Nous y voici enfin! Sept mois après le début d’une saison régulière qualifiée de prévisible, où 98% des supposés « experts » attendaient déjà impatiemment une finale Cavaliers de Cleveland c. Warriors de Golden State, nous aurons droit ce soir au premier match d’une finale… Cavaliers c. Warriors. Je fais partie du clan de ceux qui auraient préféré une saison truffée d’un rebondissement ou deux, mais il est impossible de se plaindre de la qualité des aspirants réunis pour ce duel ultime.

Il s’agira ainsi d’une troisième finale identique consécutive. On peut donc, plus que jamais, utiliser le terme «rivalité» pour décrire cette confrontation opposant deux villes séparées par 3500 kilomètres. En fait, il s’agira de la toute première fois dans l’illustre histoire des finales de la NBA que celle-ci sera la même trois ans de suite. On parle ici d’une anomalie, tout sport majeur confondu. Dans la LNH, il faut remonter 60 ans en arrière (Canadien c. Red Wings de 1954 à 1956). Au baseball, il faut fouiller encore plus loin dans les annales. Les Yankees de New York et les Giants de New York s’étaient affrontés trois fois de suite en Série mondiale au début des années 20. Dans la NFL, cette situation ne s’est jamais produite dans l’ère moderne du Super Bowl qui a débuté en 1966. Il faut ainsi remonter aux trois duels Lions/Browns au début des années 50. La morale? Ce à quoi nous assisterons au cours des deux prochaines semaines est excessivement rare, surtout à l’époque de la fameuse parité accompagnée des plafonds salariaux.

La différence majeure entre les deux premières finales et celle-ci est plutôt simple : la présence d’un certain Kevin Durant. En substituant miraculeusement Harrison Barnes pour KD lors de l’entre-saison, Golden State s’était condamné à soulever le trophée en 2017. Tout autre dénouement pour cette équipe, parmi les cinq plus talentueuses dans l’histoire du circuit, serait considéré un échec. En soi, il s’agit d’une raison à tout casser pour écouter attentivement cette série. Mais pour la postérité, voici les dix autres principales raisons de suivre cette finale selon votre humble serviteur :

1) LA QUÊTE DE L’IMMORTALITÉ : La bande à Steph Curry détient présentement l’opportunité unique de franchir le fil d’arrivée avec une fiche immaculée de 16 victoires en autant de matchs. Un exploit dont les Warriors refusent de parler publiquement. Il faudrait toutefois être très naïf de croire qu’ils ne rêvent pas de rajouter cet exploit à celui des 73 victoires acquises la saison dernière. L’équipe qui a frôlé de plus près ladite perfection en séries est la formation de 2001 des Lakers de Los Angeles, avec sa fiche de 15-1. Et dire que les Cavs entament cette finale avec une piètre fiche de 12-1 en séries 2017. Dans l’oubli quasi total.

2) LE POINT CULMINANT D’UNE VRAIE RIVALITÉ : En 2015, les Warriors avaient eu le dessus. En 2016, les Cavs ont réalisé l’impossible en surmontant un déficit de 3-1 (avec deux des trois dernières victoires obtenues à Golden State) pour niveler la série à un trophée partout. C’est cette année qu’on décide qui sera le roi de la montagne. L’animosité entre les deux clubs n’accotera jamais celle des duels Bulls de Chicago c. Pistons de Detroit ou Bulls c. Knicks de New York de l’ère Jordan, mais elle est tout de même réelle et palpable. Ils se connaissent très bien et ne seront jamais de grands amis. Surtout LeBron James et Draymond Green. Ce qui m’amène au point no 3…

3) LEBRON vs DRAYMOND : La confrontation 1 contre 1 la plus en vue du lot lors de cette finale. Draymond est un des défenseurs les plus tenaces et polyvalents du circuit Silver et cette hargne à l’ouvrage sera mise à rude épreuve lors des prochains jours. Le King semble en mission et l’idée de le stopper complètement peut être rejetée instantanément. Mais Green a le gabarit, les aptitudes physiques et l’expérience requise pour à tout le moins l’embêter. S’il tombe en problème de fautes en première demie, je ne vois personne d’autre pour le remplacer. On peut d’ailleurs prétendre que la suspension encourue par le fougueux Draymond lors du match no 5 de la finale 2016 aura fortement contribué à faire basculer la série en faveur de Cleveland.

