AVANT-MATCH CHIEFS C. PATRIOTS

La tradition des affrontements Chiefs-Patriots se poursuit ce dimanche à Foxborough, et ce au plus grand plaisir d’une majorité d’amateurs de football américain. Il est normal qu’on en voit un autre, puisque le circuit Goodell oppose toujours les clubs ayant terminé premiers dans leur division la saison précédente à un autre premier de classe.

La NFL a compris que ce choc entre deux très bonnes équipes soulève les passions, un peu comme les matchs opposant Peyton Manning et ses Colts d’Indianapolis à Tom Brady et à ses Pats pendant plusieurs saisons. C’est sûrement pourquoi on voit ces deux équipes plus tard dans la saison, lorsqu’il y a des enjeux éliminatoires mieux définis.

Depuis 2017, ça nous a donné droit à trois duels palpitants. Il y a deux ans, les Chiefs avaient gagné 42-27 (total de 69 points) dans un match qui avait été marqué par l’éclosion d’un certain Kareem Hunt. En saison régulière en 2018, les Pats s’étaient imposés au compte de 43-40 (83 points), avant de répéter leurs succès en finale d’association, avec une victoire de 37-31 (68 points) en prolongation.

Bref, ceux qui apprécient le football offensif ont été servis dans les deux dernières années lorsque Kansas City et la Nouvelle-Angleterre s’affrontent.

On est en droit de se demander si le rendez-vous de dimanche ne dérogera pas de cette tendance, du moins du côté des Pats – quoi qu’il faut toujours faire attention avec Bill Belichick. Il ne faut jamais le compter pour battu car il surprend souvent quand les attentes sont revues à la baisse.

Force est d’admettre toutefois que l’attaque des Pats connaît d’importants ennuis avec sa moyenne de 18 points lors des trois derniers matchs. Brady complète seulement 50 % de ses passes et n’a totalisé que quatre passes de touché, dont trois en 2e demie face aux Texans de Houston, alors que la cause de son équipe était somme toute sans espoir dans le dernier quart. C’était des calories vides, un coup d’épée dans l’eau; les propriétaires de Brady en fantasy ont dû être satisfaits, mais ça s’arrête là.

À part pour James White et Julian Edelman, ç’a été un match catastrophique pour les autres joueurs offensifs qui entourent Brady. Les receveurs étaient incapables de créer de la séparation et de courir les bons tracés. Évidemment, ç’a mené à de la frustration de la part du no 12 des Pats.

Comment expliquer cette inefficacité?

Il faut avant tout comprendre que le système offensif des Pats est hyper exigeant envers les receveurs. Au fil des ans, on a pu saisir que les cibles de Brady ont énormément d’informations à digérer pour travailler en symbiose avec lui. Une fois le tracé entamé, le travail est loin d’être terminé. Au 3e pas, les receveurs doivent savoir ce qui se passe et s’ajuster en conséquence. Ce n’est pas toutes les équipes qui fonctionnent ainsi; plusieurs imposent un tracé au receveur et lui disent de s’en remettre au quart-arrière, qui prend toutes les décisions.

Chez les Pats, c’est différent. Ils amènent ça à un autre niveau... Oui,  Brady décide ultimement où va le ballon. Mais les receveurs doivent en tout temps être dans la meilleure position possible pour le capter. Aucun tracé ne doit être gaspillé. Ça demande de se réajuster continuellement, dépendamment entre autres de la couverture des demis de coin et de la présence ou non d’un blitz. Tout ça doit être fait dans les premières secondes après la remise du centre. Entendons-nous par ailleurs que si tu penses trop au football, tu joues moins vite. Et si tu ne joues pas avec rapidité, tu ne seras pas à l’endroit où Brady s’attend de te voir. Ça demande un synchronisme impeccable, et c’est ce qui est difficile chez les Pats. Il ne suffit pas d’être athlétique; les receveurs doivent être très intelligents pour décoder un grand volume d’informations.

Tom Brady baigne dans le système des Pats depuis 20 ans. Évidemment, il est mort de rire. Dans le cas d’Edelman, ça fait une décennie qu’il côtoie ce système. Et rappelons-nous que durant les trois premières années, ç’a été une phase d’apprentissage. Ce n’est qu’à sa 4e saison qu’Edelman, qui est présentement le meilleur chez les Pats, a finalement débloqué.

On regarde maintenant les autres cibles de Brady. Jakobi Myers est une recrue, Mohamed Sanu est arrivé dans le cadre d’un échange à mi-chemin dans l’année, Gunner Olszewski (présentement blessé) est aussi un joueur de 1re année, tout comme N’Keal Harry. Et dans le cas de Philip Dorsett, on commence à mieux comprendre les raisons ayant poussé les Colts à le laisser partir, lui qui est un ancien choix de 1re ronde. Ça fait trois ans qu’il est avec les Pats, et encore dimanche contre Houston, il a commis des bévues qui n’ont pas enchanté Brady.

Tout ça pour dire que lorsqu’on fait un portrait global, on s’aperçoit qu’Edelman est le seul receveur en qui le général a une confiance indéfectible, en plus qu’on n’a jamais remplacé Rob Gronkowski, le genre d’ailier rapproché qui ne court pas les rues. Ben Watson peut tirer son épingle du jeu, mais il n’est plus jeune.

