COLLABORATION SPÉCIALE

Pour une deuxième semaine consécutive, les amateurs de football américain ont eu droit à des fins de rencontres palpitantes dimanche, à l’occasion des finales d’association de la NFL.

 

Assez surréaliste encore aujourd’hui, au lendemain des faits, mais voilà que les Bengals de Cincinnati sont finalistes du Super Bowl et qu’on les verra jouer pour le trophée Vince-Lombardi le 13 février prochain.

 

Avant d’accorder tout le mérite qui revient aux Bengals pour cette autre victoire héroïque, je n’ai d’autre choix que d’aborder l’autre côté du spectre, soit l’écroulement monumental des Chiefs de Kansas City en deuxième demie. Car c’est vraiment ce qui s’est produit : K.C. a laissé filer entre ses doigts un match qui lui appartenait.

 

Pourquoi au juste, d’ailleurs? Sincèrement, je ne le sais pas.

 

A-t-on modifié des choses défensivement du côté des Bengals pour que les Chiefs soient aussi décontenancés en attaque? Oui, notamment des pressions sur le quart à seulement trois joueurs et huit en couverture. On s’est également éloigné de la « couverture 2 » afin de se rabattre plus régulièrement sur une couverture homme à homme. Mais de façon générale, ce qu’on a présenté à Patrick Mahomes et sa bande en deuxième moitié n’avait rien de si exotique. Rien qui, en théorie, n’aurait dû décontenancer à ce point le coordonnateur offensif Eric Bieniemy et l’entraîneur-chef Andy Reid.

 

Mais on a senti que les choses ont commencé à déraper en fin de première demie. La pression a augmenté, et même si c’était 21-3 au score, Mahomes nous a montré ici et là qu’il n’était pas tout à fait en contrôle. Il a forcé la note avec cinq secondes à jouer au lieu d’accepter de prendre le botté de placement. Le sentiment d’urgence n’était pas au rendez-vous, alors de précieuses secondes ont été perdues, et la passe en direction de Tyreek Hill dans le flanc s’est faite trop tard, permettant aux Bengals de réussir le plaqué à la ligne 2, lequel mettait fin à la demie.

 

À voir Mahomes tenter d’appeler un temps mort alors qu’il n’en restait aucun à la banque des Chiefs, on obtenait déjà à ce moment un indice pointant vers une performance moins achevée que celle offerte la semaine précédente face aux Bills de Buffalo. Sans entrer dans le détail de chaque jeu, le quart vedette des Chiefs n’était simplement pas au niveau qu’on aurait attendu de lui dans une rencontre d’une telle importance. Des passes imprécises et incomplètes, des interceptions… C’est devenu une comédie d’erreurs pour une attaque limitée à trois points en deuxième moitié de match, tout comme ça avait été le cas dans la confrontation de la semaine no 17 entre les deux clubs, à Cincinnati.

 

Les Bengals ne l’ont pas volée

 

Ce triomphe des Bengals peut paraître invraisemblable, mais la vérité est que le niveau de jeu offert par les négligés dans la dernière demi-heure de jeu (et en prolongation) a été carrément sublime.

 

Ils ont gagné ce match en comblant un déficit de 18 points, rien de moins, en finale d’association, le tout dans une ambiance des plus hostiles au Arrowhead Stadium et face à une impressionnante machine de football. Ça mérite d’être souligné car c’est un exploit des plus spectaculaires.

 

D’une part, il faut convenir que la troupe de Zac Taylor a apporté des ajustements défensifs requis pour faire tourner le vent de côté. La défense est devenue plus agressive, et l’un des points que j’ai remarqués a été qu’elle s’est ajustée de brillante façon à l’arbitrage. Tôt dans le duel, on a été à même de constater que les officiels allaient conserver leur mouchoir dans leur poche et permettre des confrontations très physiques. Seules les fautes très flagrantes allaient être appelées. On a commencé dans la tertiaire de Cincy à être plus robuste avec les cibles de Mahomes, harcelant les receveurs afin de les ralentir. Cet ajustement aux standards des arbitres a fait une différence, à mon avis. Et la pression a trois, dont je faisais mention plus haut, a bien contenu Mahomes dans la pochette.

 

À l’attaque, Joe Burrow et ses coéquipiers ont continué à se battre malgré l’adversité. Tandis que les Chiefs montraient des signes de fragilité avant le départ vers les vestiaires, les Bengals montraient des premiers de signes de vie, notamment avec la passe piège à Samaje Perine, qui a filé sur 44 verges jusqu’à la zone des buts.

 

Le plan de match n’a jamais été abandonné, et malgré le fait que Ja’Marr Chase était étroitement surveillé, l’unité offensive a réussi à obtenir de précieux premiers essais lorsque le pointage s’était resserré. Le receveur grand format Tee Higgins est un de  ceux qui se sont levés pour réussir des attrapés cruciaux.

 

L’aplomb affiché par Burrow durant ces éliminatoires est réellement une révélation. On savait qu’il possédait une belle mobilité, mais de le voir s’en servir pour obtenir des premiers jeux par la course dans des moments aussi importants, ça vient nous confirmer que cette facette de son jeu avait été sous-estimée par les Chiefs.

