Par Alban Quénoi - Les projets esports adressés à la jeune génération se multiplient depuis environ deux ans. Précurseur en la matière, la polyvalente d’Arvida au Saguenay a entamé cet automne la deuxième année de sa concentration esport-études. L’occasion d’en apprendre un peu plus sur le projet et de faire le bilan de cette première année avec Frédéric Michaud, directeur du projet.

Défaire le mythe de l’isolement

 

Le projet esports d’Arvida est né en mars 2017, émergeant d’une simple idée : proposer une offre à des jeunes qui ne trouvaient pas leur compte dans les activités physiques traditionnelles. Le directeur du centre d'entraînement déjà en partenariat avec la polyvalente d’Arvida, Éric Gravel, décide alors de s’associer avec son ami de longue date Frédéric Michaud, des solutions informatiques INSO, pour proposer une alternative à ces adolescents.

 

L’objectif est clair : défaire le mythe de l’isolement, et développer chez les jeunes le travail en équipe et leur sens du collectif. “C’est une clientèle spécifique”, explique Frédéric Michaud. “L’échantillon qu’on va voir dans le sport électronique n’est pas forcément celui qu’on va retrouver dans le baseball ou le soccer. Ce ne sont pas des sportifs naturels, il faut une approche différente”.

 

Le concept novateur emballe instantanément le directeur de la polyvalente d’Arvida, qui comporte 1200 élèves. Le programme se décompose en trois volets principaux. “Sur une cellule de neuf jours, les jeunes vont avoir trois après-midis de sport traditionnel, trois après-midis de formation académique, que ce soit informatique ou éducatif au niveau du jeu vidéo, et la troisième journée sera du jeu vidéo encadré qui va se faire toujours en équipe, (...) sur deux jeux présentement qui sont league of legends et overwatch”, détaille Frédéric.

 

 

Répliquant les cursus de sport-études, les élèves doivent maintenir un niveau académique suffisant sous peine d’être retiré du programme, les heures de cours étant réduites aux matinées.

 

Côté matériel, l’infrastructure comporte 24 PC de jeu, un écran tactile de 75 pouces pour l’enseignement et l’analyse de jeu, ainsi qu’une PlayStation 4 et une XBOX One.

 

Le projet implique cinq personnes au total : un coach en charge de la partie esports, un enseignant pour la partie académique, une personne pour la salle de plyométrie ainsi qu’un entraîneur sportif, et Frédéric, directeur de la concentration.

 

Une fois le projet validé au mois de mai, le premier gros défi fut donc la mise en place de l’infrastructure du programme sous les trois mois, pour être prêt à accueillir les premiers élèves dès le 1er septembre 2017. La première vague d’inscriptions s’élève alors à 35 candidatures d’élèves de secondaire 3 à 5. Seulement 18 furent retenues, ayant le niveau académique requis pour le programme.

 

La concentration a reçu le prix d'excellence de la FCSQ

 

Objectifs atteints pour l’esport-études

 

Et les résultats sont probants pour le directeur de la concentration. Seuls deux élèves devront reprendre le cursus classique, faute de résultats satisfaisants. Mais surtout, les étudiants s’émancipent, s’ouvrent, et se découvrent des qualités de leadership. La progression dans le jeu est également remarquable pour certains. “Beaucoup de jeunes ont découvert ces jeux-là”, nous explique-t-il. Certains ont grimpé les échelons de manière significative, accompagnés par leur entraîneur Jean-Michel Gagnon qui n’hésite pas à donner de son temps pour assister les jeunes compétiteurs en ligne, y compris en dehors des heures de cours. De plus, les jeunes n’ayant jamais connu la structure sport-études, avec moins d'heures de cours, doivent apprendre à se responsabiliser.

 

Cette première année de lancement est une réussite pour l’équipe. La seconde saison a reçu onze inscriptions de plus, et a étendu son programme aux élèves des classes de secondaire 1 et 2, pour monter à 28 jeunes. Bien évidemment, des ajustements ont dû être faits, tirant les enseignements de l’année pilote, car le nouvel échantillon est bien différent de celui de l’an passé, détaille Frédéric Michaud. “On a des jeunes de 6e année qui montent en secondaire 1, donc des jeunes qui ont déjà de bonnes notes et qui connaissent déjà cette structure, mais aussi certains qui ont changé de concentration”.

 

Démocratiser la pratique éducative

 

Quant au futur, il semble radieux pour Frédéric : “On pense passer l'an prochain à trois classes, avec entre 40 et 45 jeunes. D'ici 5 ans, avec l'effervescence du sport électronique, on devrait avoir entre 60 et 72 jeunes : trois classes de 24 étudiants maximum, se répartissant sur les trois volets du programme”.

 

L’autre ambition est d’exporter le concept, et le proposer à d’autres écoles intéressées à entrer dans le monde du jeu vidéo compétitif, ainsi que s’étendre à d’autres types de jeux comme Hearthstone, jeu de cartes moins axé sur l’action et la précision, mais plutôt sur la réflexion rapide, l’anticipation et le calcul.

 

Dans tous les cas, le programme esports-études de la polyvalente d’Arvida semble porter ses fruits. S’appuyer sur une passion, l’encadrer et s’en servir de catalyseur, et non la rejeter pour ses possibles travers néfastes. Frédéric Michaud cite en exemple une de ses élèves, de prime abord introvertie, et qui n’hésite pas à prendre en main et mener ses troupes sur les batailles virtuelles.

 

Le sport électronique, une fois compris et canalisé, se transforme en moteur pédagogique : une nouvelle facette pour l’éducation des jeunes générations.