En plus de tout ça, les Pats ont perdu leur entraîneur des receveurs, Chad O’Shea, qui a quitté pour l’organisation des Dolphins de Miami. Cela signifie que Joe Judge, aussi coordonnateur des unités spéciales, s’occupe de diriger tous ces nouveaux venus dans le corps de receveurs. Ça commence à faire beaucoup de responsabilités.

Michel doit être mis à contribution

Lorsque je me penche sur les deux victoires acquises par les Pats face aux Chiefs en 2018, un constat évident apparaît : Sony Michel était un élément-clé, ayant amassé plus de 100 verges au sol les deux fois. Dans le 1er duel, le total du champ-arrière des Pats avait été de 38 courses pour 173 verges et trois touchés. Puis en éliminatoires, les Pats avaient déployé 48 jeux au sol pour 176 verges, en plus d’inscrire quatre majeurs.

En ce moment, on ne connaît pas l’identité offensive des Pats. Tout est flou à ce chapitre, et Belichick a quatre matchs pour clarifier la chose.

Il va être difficile de s’imposer dans le jeu au sol tant et aussi longtemps que l’attaque aérienne va en arracher. Ne craignant pas la menace de la passe, la défense adverse va déployer les ressources nécessaires pour stopper la course; c’est l’évidence même. La solution, on l’avait peut-être vue dans la toute 1re séquence offensive des Pats face aux Texans, qui avait été une de leurs plus soutenues de la soirée. Neuf de leurs 13 jeux avaient été des courses, et ça s’était concrétisé par un botté de placement réussi. On avait fait une utilisation accrue des ailiers rapprochés et du centre-arrière. Contre les Chiefs, il ne faudrait pas abandonner cette recette, surtout que tu souhaites garder Patrick Mahomes sur le banc un maximum de temps.

De l’autre côté, les Chiefs commencent depuis deux matchs à avoir l’air potables en défense. Ce n’est pas encore une des grandes unités du circuit, mais elle s’est ressaisie. En moyenne, 372 verges avaient allouées aux clubs averses lors des 10 premiers matchs. Lors des deux plus récentes sorties, ç’a été 310. La moyenne de points alloués est passée de 22 à 13 durant la même période, tandis que le nombre de revirements a explosé; de 12 dans les 10 premiers matchs à sept lors des deux plus récents (six interceptions et un échappé recouvré). Les Chiefs ont donc commencé à enlever le ballon à leurs adversaires avec plus de régularité.

La défense des Pats, elle, s’est fait malmener par les Texans, il n’y pas d’autre manière de le décrire. Cette unité n’avait concédé que quatre touchés aériens en 2019 avant de voir Deshaun Watson en récolter quatre dimanche dernier.

On dit que des joueurs défensifs des Pats étaient affaiblis par un virus, et que c’est ce qui a mené à une moins grande utilisation de quelques joueurs-clés par Belichick. Il n’en demeure pas moins que stratégiquement, Bill O’Brien a réussi à déjouer le plan de match de son rival. Son club est sorti affamé et ç’a rapporté.

Enfin de l'équilibre chez les Chiefs

J’ai hâte de voir quel sera le mot d’ordre du côté offensif chez les Chiefs. Ce qu’il y a d’intéressant, c’est que dans les deux derniers matchs (des victoires), Mahomes n’a même pas eu à dépasser le seuil des 200 verges par la voie des airs.

La semaine dernière, il a totalisé 175 verges... Ça n’a pas empêché les Chiefs s’inscrire 40 points au tableau pour autant. C’est rafraîchissant de voir que K.C. peut remporter des matchs différemment. On a si souvent vu des festivals offensifs depuis deux saisons. Tout reposait sur le bras droit de Mahomes, et s’il n’avait pas un match extraordinaire, ça se compliquait.

Cette contribution collective, avant une défense moins permissive à l’avant-plan, rend cette équipe infiniment plus dangereuse pour la suite du calendrier et les éliminatoires. On parle désormais d’une formation qui pourrait, au besoin, remporter un de ces fameux ugly games, comme les Pats l’ont souvent fait notamment.

En plus, Mahomes commence à trouver suffisamment la forme pour se sentir confortable dans le jeu au sol. Ça le rend encore plus dangereux. Tu redoutes Travis Kelce et Tyreek Hill, tu veux garder un œil sur Sammy Watkins, tu ne sais pas trop ce que Mecole Hardman peut faire avec sa grande vitesse. Il y tant de dynamisme dans cette attaque qu’il est impossible de doubler tout le monde. Si tu essaies de contenir toutes ces menaces, ça ouvre la porte à ce que le jeune général puisse courir à sa guise comme il l’a fait avec 84 verges contre les Chargers et le Raiders. Ça devient un méchant casse-tête!

Soudainement, les Chiefs montrent beaucoup d’équilibre dans leurs choix de jeux. Contre Oakland, on a vu 29 jeux de course et 29 passes. Leur dernière séquence l’a bien illustré : 14 jeux, 75 verges et 9:32, avec 12 remises aux porteurs. Je n’étais pas certain que les Chiefs avaient ça dans le corps. Avec des séquences offensives aussi méthodiques, on comprend que la défense peut offrir un meilleur rendement.

Je serai curieux de voir dimanche si on aura droit à match offensif semblables aux trois derniers entre les Patriots et les Chiefs, ou si ce sera plus serré de la part des deux unités défensives. La réponse dès 16 h dimanche sur les ondes de RDS et RDS Direct!

* propos recueillis par Maxime Desroches