MONTRÉAL – Depuis qu’il a pris les rênes de l’équipe, Kavis Reed n’a pas tardé à implanter sa vision en procédant notamment aux acquisitions de Darian Durant, Ernest Jackson et Jovan Olafioye, en plus de se départir d'éléments tels que S.J. Green et Jeff Perrett. Dimanche, son premier repêchage dans la chaise de directeur général des Alouettes constituera une autre étape déterminante dans ce sens.

Le hic, c’est que Reed devra probablement – à moins d’une transaction – composer sa première récolte sans choix de première ronde. En effet, ce choix avait été cédé par Jim Popp dans la transaction pour acquérir Vernon Adams fils, qui a perdu son poste de partant au profit de Durant.

« Dans les derniers mois, on a effectué beaucoup de recherches sur les joueurs admissibles à ce repêchage. On a bâti un plan de match qu’on va essayer d’exécuter tout dépendant de la première sélection et si on a des occasions de grimper, on va explorer le tout », a confié Reed aux médias montréalais, jeudi.

Pour l’instant, le directeur général des Oiseaux entamera ce processus avec huit tours de parole. La première sélection devrait survenir au 12e rang et il détient deux choix en sixième ronde sur le repêchage qui en contient huit.

Éric Deslauriers, qui coordonne le processus du repêchage pour une première fois, admet que l’absence de choix en première ronde fait mal.

« Oui, c’est sûr et certain, je ne peux pas le cacher. Ce serait quelque chose que j’aimerais avoir à ma disposition. En même temps, ça nous a permis d’obtenir un quart-arrière qui nous a aidés à gagner des matchs la saison dernière et qui va apporter de la stabilité à notre partant », a réagi Deslauriers, qui porte le titre d’analyste du recrutement national.

« On verra selon les occasions qui se présenteront, mais on demeure confortables au 12e rang. Si on reste à ce rang, on dispose d’assez de choix pour améliorer notre organisation. Je crois que nos prévisions sont assez détaillées pour savoir quels joueurs pourraient être encore disponibles à notre tour », a renchéri Reed sur le sujet.

Outre les nouveaux visages et ceux qui ont quitté, le plus grand changement initié par Reed se situe au niveau du ratio des joueurs canadiens et internationaux. Il a décrété que c’était préférable de procéder à des modifications pour insérer des joueurs américains à des positions névralgiques comme sur la ligne offensive. Par conséquent, l’unité défensive devra se débrouiller avec plus d’éléments canadiens, ce qui rend la profondeur essentielle.

« À mon arrivée, j’ai établi comme priorité d’ajouter de la profondeur à nos ressources canadiennes. On va définitivement regarder pour le faire du côté de la tertiaire, il y a des besoins à ce chapitre. On évaluera aussi les options pour les secondeurs et la ligne défensive. Au plan offensif, on surveillera de près les possibilités pour les porteurs de ballon, on voudrait ajouter de la profondeur de qualité. C’est important de s’assurer de miser sur de la flexibilité pour le ratio », a décrit Reed quant aux besoins les plus pressants de son organisation.

La qualité des joueurs de ligne défensive représente l’un des points forts de l’encan 2017. Par contre, l’état-major n’entend pas se ruer sur eux pour ce motif.

« On a investi beaucoup sur cette position, on considère que nos joueurs canadiens sont des athlètes de qualité. Ce n’est pas notre priorité, mais c’est toujours avantageux de regarder pour de la profondeur, il faut avoir des solutions lorsque des blessures surviennent », a répondu Reed en faisant référence aux acquisitions des Canadiens Keith Shologan, Jabar Westerman et l’Américain Denzell Perine, qui viendront s’ajouter à des athlètes comme John Bowman et Gabriel Knapton.

La priorité au talent québécois et le piège de la NFL

À la suite des déboires récents, les dirigeants des Alouettes auraient sans doute souhaité miser sur un excellent « millésime » pour regarnir les coffres. Toutefois, le portrait ne se présente pas ainsi.

« Je ne peux pas cacher que ce n’est pas la cuvée avec le plus de profondeur. Mais il y a quand même de très bons joueurs et on l’a vu juste avec le joueur repêché dans la NFL (Justin Senior) et les autres gars qui ont signé des contrats. Il y a des joueurs qui seront encore très bons dans 10 ans », a évalué Deslauriers qui a vanté la contribution de Philippe Moreau (adjoint aux opérations football et analyste), Joe Mack (DG adjoint du personnel des joueurs) et de deux recruteurs américains.

De plus en plus, les dirigeants des formations de la LCF doivent jongler avec cette réalité grandissante des joueurs canadiens qui sont repêchés, embauchés ou invités par des équipes de la NFL. Ce piège n’est pas évident à maîtriser et l’exemple le plus récent s’avère David Foucault, qui fera ses débuts dans la LCF avec les Lions de la Colombie-Britannique alors qu’il a été repêché par Montréal en première ronde en 2014.

« On doit suivre le tout de près puisque repêcher un athlète qui ne sera pas disponible pendant trois ans par exemple, ce n’est pas très efficace comme utilisation d’un choix. On essaie d’obtenir toutes les informations - auprès de recruteurs et dirigeants de la NFL - pour savoir où ces joueurs se situent dans l’organigramme des équipes. Ça va nous permettre de prendre de bonnes décisions », a indiqué Reed.

« Ça varie, chaque gars a une visibilité différente. Un joueur comme (Antony) Auclair a signé un contrat avec de l’argent garanti. Il va certainement baisser dans notre repêchage uniquement pour cette raison », a noté Deslauriers qui croit qu’Auclair et Senior ne reviendront pas à court terme dans la LCF.

« Mais il y a aussi quelques équipes – et je ne vais pas les nommer – qui invitent des Canadiens seulement pour les voir. D’un autre côté, on pensait que Foucault allait revenir tout de suite, mais ça s’est fait quatre ans plus tard. C’est difficile à déterminer. Ils ont travaillé plusieurs années pour avoir cette chance », a poursuivi Deslauriers qui avait lui-même obtenu un essai avec les Steelers de Pittsburgh.

Avec l’entrée en scène d’un nouveau groupe de décideurs, l’occasion était également belle pour connaître la philosophie de ceux-ci par rapport aux joueurs québécois. Popp, le prédécesseur de Reed, avait mentionné plus d’une fois qu’il préconisait les joueurs d’ici, à talent égal bien sûr.

« Notre vision demeure que c’est plus facile de garder à Montréal les joueurs originaires du coin. On veut miser sur des joueurs d’ici. On recherche de la stabilité et il n’y a rien de mieux que des joueurs du Québec pour y arriver », a convenu Reed avec un contexte vécu par tous ses rivaux.

« Je dis oui devant vous, mais la réalité demeure qu’on veut le meilleur joueur sur le terrain. À talent égal, c’est certain que je veux le francophone, le joueur qui voudra rester à Montréal, celui qui sera présent dans les médias et qui nous donnera de la visibilité. On le prendra peut-être même devant un anglophone qui vient d’ici », a déclaré Deslauriers.

Un autre enjeu de taille en vue du repêchage concerne le comportement des joueurs. Les athlètes ne sont pas tous des élèves modèles. Certaines organisations professionnelles acceptent tout de même d’accorder une chance à des espoirs plus problématiques.

« Je résumerais ça à un mot : caractère. Je crois que c’est très important et on met vraiment l’accent là-dessus avec la nouvelle direction. Ce sont des athlètes qui vont amener des choses positives dans le vestiaire et pas seulement par rapport au football. On n’adopte pas juste le joueur, mais l’homme également », a conclu Deslauriers.