 

Même lorsqu’ils étaient dominés au pointage, les Bengals n’ont jamais bronché, et c’est cette culture organisationnelle qu’on a été en mesure de bâtir au sein de cette jeune équipe. C’est l’une des raisons pour lesquelles ce sera la formation de l’Ohio qui représentera l’association Américaine au Super Bowl dans un peu moins de deux semaines.

 

Stafford emmène les Rams là où ils voulaient être

 

Ça fait quelques semaines maintenant que l’on entend les récriminations envers Matthew Stafford, un quart qui malgré son grand bagage d’expérience, ne « possède pas l’expérience et le succès des matchs importants ». Compte tenu de ses performances inégales en fin de saison, certains se demandaient si les Rams de Los Angeles avaient amené le bon gars pour guider l’équipe à une présence au Super Bowl.

 

On ne peut faire semblant que ce manque de constance n’existe pas. On l’a même observé dimanche dans le triomphe face aux 49ers de San Francisco. Sur l’une des premières séquences offensives de son club, il a été victime d’une interception qui a enlevé beaucoup de rythme aux Rams. Il a lancé quelques mauvais ballons en début de match, et est passé bien près d’être intercepté une nouvelle fois au quatrième quart, et il n’a que Jaquiski Tartt à remercier pour cela, car le maraudeur des Niners aurait dû capter ce ballon qui manquait de vélocité et lui arrivait tout droit dans les mains.

 

Mais, encore une fois, Stafford a disputé du football inspiré lorsque son club était en danger d’être éliminé. C’est au moment où L.A. a tiré de l’arrière 17-7 que le no 9 des Rams s’est mis à offrir son meilleur rendement. À la limite, il semble mieux jouer lorsque la pression est à son comble et qu’il n’a plus d’autre choix que d’ouvrir la machine sans trop réfléchir (les anglophones disent ‘Let it rip’). On l’a vu compléter de superbes passes à Odell Beckham fils et un peu plus tard à Cooper Kupp. Malgré la perte de Tyler Higbee, il a su bien intégrer Kendall Blanton au plan de match. Globalement, j’ai beaucoup aimé l’audace qu’a démontré Stafford dans un moment aussi critique.

 

La défense a rempli sa part du mandat

 

Pour que les Rams réussissent à mettre fin à cette vilaine séquence de revers face aux 49ers, il a fallu que la défense livre une performance de grande qualité dans cette finale de l’association Nationale.

 

Dès les premiers instants du match, elle a démontré qu’elle n’allait pas se faire intimider par l’attaque au sol de ses rivaux. La menace par la course était pratiquement inexistante de la part des Niners. C’était la mission prioritaire, car on savait que c’était là-dessus que Kyle Shanahan allait souhaiter s’appuyer. La bataille de la robustesse, on peut réellement dire que c’est le front défensif des Rams qui l’a remportée, chose qui était incertaine compte tenu des forces en présence dans le clan adverse.

 

Tôt ou tard, cela a signifié que Jimmy Garoppolo se retrouvait avec beaucoup de pression sur les épaules et il n’a pas été en mesure bien la gérer. Tandis que la pression des Rams ne se rendait pas à lui si fréquemment, Aaron Donald y est allé d’un discours auprès de ses coéquipiers que les caméras ont réussi à capter. J’ai vraiment l’impression que ce n’était pas des paroles en l’air et que le groupe de joueurs a compris qu’il était temps d’aller puiser dans les ressources. C’est à peu près à ce moment que l’aplomb est revenu, et que Garoppolo a été embêté. Soudainement, ce dernier se retrouvait forcé à précipiter ses gestes, à lancer le ballon à l’improviste, et c’est là que le no 10 des 49ers risque de faire très mal à son club.

 

Éventuellement, cette pression incessante a causé l’interception de Jimmy G ayant scellé l’issue du duel avec un peu plus d’une minute à écouler au quatrième quart. Malheureusement pour le vétéran quart, c’est probablement la fin pour lui à San Francisco, sachant que l’équipe mise gros sur Trey Lance, sélectionné au troisième rang au total du dernier repêchage. J’ose imaginer que ce dernier sera le quart partant de l’équipe en 2022, sachant qu’il a bénéficié d’un an pour mieux saisir les différences entre la NFL et les rangs collégiaux.

 

La table est mise

 

Les Rams auront donc ce qu’ils souhaitaient ardemment, ce Super Bowl présenté dans leur stade, le SoFi Stadium.

 

Ce sera la jeune sensation Joe Burrow qui, à sa deuxième année seulement, amène au match ultime une équipe qui se trouvait dans les bas-fonds du classement depuis plusieurs années et n’avait pas remporté un match éliminatoires depuis 1991.

 

Dans l’autre coin, on retrouvera l’effectif mis sur pied par Les Snead et Sean McVay. La stratégie mise en place afin d’amener le club au prochain niveau n’avait rien d’habituel quant aux nouvelles façons de faire dans la NFL. Les gros coups frappés chez les joueurs autonomes et les ajouts de vedettes obtenues contre de hauts choix comportent une énorme part de risque, après tout.

 

Il n’en demeure pas moins que c’est toute une équipe de football qu’on a été en mesure d’assembler, et que ce serait un moment grandiose de les voir soulever le trophée devant leurs partisans, dans deux dimanches.

* propos recueillis par Maxime Desroches