Il ne fait aucun doute que la performance de Jordan Spieth lors du Tournoi des Maîtres est l’une des plus remarquables des dernières années sur la scène du golf professionnel. Quand on écorche au passage les marques de Tiger Woods et que l’on réussit à imiter un exploit de Jack Nicklaus, il ne peut en être autrement.

Il faut reconnaître que cette victoire pourrait avoir un impact considérable sur la pratique du golf au cours des prochaines années, au même titre que la victoire de Tiger lors de ce même évènement en 1997. C’est à la suite de ce triomphe que Woods a occupé toute la place. Ce fut véritablement le coup d’envoi de sa remarquable carrière.

On a inévitablement au cours des derniers jours tracé des comparaisons entre Spieth et Woods. Résultats chez les juniors, chez les amateurs, chez les professionnels. Force est d’admettre que les colonnes statistiques se ressemblent à plus d’un égard.

Mais quand on y regarde d’un peu plus près, on s’aperçoit qu’il y a un monde de différences entre eux. Comme quoi?

Comme l’approche du jeu. Et c’est Phil Mickelson qui en faisait la remarque à la suite de la victoire de Spieth hier au Augusta National. Il n’essaie pas de s’imposer au terrain. Il ne veut pas et ne tient pas à imposer sa loi au parcours. Il y joue selon une stratégie bien établie. Il peut jouer tous les coups requis. Il est en mesure de résister à la pression et de présenter ses meilleurs résultats malgré la pression. De dire Mickelson, jouer de la sorte ne s’apprend pas. Certains joueurs sont capables de le faire, d’autres non.

Spieth d'un bout à l'autre

On a senti chez Spieth un calme et une sérénité hors du commun. Après quelques rares coups ratés, il s’est immédiatement ressaisi. Cela s’est non seulement produit lors du Tournoi des Maîtres mais également lors des semaines précédentes.

L’entourage de Spieth est aussi fort différent. Hier, après les premières accolades, son père lui a suggéré de retourner sur le vert pour saluer et remercier les amateurs qui y étaient massés. Ce qu’il s’est empressé de faire. Ses propos lors de la cérémonie de remise du veston vert et des trophées ont été sobres et il a fait preuve d’une grande maturité dans toutes les occasions.

Nous avons aussi été témoins au cours des dernières semaines de ses gestes de tendresse avec sa sœur handicapée. Comme nous l’avons vu et constaté avec Alexandre Bilodeau, premier athlète canadien à gagner l’or olympique au pays ou encore avec la championne de plongeon Annie Pelletier. L’athlète d’exception n’a pas à uniquement conjuguer à la première personne du singulier pour construire son personnage. Il peut y avoir d’autres priorités dans la vie.

Une telle attitude ne l’a pas empêché de livrer ses émotions. On l’a entendu commenter presque chacun de ses coups depuis le tertre de départ ou l’allée. Et on l’a aussi vu sourire, ce qui n’est pas la norme chez les golfeurs professionnels. Et même réconforter son cadet à la suite d’une décision qui aurait pu s’avérer coûteuse. Pas de jurons, pas de bâtons brisés.

L’image semble trop parfaite? Je ne vois pas en quoi cela pourrait le diminuer, bien au contraire.

Nombreux sont les joueurs qui ont occupé le poste de prétendant à la succession de Tiger Woods qui montre des signes d’essoufflement après une carrière très bien remplie. Malgré toutes les promesses et le talent, personne n’a encore véritablement réussi à occuper la place de leader que Woods a occupée pendant une vingtaine d’années. Non pas qu’ils n’aient pas eu toutes les chances requises pour supplanter Woods. Chaque fois qu’on pouvait le faire, on a presque toujours parlé d’échec.

La victoire de Spieth au Tournoi des Maîtres aura-t-elle le même effet que celle de Woods en 1997? C’est possible. Très possible. Les joueurs de la dernière génération nous montrent chaque semaine de très belles choses. Il leur faudra résister à la tentation de limiter leurs sorties une fois les petites fortunes acquises. Certains d’ailleurs ont rapidement pris cette fâcheuse tendance et leurs résultats ont été décevants.

Chez les femmes, c’est Lydia K.-O., qui célébrera ses 18 ans dans une dizaine de jours, qui occupe dorénavant l’avant-scène. Voilà que Spieth à 21 ans se faufile au deuxième rang du classement mondial avec la confiance tranquille d’un vétéran. Un vent de fraîcheur souffle sur le golf professionnel.

Si on avait demandé aux légendes que sont Palmer, Player ou Nicklaus de choisir celui qui un jour occuperait leur place, j’ai l’impression qu’ils auraient choisi Jordan Spieth avant même qu’il ne gagne en fin de semaine.