Aujourd’hui on se retrouve avec une jeune boxeuse de 18 ans qui est décédée cinq jours à la suite d’un combat présenté samedi au Stade IGA de Montréal.

À cause de cet accident, certains détracteurs demanderont encore une fois de plus d’abolir la boxe. D’autres chercheront un coupable de l’accident. 

C’est toujours inquiétant de voir un boxeur ou une boxeuse quitter le ring sur une civière.  Mais il faut être réaliste. La boxe est un sport violent, un sport extrême, tout comme les arts martiaux mixtes ainsi que la lutte, et pourtant nos gymnases sont remplis à craquer d’hommes et de femmes qui veulent rester en forme. Des gens, bien souvent des femmes, qui pratiquent surtout la boxe récréative et d’autres pour apprendre à mieux se défendre en cas d’attaque. 

Sylvain Paradis, qui est entraîneur de boxe à l’Académie Frontenac, me confiait que depuis quelques années, on dirait que les femmes «ont plus de couilles» que les hommes à l’entraînement. D’ailleurs, il y en a environ une centaine sous sa tutelle, dont une dizaine qui sont sérieuses et veulent tenter l’expérience chez les pros. 

Inutile de dire que quand arrive un accident comme celui qui est survenu à Zapata, cela jette une douche d’eau froide sur l’entraînement. 

Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné? 

Depuis samedi dernier, tout le monde se demande ce qui n’a pas fonctionné dans ce combat qui a coûté la vie à Jeannette Zacarias Zapata.

La réponse : c’est la même chose qui est arrivée à Adonis Stevenson. Un accident, une malchance inouïe.

Tout était en règle, et pourtant... Zapata possédait tous ses papiers. Elle avait été vaccinée deux fois contre la COVID-19. À 18 ans, elle était accompagnée de son conjoint Jovanni Martinez, lui aussi boxeur. Sa fiche professionnelle montrait deux victoires contre trois revers et aucun K.-O.. Elle affichait donc un combat de plus que sa rivale Marie-Pier Houle. C’était la première fois qu’elle se battait hors de son pays et seulement son deuxième combat après une absence du ring de trois ans. C’était son deuxième match de six rounds en carrière. Lors de son dernier combat, le 14 mai 2021, elle avait perdu par K.-O./6 contre Cynthia Lozano (8-0-0). 

18 ans ailleurs qu’au Québec 

Zapata a commencé à boxer professionnellement à l’âge de 15 ans dans son pays natal, le Mexique. 

Pour ceux et celles qui croient qu’elle a débuté trop jeune dans la boxe, soulignons que Manny Pacquiao, qui a presque 43 ans, a commencé à boxer professionnellement à l’âge de 14 ans. 

Canelo Alvarez, présentement le boxeur le plus recherché sur la planète, a lui aussi livré son premier combat pro à l’âge de 15 ans. 

L'équipe de Jeanette Zacarias Zapata doit être montrée du doigt

Wilfred Benitez avait 17 ans, 5 mois et 23 jours quand il a coiffé la couronne WBA des super-légers, après sa victoire par décision sur Antonio Cervantes. Lui aussi a livré son premier match chez les pros à l’âge de 15 ans. 

Vasyl Lomachenko, reconnu comme un des meilleurs pugilistes au monde, a participé à 397 combats chez les amateurs, avant de passer chez les pros. Sa carrière amateur remonte à 2002, alors qu’il avait 14 ans. En 2004, il gagnait le championnat d’Europe, la médaille d’argent au Championnat du monde en 2007 et deux médailles d’or aux Jeux olympiques de 2008 et 2012. 

On vieillit vite 

Au Mexique, les enfants vieillissent très vite. Pour vous donner une idée de la situation, laissez-moi vous expliquer le cas de Maria Soledad Vargas, qui a perdu la décision contre Kim Clavel, en finale de la soirée. 

Lors de la conférence de presse avant le duel, on a appris par la voie de l’interprète que Vargas était âgée de 29 ans. Elle est née le 7 mars 1992. Or, elle a déclaré qu’elle dédiait ce combat à ses deux fils de 17 et 6 ans. À moins que le traducteur de l’espagnol au français se soit trompé dans sa traduction lors de la conférence de presse, les chiffres sont bel et bien 17 et 6 ans. Et si elle a un fils de 17 ans, c’est qu’elle l’a eu à l’âge de 12 ans. 

Faisons un peu la lumière

Les « anti-boxe », un peu comme les coquerelles, sortent quand arrive la noirceur. 

