Il y a 20 ans, le Québec se passionnait pour le combat de boxe entre Stéphane Ouellet et Dave Hilton.

Le combat avait alors dépassé le cadre sportif, et s'inscrit maintenant comme un moment charnière du développement de l'industrie de la boxe.

Plus qu'un duel entre deux Québécois, un francophone contre un anglophone, le combat opposait deux générations : celle du jeune Stéphane Ouellet, 27 ans, à celle de Dave Hilton, 34 ans.

« Ç’a été le point de rencontre entre une génération qui a marqué son époque combinée à un nouveau groupe d'athlètes qui voulait prendre le plancher, et qui avait décidé de faire un ménage, a indiqué l’entraîneur Stéphan Larouche. Quand Stéphane avait signé chez InterBox, il avait dit qu’il voulait faire le ménage. Donc tu avais le clan Hilton, extrêmement talentueux et connu en Amérique de Mike Tyson et de Muhammad Ali, contre un Québécois francophone. On a senti à ce moment un engouement qui devait se comparer à Cusson-Hilton, Paduano-Marcotte. Mais ce qui était marquant de ce combat, c'est que partout où on allait, les gens nous parlaient du combat. On en entendait parler partout, partout, partout. On a juste à penser à l'entraînement public qui avait eu lieu à l'hippodrome. Il y avait eu 2000 ou 3000 personnes, comme on voit présentement en Angleterre. »

La confrontation marque aussi une transition entre la promotion de style internationale de la nouvelle compagnie InterBox et celle plus locale qui a fait le succès de Régis Lévesque.

« Ça nous a permis de voir qu'on était capable d'organiser des événements porteurs, que ce n'était pas juste dans le temps de Régis Lévesque qu'ils étaient capables de faire ça, a expliqué Yvon Michel. Et ça a donné de l'espoir pour des gens comme Hans-Karl Muhlegg que ça pourrait devenir rentable éventuellement. Et aujourd’hui, l’industrie de la boxe est une industrie rentable. »

Après les belles années du Forum, le combat a lieu au Centre Molson devant 15 000 spectateurs, et il a été télédiffusé aux États-Unis sur ESPN, ce qui marque à l'époque, un autre virage important.

Le combat est intense pendant 12 rounds. Le poète de Jonquière n'est qu'à 18 secondes de la victoire, quand il se sort volontairement des câbles, ce qui provoque l'intervention de l'arbitre Denis Langlois.

Vingt ans plus tard, les opinions divergent toujours sur l'intervention de l'arbitre.

« Je ne changerai pas là-dessus. J’étais plus impulsif et plus agressif à ce moment, mais je considère toujours que Stéphane était empêtré dans les câbles et donc il méritait un compte de 8 comme c’est écrit dans les règlements de la Régie, a maintenu Yvon Michel. Et si on lui avait donné le compte de 8, il n’aurait resté que quelques secondes au combat et Stéphane Ouellet l’aurait emporté par décision parce qu’il dominait aux points largement. »

« C’était triste de le voir s’effondrer en fin de combat, mais malheureusement, on doit aujourd'hui admettre que l'arbitre avait pris la bonne décision, il s'était sorti la tête du ring et il avait l'air d'un gars qui ne voulait plus boxer, a pour sa part rapporté Larouche. Mais ce qu’il avait fait jusque-là était impressionnant, parce qu’il ne faut pas oublier qu’avant le combat, il n’avait disputé que quatre rounds de "sparring". J’étais donc impressionné de le voir gagner des rounds aux 9e, 10e, et 11e rounds alors qu’il avait eu une si piètre préparation. »

Ouellet a perdu et n'aura jamais pu obtenir un combat de championnat du monde contrairement à Dave Hilton et Éric Lucas par la suite. Difficile toutefois d'affirmer qu'une victoire de Ouellet il y a 20 ans aurait changé le cours de son histoire.

« Stéphane a eu du succès parfois sans bien se préparer et ça lui donnait des forces supplémentaires par la suite pour ne pas bien se préparer, puisqu'il disait : "regardez j'ai fait ça comme ça et j'ai eu du succès". Donc je ne sais pas comment tout ça aurait viré », a laissé entendre le promoteur de GYM.

« Stéphane, c'était une machine à faire vendre des billets, les gens l'adoraient, il avait le charisme, il était bon. Mais malheureusement, il n'était juste pas assez passionné par ça. La boxe, ça finit rarement bien pour les athlètes », a exposé Larouche.

Dave Hilton gagnera le deuxième combat et Stéphane Ouellet savourera enfin la victoire dans le troisième et dernier duel. Quant à l'industrie de la boxe professionnelle québécoise, elle poursuivra sur sa lancée pendant quelques années pour atteindre des niveaux enviés sur la scène internationale.