S’il y a bien un match que l’on croyait que les Alouettes pouvaient gagner, c’était bien celui de samedi contre les Argonauts de Toronto. Ils avaient devant eux une équipe qui venait d’encaisser sept défaites consécutives et cette formation se cherchait présentement.

J’avais comparé à la blague la semaine dernière la défense des Argonauts à un buffet à volonté. L’attaque avait l’embarras du choix pour connaître du succès contre cette unité et inscrire des points. La défense torontoise figurait avant le match au neuvième rang pour les points accordés, elle était huitième contre la passe et au dernier rang pour le jeu au sol. C’est également l’unité qui a réalisé le moins de sacs du quart et d’interceptions au cours de la saison. Pour une attaque adverse, c’est une combinaison de rêve alors que tous les scénarios sont disponibles. Johnny Manziel ne devait pas ressentir trop de pression contre une brigade qui a enregistré seulement 19 sacs et 11 interceptions depuis le début de la campagne. La porte était grande ouverte pour l’attaque, mais elle n’en a pas profité. C’est donc décevant de ce point de vue.

Un autre élément qui me déçoit, les Alouettes avaient les devants à la demie. Ils ont donc manqué de caractère en laissant filer une avance contre une équipe qui peine à avoir des résultats positifs cette saison. Vous pouvez ressortir tous les clichés que vous voulez, les Alouettes ont perdu la deuxième demie, n’ont pas eu l’instinct du tueur, au final le résultat est une défaite de 26-22.

Les Alouettes ont trouvé le moyen d’échapper un match à leur portée. Les Argonauts sont revenus dans la rencontre et ont trouvé le moyen de l’emporter. C’est une défaite gênante.

Un manque d'opportunisme flagrant

Les Alouettes ont raté plusieurs chances d'ajouter des points au tableau dans ce match et ils en ont payé le prix. À la suite d’un bon retour de botté de Stefan Logan, Manziel a été victime d’une interception.

Après l’interception retournée pour un touché de Tevaughn Campbell, la porte était grande ouverte afin de mettre le pied sur la gorge des Argonauts et porter le coup de grâce. L’attaque a cependant enchaîné avec seulement deux jeux et un botté de dégagement. Le pointage était alors de 21-13 pour les Alouettes et j’espérais qu’ils allaient pouvoir enchaîner de manière convaincante et que le festin allait commencer pour l’attaque.

Non seulement l’attaque n’a pas su s’imposer, mais la défense a permis à James Franklin de retrouver son rythme.

Il y a bien des jeux que l'on peut analyser pour expliquer le résultat de ce match. Habituellement, tous les entraîneurs font une sélection d’environ cinq jeux pour illustrer le dénouement d’une rencontre. Je me suis prêté à l’exercice et voici mon portrait de la situation.

Tout d’abord, il faut revenir sur les deux placements ratés de Boris Bede. Je ne peux pas croire qu’il n’y aura pas une réflexion approfondie sur la situation à la position de botteur. Ça ne peut pas continuer ainsi. Les Alouettes peinent à avoir des résultats positifs cette saison, et alors que la bataille est rude et qu'ils ont les devants, le botteur ne peut concrétiser la fin de certaines séquences en ajoutant trois points au tableau. Je sais que Bede n’est pas le seul à avoir commis des erreurs cette saison, mais il faut évaluer toutes les facettes, dont la position de botteur. Un facteur qui peut jouer contre Bede, c’est qu’il occupe un poste de joueur international même s’il a évolué à l’Université Laval. Il y a plusieurs botteurs disponibles sur le marché ce qui fait que la marge d’erreur est mince pour lui.

Outre ces bottés, on peut porter notre attention sur les deux pénalités défensives dans la zone des buts qui ont mis la table aux deux touchés par la course de James Franklin.

Finalement, une pénalité pour rudesse a été décernée aux Alouettes sur un deuxième essai en milieu de terrain ce qui a permis aux Argonauts de se retrouver en position pour un placement, ce qu’ils ont fait. Sans cette pénalité en milieu de terrain, les hommes de Marc Trestaman n’auraient pas été en mesure d’ajouter trois points au tableau.

Si on comptabilise tous ces jeux, vous comprendrez que ça commence à faire beaucoup de points alloués ou échappés dans une rencontre qui s’est soldée par un écart de seulement quatre points. Les deux placements ratés de Bede n’ont donné qu’un simple, alors que les pénalités ont offert 17 points aux Argonauts. Ces cinq jeux donnent une bonne allure de l’histoire du match.

La défense rate son mandat en fin de match

Si on met de côté ses erreurs, j’ai été frustrée par la prestation de l’unité défensive en fin de match. En fait, pour être plus précis, je devrais dire après l’interception de Campbell qui a mené au touché. Je m’attendais à partir de ce moment que Franklin ne pose plus de problèmes à cette unité. Pourtant, la défense a éprouvé bien des difficultés à quitter le terrain, ce qui était une clé pour moi dans ce match.

On ne peut pas dire que c’était un succès alors qu’en deuxième demie, les Argonauts ont accumulé les longues séquences. Il y en a eu une de 14 jeux pour 78 verges en 7 min 16 secondes qui  a mené à un placement, une autre de 9 jeux en  4 minutes 38 secondes qui a permis aux Argos d'amasser 49 verges pour encore une fois un placement. Ils ont ensuite été sur le terrain pour six jeux, 23 verges en quatre minutes, ce qui a résulté en un placement. Finalement celle qui a mené au touché qui a fait la différence : neuf jeux, 75 verges en seulement 1 minute 25 secondes. Tous ces éléments sont survenus en deuxième demie! Les Argonauts ont eu le ballon 19 minutes sur un total de 30, donc la défense n’a pas été en mesure de redonner le ballon à son attaque.

