MONTRÉAL – Olivier Aubin-Mercier estime que l’appel a duré 45 secondes. Une minute tout au plus.

Le combattant d’arts martiaux mixtes avait finalement réussi à avoir la ligne avec un représentant de la Santé publique. Il voulait savoir si, comme les athlètes amateurs de haut niveau et les joueurs de hockey professionnels, il lui était possible d’obtenir une dérogation afin de pouvoir reprendre l’entraînement dans des conditions optimales.

Près d’un an après le début de la pandémie, Aubin-Mercier commence à voir la lumière au bout du tunnel. La Professional Fighters League (PFL), l’organisation qui l’a mis sous contrat après son départ de l’UFC, prévoit reprendre ses activités au printemps. Inactif depuis un an et demi, le Québécois peut enfin reprendre le travail avec un semblant d’objectif en tête. Cette perspective lui permet d’envisager des jours meilleurs, autant pour son moral que pour son compte en banque.

Son enthousiasme s’est toutefois buté à la rigidité du fonctionnaire qui a entendu sa requête. « Non », lui a-t-on répondu quand on a compris qu’il ne visait ni les Olympiques, ni la coupe Stanley.

« Est-ce que je trouve que c’est juste? Non. Est-ce que ça fait du sens? Non. Mais bon, ce n’est pas la seule affaire qui ne fait pas de sens ces temps-ci, se résignait le jeune athlète lorsque joint par RDS. Je ne vais pas faire ma victime. Je me suis dit que j’allais essayer de trouver une solution et je pense que j’en ai trouvé une correcte. »

Depuis quelques jours, le « Canadian Gangster » est à Porto Rico. Avec quelques partenaires d’entraînement, il a quitté le Québec pour se greffer à l’équipe de John Danaher, un maître du jiu-jitsu brésilien qui a longtemps fait partie de la garde rapprochée de Georges St-Pierre et qui a récemment quitté la ville de New York avec ses élèves pour s’installer dans les Caraïbes.

Aubin-Mercier a hésité avant d’arrêter son choix sur la « Danaher Death Squad », une équipe hautement spécialisée dans une discipline, mais qui ne peut lui offrir un entraînement aussi complet que ce qu’il retrouve au Tristar et au H2O à Montréal. La récente transformation de Garry Tonon, un champion du monde de jiu-jitsu qui a récemment fait le saut en arts martiaux mixtes, a toutefois piqué sa curiosité.

« [Danaher] est probablement le meilleur pédagogue que je connais. Il explique extrêmement bien les techniques. Ce n’est pas pour rien que son gym est probablement la meilleure école de BJJ No-Gi au monde. Alors j’ai décidé de venir ici, de me faire péter la gueule au sol, mais au moins debout je peux leur montrer des choses. Présentement, je ne vais pas le cacher, le niveau debout est un peu moins élevé qu’ailleurs. Mais au sol, c’est à des années lumières de n’importe quel gym où je suis allé. »

Aubin-Mercier prévoit rester sur l’île pendant au moins un mois, après quoi il réévaluera ses options. Mais il sait que chaque journée qui commence pourrait être la dernière de son périple. Les discussions qui ont cours sur le sort qui devrait être réservé aux voyageurs canadiens à l’étranger l’inquiètent et il ignore si le changement qui s’opère à la présidence des États-Unis aura un impact sur ses déplacements.     

« On est tellement dans le noir présentement que je ne veux pas me prononcer. [...] Mais je devais prendre une décision. Ça n’a pas été une décision facile. J’ai zéro le goût d’être ici. Ça me fait de la peine. Je ne comprends pas pourquoi je dois quitter mon pays, ma famille. C’est juste tough. Mais bon, au moins il fait soleil, il fait beau et le monde me déteste sur Instagram! »

« La plus dure année de ma vie »

Entre ses blagues et ses éclats de rire habituels, Aubin-Mercier peine à cacher sa tristesse. Les derniers mois ont mis sa joie de vivre à rude épreuve et l’année 2021 s’amorce sans la personne qui l’a le plus aidé à garder le sourire, sa fille Lily-Anne.  

« Je te dirais que c’est la plus dure année de ma vie. Je pensais que c’était tough avoir une défaite. Je pensais que c’était tough avoir trois défaites de suite! Pis c’est rien, t’sais. Pour vrai, une chance qu’elle est là. C’est elle qui mettait du bonheur dans ma vie. Je ne faisais plus rien. Je pense que je suis quelqu’un de fonceur, et là on m’empêche de faire ce que j’aime. Oui, je trouve ça vraiment difficile. »

« Mais je ne vais pas jouer la victime, renchérit-il. Je suis vraiment triste pour ceux qui n’ont pas de but présentement, qui sont obligés de rester chez eux. Ok, là, j’ai un peu d’émotion parce que j’ai été obligé de venir ici, mais ça, ce n’est pas grave, il n’y a rien là. Au moins j’ai un but. J’ai quelque chose, je m’entraîne, je vais pouvoir me battre. J’ai un but et c’est ce qui me motive présentement. Je pense que je suis chanceux pour ça. »

Aubin-Mercier se console aussi d’avoir été relativement épargné par le virus de la COVID-19, qu’il a contracté au mois de décembre. À l’exception d’une petite toux, de légers maux de tête et d’une histoire abracadabrante qui parle d’odorat perdu et de repas brûlé, il s’en est bien tiré.

Et c’est lorsqu’il se dit que la chance ne pourra rien pour lui lorsqu’il entrera de nouveau dans la cage que son exil prend tout son sens.

« Je ne pouvais pas faire mon camp [dans les conditions qui existent au Québec]. J’aurais eu plus de chances d’avoir des séquelles de mon prochain combat que du corona », raisonne-t-il.