LAVAL, Qc - Avant chaque conférence de presse qui précède un gala de boxe, les journalistes ont la même blague qui revient sans cesse : on mise sur le temps que prendront les boxeurs à nous dire qu'ils viennent de connaître le meilleur camp d'entraînement de leur carrière. Mais dans le cas de Marie-Ève Dicaire, qui affrontera Natasha Jonas en combat d'unification des super-mi-moyennes le 12 novembre à Manchester, cette fois, c'est vrai.

Pour la première fois depuis longtemps, la championne de l'International Boxing Federation (IBF) des 154 livres a connu un camp sans blessure et, surtout, sans report. Dicaire (18-1, 1 K.-O.) voit aussi une autre raison pour laquelle ce camp a été aussi mémorable : elle a pris du temps pour elle.

« Le fait d'avoir pris du temps pour moi, pour récupérer de mes blessures, a fait toute la différence, a-t-elle raconté après sa séance d'entraînement, jeudi. J'ai aussi pu m'ennuyer de la boxe. Je suis tout le temps dans le gym, mais j'ai pu m'ennuyer de faire des camps, de la poussée d'adrénaline. Ça m'a fait réaliser à quel point j'avais besoin de ça dans la vie.

« Je ne suis pas non plus entrée en mode pilote automatique pendant les 10 semaines du camp, a-t-elle poursuivi. De donner une pause à mon corps m'a aussi aidée pour la coupe de poids. Tout ce que j'ai fait, c'est parce que j'avais envie de le faire, envie d'être là. Ça a fait une grosse différence. »

Son entraîneur, Stéphane Harnois, a ressenti la même chose.

« C'est complètement différent. Chaque fois, on dit que notre athlète est supérieur à la dernière fois. Mais cette fois-ci, pour la première fois, nous n'avons pas eu à gérer ses blessures. Le fait qu'elle se soit reposée cet été a aussi été bénéfique. (...) On a vraiment eu du plaisir. De ne pas avoir de blessure à gérer cette fois-ci fait que tout le monde est tout sourire. Il reste juste à passer l'examen du 12 novembre. »

Cet examen, c'est Natasha Jones (12-2-1, 8 K.-O.), championne du World Boxing Council (WBC) et de la World Boxing Organization (WBO), qui accueillera chez elle au Royaume-Uni la championne québécoise. En plus de ces trois ceintures, le magazine The Ring mettra en jeu sa ceinture, réservée aux combats impliquant les deux meilleures pugilistes de la division.

Dicaire est fin prête pour son adversaire, une rare gauchère qui se retrouve sur son parcours depuis qu'elle boxe chez les professionnelles.

« On est dans le peaufinage, a-t-elle confirmé. Mais quand j'ai commencé le camp, chaque maudit entraînement était dur! Je me demandais si j'étais rendue trop vieille pour faire ça. Puis à un certain moment, il y a un déclic qui s'est fait, c'est comme si je m'étais dit : "On passe à un prochain niveau; let's go, on embarque!" (...) Je sens que je suis en pleine possession de mes moyens, que tout le travail est fait », a-t-elle évoqué.

« L'adaptation a été de me préparer pour une gauchère, ce que je n'avais pas fait depuis mon troisième ou quatrième combat. Je vois maintenant tout en gauchère! Un autre aspect (qui joue en ma faveur), c'est que je suis une vraie 154 livres, et elle, elle monte de catégorie de poids. Elle ne pense pas que ce sera à mon avantage : tant mieux! Ce sera juste une plus belle surprise le 12 novembre », a renchéri Dicaire.

Un autre aspect que Dicaire et son clan devront gérer: la foule, hostile, de quelque 20 000 spectateurs réunis à l'AO Arena. La Québécoise de 36 ans ne s'en formalise toutefois que très peu.

« C'est comme un hockeyeur qui vient jouer contre le Canadien de Montréal: tu as hâte de vivre ça. Il ne faut pas se le cacher, avec la pandémie et les dernières années, on a du mal à vendre nos amphithéâtres ici. À Manchester, les partisans de boxe sont là, sont fiers et sont bruyants. C'est un cadeau de vivre ça. Je suis une petite fille de la banlieue de Montréal qui va faire la finale à l'AO Arena, devant une foule qui paie parce qu'elle a envie de me voir. Pour tous les gens qui m'ont dit de passer à autre chose dans ma vie, je vais pouvoir dire que je l'ai fait. Je vois ça comme un beau défi. Je vais triper d'être là », a-t-elle assuré.

« À Flint (dans le Michigan, dans le combat contre Claressa Shields), on se faisait crier des bêtises. Mais ce n'était qu'un petit aperçu. Là, on va tomber dans les ligues majeures, a ajouté Harnois. De mon côté, avec Jean Pascal, j'ai vécu plusieurs trucs du genre. Samuel (Décarie, son adjoint) a aussi beaucoup d'expérience. C'est là que notre expérience va être bénéfique pour Marie-Ève. C'est pour ça qu'on n'a pas refusé d'aller là-bas. »

Le combat entre Dicaire et Jonas sera le clou d'une soirée relevée de huit combats, présentée sur Sky Sports au Royaume-Uni. Les amateurs de boxe du Québec pourront suivre le gala sur les ondes de RDS.