ROUBAIX, France - Il s'est rapproché de son rêve de gagner les cinq monuments du cyclisme: à 36 ans, le Belge Philippe Gilbert a remporté dimanche Paris-Roubaix, une course qu'il courait seulement pour la troisième fois.

« C'est un un rêve un peu fou que j'ai eu voici une dizaine d'années », a souri Gilbert, l'un des grands palmarès du cyclisme. Il ne manque plus au champion du monde 2012 que Milan-Sanremo pour rejoindre les trois coureurs des années 1960 et 1970 (Van Looy, Merckx, De Vlaeminck) qui ont gagné les cinq plus grandes classiques, les fameux « monuments ».

Le Wallon qui s'est tourné tardivement vers les classiques de pavés a magistralement conclu une journée ensoleillée mais froide. Dans un sprint à deux sur le vélodrome de Roubaix, il a logiquement pris le dessus sur l'Allemand Nils Politt, déjà remarqué l'an passé (5e).

Épuisant pour Hugo Houle

À son départ de Compiègne, Hugo Houle ne s’attendait pas à connaître autant de difficultés sur les 257 kilomètres que comptait cette épreuve cycliste.

« C’est la course la plus difficile pour moi chaque année », a rappelé le porte-couleurs d’Astana.  

Bien en selle pour les 200 premiers kilomètres, le Québécois a frappé un mur avec moins de 60 kilomètres à parcourir. « J’étais dans le groupe de tête et j’étais bien placé, mais ça m’a lâché tout d’un coup. J’ai eu une panne d’énergie et je n’avais plus de jambes. J’ai souffert pour rallier l’arrivée. Je n’avais plus de forces ni d’énergie », a raconté l’athlète de Sainte-Perpétue.

Houle a quant à lui fini 78e à 15 minutes 51 secondes. « Je n’ai pas eu beaucoup de plaisir, c’était vraiment éprouvant physiquement et j’ai laissé vraiment tout ce que j’avais. J’ai souffert beaucoup, mais je suis content d’avoir terminé », a mentionné celui qui a eu de la difficulté à s’alimenter pendant la course, ce qui pourrait expliquer son manque d’énergie.

Le Belge Laurent De Vreese, 25e à 2 minutes 36 secondes, et l’Italien Davide Ballerini, 31e à 4 minutes 25 secondes, ont obtenu les meilleurs résultats de la journée pour Astana. « Malheureusement David a chuté dans le carrefour de l’arbre, le dernier secteur. C’est dommage, car il faisait une bonne course. Laurent De Vreese était aux avant-postes », a souligné Houle à propos de ses coéquipiers.

Hugo Houle prendra le chemin du Québec lundi et s’accordera une période de repos. « Je commence à être usé et ça va faire du bien de me ressourcer à la maison. Je vais en profiter pour bien recharger mes batteries et récupérer », a-t-il expliqué.
Le cycliste sera de retour sur son vélo en vue du Tour de Californie qui commencera le 12 mai.

Le triomphe de l'équipe Deceuninck

Le champion de Belgique Yves Lampaert a complété le triomphe de l'équipe Deceuninck en prenant la troisième place, à une quinzaine de secondes. La formation belge a placé encore deux des siens dans les dix premiers, Florian Sénéchal, qui a réglé le sprint du premier groupe (premier Français à 6e place), et le Tchèque Zdenek Stybar (8e).

Après l'arrivée, Gilbert s'est écroulé en pleurs dans les bras du patron de l'équipe belge, Patrick Lefevere. Il a signé le 58e succès belge (un record !) dans la « reine des classiques », pour l'anecdote sa deuxième victoire de l'année.

« Quand j'ai décidé de me mettre à fond sur les classiques de pavés, beaucoup de gens ont dit que ce n'était pas pour moi », a expliqué Gilbert. « Mais j'ai transformé mes qualités, qui étaient d'abord de puncheur. Je suis devenu un coureur un peu différent et j'ai gagné le Tour des Flandres (en 2017). »

Malade peu avant le Tour des Flandres, qu'il a abandonné après quelque 200 kilomètres, le Belge s'est refait une santé durant la semaine. « Je sentais que la forme revenait au fil des jours, ça m'a mis en confiance », a-t-il dit. « Et je pense avoir fait une belle course tactiquement. »

Chutes, incidents et belles histoires

Seul en tête, Gilbert a eu l'intelligence de couper son effort avant les pavés de Mons-en-Pévèle à plus de 50 kilomètres de l'arrivée. Il a attendu le renfort de Lampaert et a défié ensuite le vainqueur sortant, le Slovaque Peter Sagan, sur le bitume d'abord puis sur les exécrables pavés du Carrefour de l'Arbre.

Sagan a gardé le contact mais a payé ses efforts sur le secteur suivant (à Gruson), pourtant beaucoup moins difficile, après une accélération de Politt. Privé d'énergie, l'ex-champion du monde a dû laisser partir ses compagnons pour prendre finalement la 5e place de la course.

La course, tendue en permanence (43 km/h malgré le vent défavorable), s'est avérée épuisante pour nombre de ses acteurs. Notamment pour le Belge Wout Van Aert, le plus impressionnant sur les pavés mais contraint à deux courses-poursuite après un incident mécanique dans la Trouée d'Arenberg puis une glissade dans un virage suite à un changement de vélo. 

Toujours riche en incidents (Tiesj Benoot dans le pare-brise arrière d'une voiture d'équipe !), Paris-Roubaix compte aussi son lot de belles histoires. Par exemple, la 9e place d'Evaldas Siskevicius, de la modeste équipe Delko Marseille invitée par les organisateurs. L'an passé, le Lituanien était arrivé bon dernier au vélodrome, hors délai. Mais les portes avaient été rouverte pour lui, en signe de respect pour son courage et sa détermination.