Encore gonflés à bloc de leur travail de démolition aux dépens des Lions de la Colombie-Britannique, les Alouettes voudront prouver que leur exceptionnelle deuxième moitié de saison n’avait rien d’un hasard. C’est toutefois un autre type de défi qui les attendra à Hamilton dimanche, lors de la finale de l’Est.

À l’attaque la question qui brûle toutes les lèvres présentement est la suivante : qui d’entre Tyrell Sutton, Brandon Rutley et Chris Rainey sera utilisé au poste de porteur de ballon?

La réponse à cette interrogation revêt une grande importance, puisque la dernière fois que les Alouettes ont joué au Tim Hortons Field, leurs demis offensifs ont été menottés de bout en bout. Au total, les membres du champ-arrière avaient cumulé seulement 17 verges au sol, et le quart substitut Tanner Marsh avait été le « meilleur » avec une récolte 10 verges sur quatre courses. Tyrell Sutton n’avait obtenu que cinq portées, et il avait été tenu en échec par le front défensif des Tiger-Cats.

Étant donné que c’est la force des Montréalais, ça s’était avéré un bien mauvais choix que d’abandonner cette facette de l’attaque, avec le résultat que l’on connaît, une victoire décisive de 29-15 des Ticats qui leur avait procuré l’avantage du terrain pour la finale de l’Est. Le coordonnateur à l’attaque Ryan Dinwiddie devra faire en sorte de ne pas renouveler l’expérience. Au contraire, il devra faire preuve d’une grande patience avec ses porteurs de ballon dans le but de ménager l’unité défensive des Als. Lorsque fraîche et reposée, cette dernière est absolument extraordinaire.

Quant au quart Jonathan Crompton, il ne doit pas tenter d’en faire plus lors des parties précédentes. Ce n’est pas un secret pour quiconque : on espère de lui qu’il privilégiera la course pour ainsi se donner des opportunités de faire feu dans le jeu aérien. S.J. Green et Duron Carter demeureront ses cibles favorites, mais il devra justement garder un œil attentif sur ses autres receveurs car il affrontera une défensive plus solide et plus complexe. Orlando Steinauer est un coordonnateur défensif expérimenté. Il va assurément tenter d’enlever à Crompton ses premières lectures, d’où l’importance d’aller avec plus de régularité vers son troisième ou quatrième receveur, chose qu’il n’a pas fait suffisamment récemment. Est-il trop tard pour lui en demander autant, alors qu'on se trouve en éliminatoires? Possiblement, mais c’est une étape cruciale de sa progression.

En dépit de multiples lacunes en attaque, la défensive montréalaise est assez dominante pour fournir au reste de l’équipe une très bonne chance de remporter la Coupe Grey, et les décisions de Dinwinddie doivent refléter cette réalité.

Un groupe talentueux et acharné

Au plan tactique, les Alouettes n’ont rien à envier à leurs adversaires de dimanche. Grâce à ses qualités de fin stratège, Noel Thorpe excelle lorsqu’il s’agit d’apporter des ajustements au beau milieu d’un match. Si l’équipe adverse connaît une bonne séquence offensive, peu importe que le succès provienne de l’attaque aérienne ou de l’attaque au sol, Thorpe identifie rapidement les éléments à changer au système. On en a eu une preuve tangible dimanche dernier lors de la demi-finale contre les Lions. Les visiteurs couraient avec une grande assurance au premier quart, multipliant les gains de 10 verges et plus, avant d’être complètement neutralisés une fois les modifications apportées par les troupiers de Thorpe.

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C’est un luxe fabuleux que de compter sur une unité capable d’ajuster son jeu au contexte aussi aisément. La défense des Als est aussi apte à générer énormément de pression qu’à jouer de façon plus conservatrice en se repliant en couverture. C’est un véritable casse-tête pour l’équipe adverse de deviner les intentions d’une groupe aussi polyvalent.

En plus du degré de talent élevé de la défensive redoutable des Moineaux, elle se démarque aussi par le niveau d’énergie inégalé qu’elle déploie match après match sur le terrain. Bien franchement, j’ai rarement vu cela dans l’histoire récente des Alouettes. Même en avance par 47 points sur les Lions, les joueurs ont conservé la même ferveur, courant tels des enragés d’un côté à l’autre du terrain afin de réaliser des plaqués.

Le pointage importait peu ; c’était simplement une question de fierté. Nonobstant du scénario, on peut être certain que la défensive des Als se donnera corps et âme. L’entraîneur des Lions Mike Benevides (relevé de ses fonctions jeudi) a été catégorique après la défaite des siens au Stade McGill : en jouant ainsi, la défensive donne une vraie bonne chance aux Alouettes d’être champions.

Météo faite sur mesure pour la course

Les prévisions météorologiques laissent entrevoir une journée froide, avec une forte possibilité de précipitations sous forme de pluie ou de neige. Le dernier match entre les deux clubs s’était déroulé dans des conditions semblables, et j’avais avancé que c’était à l’avantage des Alouettes. Même s’ils s’étaient inclinés, je persiste à dire que ça sied bien à une formation qui préfère se fier à son jeu au sol. C’est à eux de capitaliser car à leur dernière confrontation, la météo n’a pas été le nœud du problème. Le niveau d’effort plus faible qu’à l’habitude a eu raison d’eux. Compte tenu des enjeux, je ne m’attends pas à ce que ce soit une source d’inquiétude cette fois-ci.

L’un des dossiers à surveiller de près dans les 48 prochaines heures sera l’évolution de l’état de santé de l’excellent receveur des Ticats Andy Fantuz, qui soigne encore une blessure à un muscle ischio-jambier. Son retour au jeu est loin d’être certain pour cette finale de l’Est, et advenant une autre absence, ça se ressentirait tôt ou tard. Les entraîneurs ont sûrement été encouragés de voir Fantuz faire quelques exercices légers en solo lors de l’entraînement de jeudi.

Fantuz, un vétéran aux mains sûres, est une pièce maîtresse de l’offensive des Tiger-Cats. Il est une grosse cible pour le quart Zach Collaros, et s’avère particulièrement fiable sur les deuxièmes essais. Fantuz est aussi du moule des receveurs qui n’hésitent pas à se rendre au milieu du terrain pour effectuer les attrapés contestés en plein trafic. Le jeune Luke Tasker a montré de belles choses durant son absence – surtout contre les Alouettes il y a deux semaines justement – mais je maintiens que sans son vétéran, la troupe de Kent Austin pourrait trouver le temps long à l’attaque.

Finalement, les membres des unités spéciales doivent être prêts à tout. Il n’est pas rare dans la LCF qu’un club essaie de faire tourner le vent en sa faveur en tentant un jeu truqué. Les équipes sont prêtes à faire cela afin d’avoir une possession supplémentaire. Il est inacceptable de ne pas être préparés pour ce genre de jeux surprises. Les Alouettes ont connu des ennuis en situations de bottés courts, et ont déjoués quelques fois par d'autres feintes. Une attention particulière devra être portée à ce type de détails, et je suis persuadé que Tom Higgins le répétera dans son discours d’avant-match.

*propos recueillis par Maxime Desroches