On ne peut pas blâmer la Régie des sports du Québec. Elle est reconnue comme un exemple pour les autres Commissions de boxe dans le monde entier. C’est tellement vrai que plusieurs de nos juges sont invités à travailler dans des combats très importants hors du Québec. 

Comment blâmer le promoteur. Il a soumis sa liste des participants à son gala et la Régie les a tous acceptés après investigation et examens médicaux. 

En dépit de ses 18 ans, Zapata avait le droit de monter sur le ring.  Les médecins de la Régie ont procédé à toutes les vérifications d’usage. Ses prises de sang ne montraient aucune anomalie, pas plus que sa tomodensitométrie. Elle avait reçu ses deux doses de vaccin contre la COVID-19. 

Sur le ring, elle semblait en assez bonne forme. Elle a tenu son bout pendant les trois premiers assauts, bien que Houle ait eu le meilleur dans chacun de ces rounds. 

Lors du quatrième et dernier engagement, Houle a pris le dessus du commencement jusqu’à la fin. 

Dans les dernières secondes, Houle est parvenue à placer une solide droite à la tête qui a assommé sa rivale. 

L’arbitre n’a rien à se reprocher 

L’arbitre Albert Padulo n’a rien à se reprocher. L’accident est arrivé dans les derniers instants du round et il s’est interposé avant le son de la cloche, dès qu’il a constaté que Zapata était en difficulté. Officiellement, le K.-O. a été enregistré à 2 minutes du quatrième round. 

Présentement, on est à réviser la tenue du gala qui s’est déroulé au Stade IGA de Montréal, samedi dernier, sous une fine pluie intermittente. Certes on trouvera certaines améliorations à apporter. 

Ce que j’espère c’est qu’on fera appel à quelques boxeurs au lieu de « pousseux de crayons en cravate » pour éclairer la situation. Des pugilistes et des entraîneurs tels Lucian Bute, Eric Lucas, Gaétan Hart, Fernand Marcotte, Jean Pascal, Marc Ramsay, Stéphan Larouche, les frères Grant et les autres. 

La version des boxeurs 

Demandez à n’importe quel boxeur qui a osé monter les trois marches qui mènent sur le ring et il vous répondra que chaque fois qu’il foule le tapis de l’arène, il sait que sa vie est en danger, mais il est prêt à prendre ce risque pour un montant d’argent établi à l’avance. 

C’est vrai qu’il faut un certain caractère pour devenir boxeur professionnel. Ce n’est pas dans les familles les plus riches qu’on les retrouve. D’habitude on les recrute dans les pays les plus pauvres où il n’existe pratiquement pas d’âge pour gagner sa vie en se battant. 

Prenez les cas de tous les boxeurs de chez nous au Québec et vous allez constater que chacun avait une raison de monter sur un ring, soit pour se défouler, soit pour faire sortir cet excès de violence ancré dans le plus profond de lui-même, soit pour sortir de la misère familiale. 

L’inspecteur Pelletier 

Dans les années 50, j’ai eu l’occasion de côtoyer un inspecteur de la police de Montréal du nom d’Ovila Pelletier, un grand, très grand homme. Il était inspecteur responsable de la moralité juvénile du temps. Un parc dans Mercier–Hochelaga-Maisonneuve porte aujourd’hui son nom. 

En 1945, il avait fondé les Clubs Juvéniles de Montréal. Chaque fois qu’un adolescent tombait entre les mains de la police après avoir commis un délit, on évaluait le comportement de la famille et assez souvent l’inspecteur Pelletier décidait d’envoyer ces jeunes de la rue dans des gymnases. Pas seulement pour apprendre la boxe, mais aussi pour apprendre à vivre, apprendre à se socialiser. 

Le destin?

Pour le moment, je ne vois aucun coupable de l’accident cérébral de la boxeuse Zapata.

Parmi les solutions possibles : 

Peut-être que des médecins pourraient rendre les examens d’avant-combat encore plus rigoureux. 

Peut-être que la Régie pourrait être plus sévère dans ses tests pour permettre à certains boxeurs ou boxeuses de pays étrangers de se battre chez nous avant l’âge de 20 ans. 

La Régie pourrait toujours exiger qu’un pugiliste ayant subi une mise hors de combat à cause de coups répétés au cerveau ne puisse retourner sur le ring avant une période de six mois. 

Peut-être... peut-être... peut-être...

J’aimerais bien avoir vos impressions là-dessus. 

Bonne boxe!