4) ENFIN, DES MATCHS SERRÉS : Les chances que certains matchs se décident par plus de 10 points, d’un côté ou l’autre, lors de cette finale sont plutôt réduites. Ça ferait un grand bien au partisan de basket moyen qui est tanné de voir des rencontres à sens unique depuis deux mois. Seulement 5 des 30 plus récents matchs ont été décidés par moins de 10 points et rares ont été les séries qui auront capté toute notre attention. Ceci étant dit, la finale de 2016 nous a offert plusieurs hauts et bas et ne devra pas être copiée non plus. Cinq matchs décidés par 15 points ou moins, mais seulement un par moins de 10 points.

5) LE DESTIN DE KD ENTRE SES MAINS : En quittant le Thunder d’Oklahoma City pour les Warriors l’été dernier, Kevin Durant ne s’est pas vraiment fait d’amis. Plusieurs l’ont qualifié de lâche d’avoir abandonné le petit marché du mid-ouest pour se joindre à une superpuissance déjà établie. S’il perd cette finale, les critiques à son endroit et sur sa décision de 2016 reviendront en force. Et s’il gagne cette finale, plusieurs remettront en question le réel mérite de l’obtention de son premier titre en carrière. Bref, il ne peut pas vraiment gagner. Mais une chose est claire, il doit s’assurer d’être un joueur dominant face aux Cavaliers. Car la seule chose pire dans son cas serait de gagner sans avoir vraiment rempli son mandat de super-vedette.

6) DES CHAMPIONS EN TITRE SANS PRESSION : C’est une affirmation difficile à croire, mais tout à fait réelle : les Cavs dans leur ensemble n’ont rien à perdre dans cette série. Les maisons de paris favorisent clairement la troupe californienne et on peut comprendre pourquoi. Ils ont remporté 73 matchs en 2015-16 avant de rajouter un des meilleurs joueurs du circuit à son apogée. Ils ont perdu une seule fois depuis le 11 mars! Ceci leur procure une fiche de 27-1 durant la période et ils gagnent leurs matchs en moyenne par 16 points. Une vraie machine de basket dotée d’une abondance de talent offensif. Je comprends toutefois le point de vue de Kevin Love qui prétendait la semaine dernière être un peu insulté par tous ces experts qui ne donnaient aucune chance ou presque à Cleveland. Ces derniers disputent présentement leur meilleur basket de la saison, menés par Love lui-même qui n’avait pas connu d’aussi bonnes prestations offensives depuis ses années au Minnesota. Les amis de LeBron vont assurément carburer sur cette absence de respect en adoptant la célèbre attitude « Us against the world ».

7) LA CRÈME DE LA CRÈME RÉUNIE : Rarement autant de talent pur aura foulé simultanément un plancher de la NBA que lors de cette finale 2017. James, Steph Curry et Durant figurent parmi les cinq meilleurs joueurs actuels du circuit. Kyrie Irving, Love, Green et Klay Thompson se rajoutent à la liste en tant que joueurs ayant participé à un minimum de deux matchs d’étoiles chacun. Sans oublier les autres protagonistes des Cavs (Tristan Thompson, J.R. Smith, Kyle Korver, Deron Williams) et des Warriors (Andre Iguodala, Shaun Livingston, Ian Clark) qui ne sont pas des pieds de céleri non plus. Je fouillais pour trouver des cuvées avoisinant celle-ci et les candidatures légitimes étaient peu nombreuses. Les duels Lakersc. Celtics de Boston des années 80 se qualifient avec Magic Johnson, Kareem Abdul-Jabbar, James Worthy, Larry Bird, Robert Parish et Kevin McHale. Il s’agit du seul exemple à la hauteur de 2017 à mes yeux. Le fait d’avoir un «super-club» par conférence aura contribué à enlever du lustre aux séries 2017 en général, mais nous offrira en contrepartie une finale plus scintillante et percutante que jamais auparavant.