L’unité offensive n’a jamais trouvé son rythme pendant ce temps, mais elle a également sa part de torts dans la défaite. Elle n’a mené son équipe qu’à un point en deuxième demie, le placement raté de Bede. C’est une deuxième demie désastreuse contre, je vous rappelle, une défense qui allouait en moyenne 32 points par match. Il faut croire que le buffet fermait plus tôt en fin de semaine et les Alouettes n’ont pas eu le temps de se servir à plusieurs occasions.

Malgré ces éléments, il faut souligner la bonne prestation du demi-offensif William Stanback. Sa course de 72 verges était spectaculaire. Il nous a ainsi montrés que non seulement il est costaud, mais il peut aussi être explosif afin d’aller chercher de bonnes portions de terrain.

Un dernier jeu qui nous laisse sur notre appétit

Manziel aussi a été efficace avec ses jambes grâce à une course de 22 verges. Il a aussi été bien servi avec son bras. En soi, Manziel n’a pas joué un mauvais match alors que seulement sept de ses passes ont été incomplètes. J’ai adoré la dernière séquence du deuxième quart qui a résulté au touché d’Eugene Lewis. En six jeux, l’attaque est allée chercher 75 verges, dont 70 par la passe. L’attaque avait un tempo rapide alors qu’elle ne prenait pas le temps de se retrouver pour des caucus entre chaque jeu. J’y vois peut-être un filon à exploiter pour les Alouettes selon l’adversaire qui est devant eux. On s’entend qu’on voyait Manziel dans son élément. Il est peut-être en mesure de choisir davantage des jeux à ce moment et les défenses adverses sont sur les talons ne pouvant apporter de changements dans leur personnel sur le terrain.

Vous voyez où je m’en vais en discutant de Manziel. Je n’ai d’autres choix que de revenir sur le dernier jeu de la rencontre. Je vous invite à lire à cet effet la chronique de mon collègue Bruno Heppell qui a bien cerné la situation.

Encore une fois ce jeu a laissé place à de la frustration alors qu’au lieu de voir une longue passe, le match s’est conclu sur un sac du quart. Au football, tous les jeux doivent être pratiqués au cas où la situation surviendrait dans un match. Je ne suis pas à tous les entraînements des Alouettes pour savoir s’ils pratiquent bel et bien cette passe du désespoir, mais ce que je peux dire, c’est que je trouve dommage que pour une deuxième semaine de suite les Alouettes ont encaissé un sac du quart sur un tel jeu. Avec un tel résultat, les Alouettes ne se donnent même pas la chance de l’emporter, même si je suis conscient qu’elles sont minces sur un jeu de la sorte.

Autre défaite malgré la performance encourageante

Mike Sherman a décidé contre les Argonauts de faire appel à Antonio Pipkin pour tenter d’offrir la victoire à son équipe. Est-ce qu’on s’est dit que Manziel avait raté son coup contre les Stampeders de Calgary avec le sac? Peut-être. Chose certaine, l’approche et non la sélection de joueurs ne semble pas appropriée. On s’est tourné vers le même jeu pour un deuxième match consécutif et le résultat a été le même et je ne parle pas d’une passe incomplète, ce qui pourrait être tolérable, mais bien d’un sac du quart. Le ballon ne s’approche même pas de la zone des buts et on ne peut même pas espérer une pénalité pour obstruction.

Un autre élément qui paraît mal à la lumière du dénouement du match, c’est que Manziel a été remplacé alors qu’il est identifié comme étant ton quart numéro un. On se rappelle qu’ils ont payé très cher pour obtenir ses services, donc logiquement, c’est lui qui devrait te donner la chance de l’emporter sur le dernier jeu du match. On espérait assister à la magie de Manziel, mais on ne l’aura pas vu. Manziel a de la pression aussi alors qu’il cherche encore sa première victoire après six matchs. Il aurait très certainement aimé avoir la chance de l’offrir à son équipe contre les Argonauts.

Lorsqu’on décortique ce jeu que j’aime bien appeler la passe arc-en-ciel, car  j’avais un entraîneur qui disait qu’au bout de l’arc-en-ciel on espère trouver un chaudron rempli d’or. Si on entrevoit que l’attaque est à 50 verges de la zone de but, on peut envisager qu’il faut à tout de moins quatre secondes et même un peu plus pour un receveur afin de l’atteindre. C’est donc dire que oui il faut un quart avec un bon bras, mais il faut aussi un quart qui est capable d’improviser afin de gagner du temps avant de décocher sa passe. Si jamais on pense qu’on n’a pas la protection pour attendre avant de décocher la passe, une équipe peut se tourner vers le festival de la latérale. En deux occasions, on a tenté la longue passe chez les Alouettes et les deux fois, elle n’a même pas été lancée. C’est donc dire que pour le moment ce n’est peut-être pas seulement l’exécution qui fait défaut, mais aussi le choix de jeu.

L’ancien entraîneur Bill Parcells avait dit : « You are what your record says you are are. » Tu es ce que ta fiche dit que tu es. Si on regarde celle des Alouettes, 3-13, il ne faut pas se voiler la face, c’est une mauvaise équipe. J’espère que les Alouettes le réalisent aussi et qu’ils ne mettront pas leurs lunettes roses pour regarder la situation. Cette formation manque de talent et on en a eu encore la démonstration samedi. Les équipes qui éprouvent des difficultés trouvent des manières de perdre et c’est ce qui s’est produit contre les Argonauts.

*Propos recueillis par Maxime Tousignant

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