Vers une trilogie pour Tyson Fury et Oleksandr Usyk?

Turki Alalshikh n'aura fait languir personne et a rapidement tranché. Sur son compte X il a officiellement annoncé que le combat revanche Oleksandr Usyk (22-0, 14 K.-O.) contre Tyson Fury 34-1-1, 24 K.-O.) aurait lieu le 21 décembre à Riyad et non le 12 octobre comme originalement planifié. 

Ça fait vraiment du sens. En conférence de presse, après sa victoire, Usyk a dit que ça faisait neuf mois qu'il était en camp d'entrainement à cause des deux reports. On se souvient la première date prévue était le 23 décembre 2023, mais le combat de Fury contre Ngannou ayant été plus éprouvant que prévu on a repoussé l'unification des quatre ceintures à février 2024.

Dix jours avant la date de février, une coupure subie par le champion WBC, à l'entrainement, a exigé un nouveau report, cette fois-ci au 18 mai. C'est ainsi que Usyk a dû s'astreindre à trois camps d'entrainement. Durant cette période, il n'a pas vu sa famille, ses enfants grandir, la naissance de sa dernière et il n'a pas célébré le temps des Fêtes. Une situation qui taxe énormément le moral de quiconque et qui exige une bonne transition.

De plus, le combat en soi a été très difficile. La commission athlétique régissant le gala a décrété une suspension du nouveau champion jusqu'au 2 juillet.

De son côté, même si le champion déchu semble tout en contenance et en contrôle publiquement, on connait ses instabilités émotionnelles et il va avoir besoin de temps pour digérer la défaite, rebâtir sa confiance, débriefer avec son équipe et refaire des plans.

On va donc reprendre les hostilités juste avant Noël, un véritable cadeau pour les fans de boxe de partout dans le monde. On ne sait pas encore si le titre de la IBF restera de la partie pour une première défense unifiée des lourds depuis 32 ans, alors qu'Evander Holyfield cédait ses titres WBC, WBA et IBF à Riddick Bowe, le 13 novembre 1992 à Las Vegas.

On sait que l'IBF exige que l'Ukrainien défende son titre contre son aspirant obligatoire, depuis deux ans, Filip Hrgovic (17-0, 14K.-O.), ce qui ne sera pas le cas puisqu'on a déjà annoncé le combat retour.

Egis Klimas, le populaire gérant de Usyk, a fait parvenir une demande d'exemption à l'IBF pour défendre ses quatre titres en décembre. On connait l'historique de l'association présidée par Daryl Peoples qui n'est pas très flexible habituellement. 

Hrgovic affronte le Britannique Daniel Dubois (20-2, 19 K.-O.) dans le cadre du 5 contre 5 Queensberry c. Matchroom à Riyad ce samedi 1er juin pour le titre intérimaire IBF. Le gagnant devrait être opposé à l'ancien champion du monde des lourds Anthony Joshua (28-3, 25 K.-O.) au Stade Wembley, le 21 septembre prochain, un autre événement des « Riyadh Season's ». Eddie Hearn, le promoteur de Joshua, souhaite alors que ce soit pour le titre vacant IBF. 

Cette organisation a été intraitable, cette semaine, envers Canelo Alvarez et lui impose le Cubain William Scull (22-0, 9 K.-O.), son aspirant obligatoire, pour son prochain combat. Devant le refus du Mexicain, on va lui enlever ce titre et décréter un affrontement entre Scull et le Russe Vladimir Shishkin (16-0, 10 K.-O.) pour le titre vacant des super moyens.

Saul « Canelo » Alvarez (61-2-2, 39 K.-O.) ne sera plus champion unifié. On s'attend à ce qu'il défende ses trois autres titres contre son aspirant obligatoire WBO, le New-Yorkais Edgar Berlanga (22-0, 17 K.-O.), en septembre.

Alalshikh, comme un grand maitre d'échecs, prévoit toujours plusieurs coups à l'avance. Il est fort possible qu'il ait assez d'influence auprès des dirigeants de l'IBF pour permettre une défense unifiée des lourds en décembre.

Ce dernier entrevoit une trilogie potentielle, si Fury devait venger sa défaite, quelque part au début du printemps. Ce phénomène exceptionnel pourrait très bien se réaliser.

Voici les grandes trilogies de l'histoire des championnats du monde des lourds :
•    Ali/ Frazier (Ali 2-1)
•    Bowe/Holyfield (Bowe 2-1)
•    Fury/Wilder (Fury 2-0-1)
•    Ali/Norton (Ali-2-1)
•    Patterson/Johansson (Patterson 2-1)

On peut réaliser que ces événements sont plutôt rarissimes!  

Oleksandr Usyk est le champion le plus susceptible de nous faire revivre une telle série. Une victoire contre Fury à son prochain combat et il y a de fortes chances qu'il retrouve Anthony Joshua qu'il a détrôné par décision unanime en septembre 2021, puis a conservé ses ceintures par décision partagées au combat suivant le 20 août 2022.

