : "je pense que je vais aimer ça pas à peu près" », dit-il dans une façon de lâcher les mots qui caractérise M. Touchette.

Ce que nous avons manqué

Pour les gens de ma génération – 30 ans –, les Expos n’étaient déjà plus ce qu’ils avaient été lorsque nous avons commencé à suivre les activités de l’équipe. Rien contre Shane Andrews, mais ce n’est pas Tim Wallach. Ce livre, publié chez Guy Saint-Jean Éditeur, nous raconte ce qu’étaient les Expos lorsqu’ils étaient nez à nez avec le Canadien. Lorsqu’il était permis de croire à la Série mondiale ou lorsqu’on veillait tard en septembre.

« Dans les années 1979-1980, c’était aussi fort que le Canadien. C’était les premières courses au championnat. Il y avait des soirs où l’on comptait 50 000 personnes au stade. Ça n’avait pas de maudit bon sens », dit-il en regardant son épouse, Linda, présente lors de l’entrevue.

Monsieur Touchette revient aussi sur le circuit de Jerry White, lors de la Série de championnat de 1981. Un joueur qu’il a particulièrement apprécié, dans cet univers où tous les athlètes professionnels ne sont pas toujours sympathiques.

« Je n’ai jamais entendu une explosion de bruit aussi puissante que lorsque White a frappé son circuit. C’était vraiment quelque chose à vivre. Ça n’avait pas de bons sens. »

Après avoir connu les grandes années des Expos, l’ancien du Journal de Montréal a connu les plus petites. Et parlant de petites choses : Grand Galop et Petit Trot. C’est ainsi qu’ont été surnommés Jeffrey Loria et David Samson par Serge Touchette. Le journaliste a frappé un coup de circuit, là-dessus.

« Je ne les aime pas, je ne l’ai jamais aimé. C’était des gens antipathiques qui voulaient avoir un pied dans la porte du Baseball majeur. C’est devenu douloureux pour tout le monde. Sauf qu’il faut faire attention, ce n’est pas seulement de leur faute », rétablit le journaliste.

Selon M. Touchette, le bouton panique était déjà enfoncé avant l’arrivée des deux propriétaires. Les ventes de feu à répétition ont grugé les Expos.

« À un moment donné, combien tu veux en perdre de vedettes, lâche-t-il. Tu sais que tu as de bons joueurs, mais tu sais que tu ne les garderas pas. Une organisation sérieuse ne peut pas faire ça sans en subir les conséquences. Les gens ont sacré leur camp et avec raison. Lorsque les deux bouffons sont arrivés là, ils ont fermé le cercueil. Quand le Baseball majeur a pris contrôle des Expos, c’était une question de temps. Personnellement, je n’y croyais plus. Ils ont même étiré les funérailles un peu trop longtemps. La dernière saison était vraiment de trop. C’est devenu laborieux. Je n’ai même pas voulu couvrir le dernier match à New York. Je suis allé couvrir les exploits d’Éric Gagné au même moment. »

 « J’ai toujours aimé ça »

Serge Touchette couvrait 85 à 90 % des matchs des Expos. Des voyages durant l’été, il en a fait. Il a dû être éloigné de sa famille plus souvent qu’il ne l’aurait souhaité. Fallait aimer ça, regarder de la balle, donc.

 « Oui, j’aimais ça! Le dimanche après-midi, à San Francisco, à Philadelphie ou à Boston, c’est agréable. Quand l’équipe était dans une course au championnat, je ne voulais pas prendre congé. Nous n’étions pas dans l’équipe, mais les journalistes sentaient qu’ils faisaient partie de quelque chose. Je prenais ça à coeur. J’aurais aimé couvrir une Série mondiale des Expos, mais j’en ai couvert d’autres équipes. J’ai assisté à la Série mondiale des Red Sox en 2004. Une Série mondiale des Yankees au Yankee Stadium, c’est spécial », se remémore-t-il.

« Touche » avoue qu’il s’ennuie du baseball à Montréal. « C’est certain que ça me manque. J’ai trop aimé ça. Si les Expos reviennent, je ne me verrais plus affecté à la couverture quotidienne de l’équipe, mais j’aimerais collaborer quelque part, c’est certain. D’ailleurs, j’y crois au retour des Expos. Les gens méritent une équipe avec un vrai stade de baseball. Ils n’y ont jamais eu droit. Il y a quelque chose à faire au bassin Peel, de préférence avec un toit rétractable. »

Le rêve de plusieurs partisans de baseball est de combiner les vacances au travail et le camp d’entraînement de leur équipe favorite en Floride. Serge Touchette était payé pour le faire.

« On le couvrait chaque année. C’était un moment important, parce que tu créais un lien professionnel avec les joueurs. Ils étaient pas mal plus détendus à ce temps-là de l’année. Tu pouvais aller parler avec un joueur qui frappait pour ,150 au camp d’entraînement. C’était pas mal plus compliqué au mois de juillet. »

Le baseball a changé

M. Touchette est toujours un fin observateur du sport qu’il continue d’aimer. Il constate, comme bien d’autres, qu’il a beaucoup changé. Moins de stratégies, plus de puissance.

« J’ai toujours aimé la puissance des frappeurs, mais là c’est trop. N’importe qui est capable de frapper 20 circuits. Ça me rappelle un peu l’époque des années 1980 au hockey, où un inconnu était capable de marquer 40 buts. Ce qui fait qu’un exploit est remarquable est la rareté. Je préférerais davantage le baseball où il y a plus de stratégies. Un match de 8-7 avec 10 circuits, c’est trop », analyse-t-il.

Le palmarès de Serge Touchette

Ses villes préférées : San Diego et San Francisco

Ses stades préférés : AT&T à San Francisco et Fenway Park à Boston

Son meilleur frappeur : Vladimir Guerrero, et de loin

Ses meilleurs joueurs en général : Vladimir Guerrero, Gary Carter et Andre Dawson

Ses meilleurs lanceurs : Celle-là n’est pas facile. Steve Rogers et Dennis Martinez. Pedro Martinez aussi, mais il n’a pas été là longtemps

Ses joueurs préférés : J’aimais Dawson, mais Carter n’était pas loin non plus

Les frappeurs de choix