Le Championnat canadien de curling masculin débute ce week-end en provenance du Mile one Centrede St. John's, à Terre-Neuve. Ce sera la première fois depuis 1972 que ce grandiose événement sportif canadien aura lieu dans cette province. Ce championnat de curling est beaucoup plus qu'une compétition visant à couronner les champions canadiens et qui représenteront le Canada aux prochains Championnats mondiaux. C'est aussi un des évènements culturels et sportifs les plus importants au Canada. Il se compare sans gêne aux festivités entourant les matchs de la Coupe Grey ou autres compétitions sportives majeures tenues annuellement en sol canadien.

Les festivités entourant le Brier, comme on désigne cette compétition qui existe depuis 1927, vont s'étaler sur plus de 12 jours de compétition accompagnés d’activités protocolaires et sociales. Quiconque a eu la chance de mettre les pieds dans un « Brier patch » (gigantesque bar et salle de spectacle pouvant contenir des milliers de personnes) au cours de sa vie, sait très bien que l'action qui se déroule sur les glaces n'est parfois qu’un prétexte pour se rassembler, suivre un de ses sports favoris, faire la fête et socialiser avec des milliers d'autres amateurs.

À partir des années 1990, l'engouement des Canadiens pour cet événement est devenu si grand qu'il fût durant de nombreuses années impossible d'imaginer la tenue du Brier loin des grands amphithéâtres du pays des plus grands centres urbains. Les chances de Moncton, St. John's, Sudbury et Chicoutimi, entre autres, étaient bien minces.

Durant plusieurs années, la bataille des records d'assistance se faisait entre Edmonton, Calgary, Regina, Saskatoon et Winnipeg. L'Ouest canadien étant en quelque sorte la Mecque du curling canadien, Curling Canada ne songeait même pas à regarder ailleurs au pays (mis à part Halifax, qui hébergeait la compétition chaque sept ou 8 ans afin d'être   'politicaly correct' et représenter l'est du pays).

Les heures de gloire en terme d'assistance ont débuté en 1997, alors que  223 322 spectateurs ont franchi les tourniquets du Saddledome à Calgary pour voir évoluer les meilleurs joueurs de curling canadiens. Le record a été établi en 2005 au Rexall Place d'Edmonton, où plus de 281 000 spectateurs ont assisté aux neuf jours de compétition!

À partir de 2006, le chiffre d'assistance a diminué drastiquement. L'an dernier, au TD Place Arena d'Ottawa, 115 047 ont payé assisté à l'événement.

Comment expliquer une baisse si importante du nombre de spectateurs alors que le curling n'a jamais connu une aussi grande popularité depuis les débuts de l'ère olympique en 1998 ? Vu auparavant comme un sport de participation, le curling est maintenant considéré comme un sport d'élite. La reconnaissance des qualités athlétiques des joueurs de curling n'a jamais été aussi élevée depuis que le Canada remporte avec régularité  des médailles olympiques. Nous sommes très loin de l'image du curling que projetaient Ed Wernick et Alison Goring, pour ne nommer que quelques-uns des champions canadiens avant l'ère olympique.

Selon mes observations, plusieurs raisons peuvent expliquer cette baisse au niveau des assistances. Certaines sont sociologiques, alors que d'autres sont démographiques ou d'ordre technologique.

Si les assistances baissent, les cotes d'écoute sur les différents réseaux de télévision sont à la hausse.  Aux États-Unis, où le curling ne possède pas le centième de joueurs actifs que l'on peut retrouver au Canada, les cotes d'écoute lors des Olympiques étaient parmi les plus élevées parmi les sports présentés. À un point tel que le réseau NBC, qui détenait les droits lors des Jeux de Sotchi, présentait deux matchs de façon simultanée sur deux de ses chaînes! Même ici au Canada, la couverture médiatique n'était pas si grande.

Le curling est un très bon sport pour la télévision. La couverture proposée par les différents réseaux dont RDS fait partie offre aux amateurs de curling un point de vue presque plus intéressant que si on était assis sur un banc dans l'amphithéâtre où a lieu la compétition. Les différents angles qui sont offerts, les reprises vidéos et les micros sur les joueurs font de ce sport un des plus intéressants télévisuellement. Ces performances médiatiques nuisent en quelque sorte à l'assistance en général lors de la présentation de ces tournois d'importance au pays.

L'autre facteur à considérer est sans doute le plus grand nombre de compétitions d'importance offertes en sol canadien. Il y a quelques années, le Tournoi des Coeurs chez les dames, le Brier chez les messieurs et le Championnat du monde une fois tous les deux ou trois ans étaient les seules occasions pour les amateurs de curling de se rassembler et d'assister à un tournoi d'envergure.

Depuis quelques années, un Championnat du monde a lieu en sol canadien sur une base annuelle. Le niveau de compétition s'y retrouvant s'est également grandement élevé depuis le début de l'ère olympique. Il y a aussi d'autres compétitions majeures qui se sont ajoutées, notamment la Coupe continentale, la Coupe Canada, les tournois du Grand Chelem, les essais olympiques, si bien que le nombre d'amateurs qui avaient l'habitude de suivre le Brier d'année en année a quelque peu diminué.

Le bon coté de la médaille d'un tel changement dans les habitudes des amateurs de curling Canadien fait en sorte que Curling Canada peut désormais se permettre déplacer ses Championnats canadiens dans de plus petits marchés, au grand plaisir cette année des habitants de Terre-Neuve/Labrador. Ceux -ci pourront voir pour la première fois voir leur héros national en personne sur les glaces. Le médaillé d'or olympique Brad Gushue participera en effet à ce Brier présenté dans sa propre ville. L'édition 2017 du Brier pourrait bien être l'année ou celui-ci va remporter son premier titre canadien chez les messieurs (il a déjà remporté des titres canadiens juniors). Si cela n'est pour l'instant qu'une probabilité, il y a néanmoins une certitude : le Brier 2017 risque d’être un des plus lucratifs per capita dans l'histoire de ce Championnat.

Dorénavant, plusieurs provinces ou villes qui n'étaient pas dans la course il y a quelques années à peine, peuvent maintenant envisager de pouvoir tenir un Championnat canadien majeur sur leur propre territoire. Le Québec n'a pas été l'hôte d'un Brier depuis 1988 à Chicoutimi. Peut-être qu'avec cette nouvelle réalité, des villes comme Montréal, Québec et d'autres pourront rêver dans un avenir rapproché d'être impliquées dans un des événements sportifs les plus importants au pays.

En attendant que ce rêve prenne réalité pour les amateurs de curling québécois, je vous invite à plonger et vous imprégner autant que possible de l'atmosphère de fête qui a déjà commencé à régner à St. John's depuis jeudi dernier. Un des meilleurs endroits pour goûter et s'impliquer autant que possible est de surveiller sur les ondes des RDS et RDS2 l'ensemble des parties qui seront télédiffusées lors de ce Brier historique.

Histoire de m’amuser et de donner aux amateurs l'occasion de me le remettre sur le nez si je me trompe royalement, je prévois une victoire de Brad Gushue et sa troupe. La compétition sera cependant très féroce avec de nombreuses excellentes formations.

Alors dans l'ordre...

Médaille d'or : Gushue (Terre-Neuve/Labrador) ;

Médaille d'argent : John Morris (Colombie-Britanique) ;

Médaille de bronze : Kevin Koé (Équipe Canada) ;

Quatrième place : Jean-Michel Ménard (Québec) ;

Bon Brier!