Stéphane Ouellet contre Davey Hilton Jr. - la meilleure trilogie de l'histoire au Québec

Les amateurs du Québec n'ont pas été trop gâtés du côté de ces séries trilogiques. 

Celle qui a marqué le plus l'imaginaire ici a été Stéphane Ouellet contre Davey Hilton Jr., entre novembre 1988 et septembre 2000, qui s'est terminé 2-1 pour Hilton. 

Le plus vieux des frères Hilton a aussi été impliqué dans une autre trilogie avec Alain Bonnamie entre octobre 1990 et avril 1997 sans faire de grand gagnant, 1 victoire, 1 nulle et 1 défaite de chaque côté.

C'est le même résultat qu'ont obtenu Fernand Marcotte contre l'idole de Régis Lévesque, Eddie « L'Ouragan » Melo, entre octobre 1978 et juin 1980. 1-1-1 de chaque côté.

La carrière de Fernand Marcotte s'est déroulée dans la période où les Québécois se battaient fréquemment entre eux. Il a participé à une autre trilogie avec Joey Durelle entre octobre 1972 et décembre 1974. Marcotte a remporté les deux premiers combats et a fait une nulle au troisième. 

Enfin, on a même eu droit à une quadrilogie entre janvier 1974 et décembre 1977 impliquant Jean-Claude Leclair contre Gerald Bouchard, 4 victoires de Leclair dont 3 par K.-O. 

Celle d'Arturo Gatti contre Micky Ward fut épique

Mais celle qui a capté l'imaginaire du monde entier et qui a assuré à notre Arturo « Thunder » Gatti une intronisation au Panthéon International de la Boxe à Canasota, en 2013, est cette extraordinaire trilogie contre « Irish » Micky Ward qui s'est déroulé entre le 18 mai 2002 et le 7 juin 2003 à Atlantic City. Résultat : 2-1 pour Gatti.

Un autre important gala de boxe le 1er juin à Riyadh en fin de semaine « 5vs5 »

J'évolue en boxe professionnelle depuis 1991 et en 33 ans je n'ai jamais assisté à une année aussi fertile en combats majeurs sur la scène internationale. 

À l'exception de Beterbiev contre Bivol, repoussé à cause d'une blessure au Québécois, tous les combats majeurs qu'on souhaite voir se concrétiser, qui habituellement prennent des années avant que toutes les parties s'entendent, se réalisent.

Semaine après semaine, à un rythme effréné, c'est un feu roulant d'événements aussi significatifs que spectaculaires qui se succèdent. On commence sérieusement à en ressentir les effets positifs sur la popularité globale de la boxe professionnelle.

Même ici, les principaux médias traditionnels comme le Journal de Montréal, La Presse et même le Devoir rapportent de plus en plus régulièrement les nouvelles des péripéties des activités du noble art. On est à l'aube d'une nouvelle ère de popularité pour ce sport qui suscite beaucoup de passion. 

Cette fin de semaine ne fait pas exception et « Riyadh Season's » nous présente encore une fois un gala de six combats impliquant de grandes confrontations déterminantes.

L'événement créatif s'intitule « 5vs5 » alors que les organisations de Matchroom et de Queensberry opposent 5 de leurs boxeurs respectifs et l'organisation gagnante va empocher un boni de 3 millions de dollars.

De ces six confrontations, j'en retiens trois particulièrement. 

WBA des mi-lourds, Dmitrii Bivol contre Malik Zinad 

Ce combat ne fait pas parti du « 5vs5 ». Dmitrii Bivol (25-0, 11 K.-O.) au lieu de combattre Beterbiev pour toutes les billes, devra se contenter de défendre sa ceinture WBA des mi-lourds contre le Libyen Malik Zinad (22-0, 16 K.-O.) qui n'est classé comme aspirant que par une seule association, l'IBF, au deuxième rang.

Le Russe est favori à -2500 ce qui veut dire que pour gagner 100$ on doit miser 2500$ sur Bivol!

Ce combat est une faveur pour Bivol afin de le garder actif en attendant le gros combat. Son défi sera d'obtenir un K.-O. lui qui n'en a pas obtenu depuis le 4 novembre 2017, étant contraint de faire les 12 rounds à ses 10 dernières présences sur le ring.

J'ose croire à une victoire du champion par K.-O. pour la première fois en sept ans. En fait ça commence à être gênant pour ce grand technicien qui voudra montrer qu'il possède une artillerie suffisante pour se faire respecter par Beterbiev à leur prochain rendez-vous.

Lourds, 12 rounds Deontay Wilder contre Zhilei Zhang

Les puissants cogneurs en boxe conservent toujours une aura spéciale et Deontay « The Bronze Bomber » Wilder (43-3-1, 42 K.-O.) fait partie de cette catégorie. 