8) CURRY c. IRVING : Le duel Green/James est un peu plus tape-à-l’œil au premier regard. Mais celui-ci sera celui que je surveillerai avec le plus de curiosité. Ces deux joueurs sont parmi les plus hallucinants de leur génération avec le ballon dans les mains, capables de tout faire. Aptes à changer l’allure d’un match en accumulant les points à un rythme fou. Irving est un des rares dans la NBA à ne pas se montrer intimidé à l’idée d’affronter le meilleur franc tireur de l’histoire du monde entier. Au contraire, historiquement, il semble carburer à ce défi. En finale 2016, la comparaison statistique par rencontre fut plutôt éloquente :

Irving : 27 points, 4 aides, 4 rebonds, 94% au lancer franc, 47% du périmètre, 40% du trois points

Curry : 23 points, 4 aides, 5 rebonds, 93% au lancer franc, 40% du périmètre, 40% du trois points

Et au-delà des chiffres, on se rappellera que Kyrie fut à l’origine de quelques jeux clés de plus que son opposant durant cette série de 2017.

Une tendance que Curry voudra sans doute rectifier. Celui qui aura le dessus dans ce duel aura d’excellentes chances de soulever le trophée à mon avis.

9) LES ENTRAÎNEURS DANS L’OMBRE : En théorie, cette série pourrait se jouer sans entraîneur-chef de chaque côté et l’impact serait relativement minime. Surtout du côté des Cavs où Tyronn Lue joue essentiellement, selon moi, le rôle d’une marionnette dirigée par LeBron James. Soyons francs, le vrai coach et DG des Cavs, c’est le King lui-même. Mais l’intrigue se développe davantage devant le banc des Warriors. Steve Kerr est un des plus respectés à sa position et sa présence sur les lignes de côté aurait pu s’avérer bénéfique lors des moments plus corsés de cette finale. Ses problèmes incessants au dos l’empêcheront probablement (aux plus récentes nouvelles) d’être à son poste au début de la série. S’il revient, ça procurerait sans doute une dose additionnelle d’énergie aux joueurs et aux partisans. Et s’il n’arrive pas à y être, il sera remplacé par Mike Brown. Le même Mike Brown qui avait mené les Cavaliers à des saisons de 66 et 61 victoires entre 2008 et 2010 avant de se faire congédier pour ne pas avoir remporté le titre. Un licenciement que plusieurs attribuent au pouvoir croissant de LeBron à l’époque. Alors dans un cas comme dans l’autre, l’entraîneur en place pour les Warriors ajoutera une touche de piquant au scénario.

10) LE DÉBAT SERA NÉCESSAIRE : Dans le cas d’un éventuel triomphe des Cavaliers, on devra plus que jamais se poser la question suivante : LeBron a-t-il rejoint Michael Jordan comme meilleur joueur de l’histoire? Parce que oui, le palmarès du King sera rendu à ce point garni que la place incontestée de MJ au sommet ne sera plus si claire. Gardez ceci en tête : James aurait quatre titres à sa fiche (contre six pour Jordan). Il dispute une septième finale d’affilée et une huitième au total (alors que Jordan en a joué six en carrière). James vient de dépasser MJ en tant que meilleur marqueur dans l’histoire des séries de la NBA. Il aura 14 saisons en banque à l’âge de 32 ans seulement (Jordan en a joué 15 en se retirant à l’âge de 40 ans).  Et il aura dominé sa profession pendant plus d’années successives que Jordan n’aura pu le faire (pour diverses raisons). Le superhéros de l’Ohio est doté d’une longévité époustouflante. Surtout quand on pense au style de jeu physique qu’il préconise. Personnellement, je pencherais encore pour MJ en raison de sa fiche immaculée en grande finale (6-0) contre le 3-4 actuel de LeBron. Mais la balance ne restera pas en sa faveur bien longtemps si la tendance actuelle se poursuit. Sur le plan personnel, James joue gros lors de cette finale.

L’heure est donc arrivée de me prononcer. Mon verdict : Golden State en 6. LeBron remportera deux matchs de par son désir seulement, mais ce sera insuffisant au final. La défensive des Cavs est un peu trop poreuse et imprévisible à mon goût et les trois francs-tireurs des Warriors sont impossibles à freiner en même temps.

Et vous, de quel côté penchez-vous?