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RÉSULTATS

Quand football et ballon-balai font bon ménage!

Terrain enneigé - Getty
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Mise à jour

En 15 ans de journalisme sportif, j'ai rencontré beaucoup de gens de différents horizons qui ont contribué à ma vision actuelle de la scène sportive. C'est ce que je tenterai de vous faire découvrir au fil de mes chroniques sur le RDS.ca. J'espère vous faire connaitre des personnalités, vous partager des réflexions et aussi d'innombrables histoires des experts que j'ai le bonheur de côtoyer au quotidien.

 

Dans plusieurs milieux de travail, la machine à café est un lieu de socialisation. Les gens s'y croisent et discutent pendant quelques minutes. On prend des nouvelles de la famille, du dernier week-end et, parfois, on se raconte une anecdote avant de reprendre le boulot.

 

À RDS, il y a plusieurs machines à café, mais il y a surtout la salle de maquillage. Cette pièce au bout d'un corridor du deuxième étage est souvent le théâtre de discussions savoureuses. C'est un des seuls endroits où il est possible de jaser avec des experts de hockey, baseball, tennis, ou autres, en quelques minutes.

 

Récemment, je m'y suis retrouvée en même temps que Pierre Vercheval, analyste du football des Alouettes et de la NFL depuis 2002 à RDS. Vous aimez son style coloré et sa bonne humeur en ondes? Pierre est exactement le même lorsque la caméra est éteinte.

 

Entre deux coups de pinceau à poudre, on s'est mis à parler des éliminatoires de la Ligue canadienne de football et de la prochaine Coupe Grey qui se tiendra à Regina le 20 novembre. On a parlé du froid qu'il risque d'y faire et c'est à ce moment que je lui ai demandé d'ouvrir son grand livre d'anecdotes: « Pierre, c'était quoi la pire météo que tu as eu à affronter durant un match? »

 

La réponse a été immédiate. « Winnipeg, après une tempête de verglas. »

 

On remonte au 3 novembre 1991, à l'époque où l'ancien footballeur défendait les couleurs d'Edmonton. L'équipe a eu un avant-goût de la mauvaise météo dès l'atterrissage de l'avion, la veille de la rencontre. Le pilote a dû se reprendre à trois reprises avant de finalement poser l'appareil sans encombre. 

 

Les joueurs se sont ensuite dirigés vers le stade pour se dégourdir les jambes, mais le terrain était impraticable.

 

 « Il y avait deux gars. Un qui poussait une espèce de chaufferette et l'autre avait une barre à clous pour casser la glace. Il devait y avoir un centimètre de glace sur toute la surface. Ça n'allait pas vite leur affaire! Quand on est parti pour l'hôtel, le terrain avait l'air d'une patinoire. »

 

Les efforts déployés par l'organisation du Manitoba étaient possiblement à l'image de l'enjeu au menu. Le dernier duel de la saison n'avait aucune importance pour les Blue Bombers, contrairement aux Eskimos (maintenant renommés les Elks) qui devaient repartir avec la victoire pour s'assurer du premier rang dans l'Ouest.

 

Le lendemain, le thermomètre indiquait moins-24 degrés avec le facteur éolien et le terrain était loin d'être déblayé en entier. Le match a donc eu lieu sur une surface de jeu de 90 x 50 verges, plutôt que les 110 x 65 verges habituelles. La profondeur des zones de buts a également été amputée de 10 verges. De nombreuses plaques de glace étaient visibles un peu partout sur le terrain synthétique que Pierre compare à du tapis de miniputt.

 

Comment rester debout, courir ou effectuer des plaqués dans de telles conditions? La majorité des joueurs ont opté pour les souliers de ballon-balai afin de maximiser l'adhérence.

 

« Tu étais content d'avoir tes souliers de ballon-balai quand tu étais sur la glace, mais quand tu passais à la surface synthétique ça arrachait toutes les semelles. Combien de jeux on a fait avec la moitié de la semelle qui pliait en-dessous du soulier? En arrivant au banc, les préposés à l'équipement devaient nous replacer tout ça avec du « tape » pour essayer que ça tienne ensemble. »

 

L'analyste en parle en riant parce que son équipe a gagné 28-18 et qu'aucun joueur ne s'est blessé, malgré les conditions exécrables.

 

« Ça entre dans le folklore de la Ligue canadienne! »

 

Le cauchemar des grandes chaleurs

 

Le plus grand défi de l'ancien joueur de ligne offensive a toutefois été de performer dans des températures très chaudes et humides. Il suait beaucoup et devait constamment se réhydrater pour éviter les malaises.

 

Le retour d'un match disputé à Hamilton dans l'uniforme des Alouettes l'a particulièrement marqué. Dans le train qui ramenait l'équipe à Montréal, Pierre était tellement déshydraté qu'il souffrait de vomissements et de crampes. L'équipe a dû le laisser dans une urgence de Toronto pour qu'il reçoive un soluté par voie intraveineuse. Un physiothérapeute des Alouettes était à ses côtés.

 

« Quand l'infirmière partait, le gars ouvrait les valves et il " squeezait " le sac. Vous seriez surpris de voir comment un sac de soluté peut se vider rapidement! Ce n'était plus au compte-goutte, c'était comme un robinet. »

 

Cinq ou six sacs de soluté plus tard, Pierre Vercheval était de retour sur ses jambes.

 

Disons que le scénario hivernal est beaucoup plus probable pour la 109e finale de la Coupe Grey. À Regina, la température moyenne est de moins-5 degrés au mois de novembre, mais pourrait aussi se révéler glaciale comme en 2013.

 

« Parles-en à Didier (Orméjuste), il en a été traumatisé », me lance Pierre.

 

J'ai croisé Didier, toujours dans la salle de maquillage, quelques jours plus tard. Il m'a confirmé qu'en 2013, il avait fait -35 degrés durant la semaine précédant la finale en Saskatchewan, mais que la rencontre s'était jouée à un « confortable » zéro.

 

Au moins, personne ne devrait avoir besoin de souliers de ballon-balai!