L'Américain n'a remporté qu'une seule victoire à des quatre derniers combats depuis 2020, mais son nom revient toujours en surface pour des combats majeurs. Il vient tout juste de subir une défaite humiliante contre Joseph Parker à Riyadh, le 23 novembre dernier, mais il est quand même la tête d'affiche principale de « 5vs5 ». Il représente l'équipe d'Eddie Hearn.

Avant même de croiser les gants contre son adversaire chinois, on l'a déjà annoncé pour le premier gala des Saoudiens aux États-Unis, le 3 août prochain à Los Angeles. On souhaite l'opposer au plus grand espoir américain chez les lourds, le jeune surdoué de 24 ans seulement, Jared « The Real Big Daddy » Anderson (17-0, 15 K.-O.).

De plus Eddie Hearn évoquait un intérêt majeur pour une confrontation, avec Anthony Joshua, qui nous a échappé au temps où les deux étaient champions du monde.

Wilder a lui mentionné que son souhait serait un 4e combat contre Tyson Fury.

Alors, ce ne sont pas les intérêts qui manquent pour Wilder. Sa performance à son dernier combat et surtout son discours après, alors qu'il disait ne plus avoir le feu sacré, nous laissent sceptiques.

Son langage cette semaine est différent et il se dit bien disposé à lancer ses torpilles létales de sa main droite explosive qui lui a valu autant de succès. 

Zhilei « Big Bang » Zhang ((26-2-1, 21 K.-O.) est un « late boomer » dans le sens qu'il n'a rien fait de spécial de sa carrière entre ses débuts en 2014 et à l'approche de la quarantaine en 2022. 

Ne devant être qu'une proie facile pour l'aspirant numéro 1 IBF et considéré comme une valeur sûre pour devenir champion du monde, Filip « El Animal » Hrgovic (17-0, 14 K.-O.), c'est par décision serrée et controversée que le Croate a gardé sa fiche vierge. 

Contre-performance de l'un ou éclosion de l'autre, on a eu la réponse à cette question quand Zhang a fait subir le K.-O. 2 fois consécutives à Joe Joyce (16-2, 15 K.-O.) qui était considéré une force de la nature indestructible. 

À son dernier combat contre Joe Parker (35-3, 23 K.-O.), aussi à Riyad en mars dernier, le quadragénaire semblait voguer vers une victoire facile après avoir fait chuter le Néo-Zélandais au 3e et également au 8e pour s'éteindre complètement par la suite et céder une décision majoritaire.

J'aime croire au retour en force de l'Américain dans ce combat. Le gaucher Zhang me fait penser à un autre gaucher du même style et même gabarit, le Cubain Luis Ortiz (34-3, 29 K.-O.). Après des débuts prometteurs et une importante avance aux points après six rounds, Ortiz, un peu lent sur ses pieds et statique, n'a pu éviter la droite de Wilder et les lumières se sont éteintes.

Je m'attends à un scénario semblable et une victoire de Wilder par K.-O. au 7e round.

Championnat IBF intérimaire des lourds Filip Hrgovic contre Daniel Dubois.

L'autre combat qui revêt un intérêt majeur est cet affrontement entre deux espoirs, l'aspirant IBF no 1 Filip Hrgovic (17-0, 14 K.-O.) et l'aspirant no 4 Daniel « Dynamite » Dubois (20-2, 19 K.-O.). Ce dernier était le boxeur favori de mon ami et partenaire Jean-Paul Chartrand.

Les deux boxeurs ont déjà été considérés des valeurs certaines pour prendre la relève, éventuellement, des champions vieillissants. 

Dans le cas d'Hrgovic, 31 ans, on a mis le pied sur le frein après la victoire beaucoup plus serrée que prévu contre Zhang. Il a depuis livré deux combats contre des adversaires choisis.

Dubois alors âgé de 23 ans seulement en 2020 a subi et failli à son premier test contre Joe Joyce, une défaite par K.-O. en 10 rounds.

On l'a rebâti rapidement jusqu'à un combat contre Usyk en championnat du monde en 2023. Une défaite, oui, mais il n'a pas mal paru contre le champion ukrainien et sa valeur n'a pas diminuée. 

On ne lui a pas donné ça facile à sa dernière sortie le 23 décembre dernier contre Jarrell Miller à qui il a fait subir sa première défaite en carrière par un retentissant K.-O. technique au 10e. 

Si on compare le parcours des 2 boxeurs, on a vraiment joué de prudence avec Hrgovic qui ne semble pas s'être développé comme prévu chez les professionnels.

Au contraire, malgré son jeune âge on n'a pas hésité à exposer Dubois en lui donnant test après test et à 26 ans maintenant, c'est avec beaucoup d'expérience et de confiance qu'il se prépare à ce combat de samedi.

Il y a quelques années je n'aurais donné aucune chance à l'Anglais, mais maintenant c'est lui que je favorise pour l'emporter par une décision très serrée. 

Alors Dubois aux points en 12 rounds.

Bonne semaine!